Abbaye de Saint-Hilaire en Vaucluse

 

 

  Abbaye Saint-Hilaire

  Propriété d'un indienneur en 1789

 

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  Table des matières - ici -

 

  

  Des "toiles de Perse" aux indienneurs  du XVIIIe siècle

 

Avant l’imprimé régnaient le tissé, le brodé, l’appliqué, la dentelle. Les jeux de fils de couleurs ou d’or et d’argent, selon leur disposition, leur croisement et leur entrecroisement, composaient les motifs souhaités. Ces étoffes très riches étaient réservées à l’élite fortunée qui pouvait se les offrir et au clergé à qui on les offrait. Les notables, les grands seigneurs et les grandes dames, ainsi que les évêques, archevêques et cardinaux savouraient ce rare privilège: arborer des ornementations sur leurs robes et costumes de velours, damas, soieries ou brocarts .

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 ► En savoir plus sur les textiles ecclésiastiques - ici -

 

 

Parallèlement, aux quatre coins du monde, de la Grèce à la Chine et de l’Inde à l’Afrique, on a de tout temps aimé colorer la toile ou le fil de toutes les façons possibles pour obtenir des effets de motifs: en la plongeant dans les teintures, en ligaturant, en froissant, en plissant, en cousant des graines dans l’étoffe nouée.

 

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Tie & die, appelé bandhani, est une méthode de teinture par réserve, qui permet d'obtenir une étoffe bicolore ou multicolore. Le tissu est plongé dans la teinture après avoir été ligaturé afin de réserver les parties blanches du dessin définitif, ou celles qui ont déjà reçu la couleur désirée.

 

 

Le coton a été étroitement lié au destin de l'Inde depuis la civilisation de l'Indus, cultivé dans le sud du pays, entre Andhra Pradesh, Orissa, au Maharashtra, Madhya Pradesh, Karnataka, Gujarat et Penjab.

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Non tissé, cardé sur place à la demande, le coton entre suivant la longueur de ses fibres, sa blancheur, etc., dans la préparation de toutes sortes de tissages, des plus fines mousselines bengalis aux vêtements tribaux, dhurries, bonneterie, moustiquaires, mouchoirs de Madras, etc.

 

Au sud de l'Inde, il est tissé pour être exporté vers l'Europe, et des villes comme Salem, Coimbatore doivent leur prospérité au tissage du coton.

Salem et Coimbatore

Les marchands d'Anvers les premiers ouvrirent des comptoirs dans les havres indo-portugais et à Ceylan, qui jalonnaient leur route maritime vers Malacca et les îles de la Sonde. Les chintz à décors floraux du sud de Coromandel qu'ils envoyaient vers l'Europe eurent tôt fait d'être transformés en jupon par les Hollandaises.

 

En Europe, dès 1648, c'est à Marseille (infos) que des "dominotiers ou Maîtres Cartiers" qui produisaient papiers peints et cartes à jouer, installent, 30 ans avant Londres et Anvers, le premier atelier d'impression de textile (lin et chanvre), donnant ainsi naissance à l'indiennage européen.

Dominotier dans son atelier

Les motifs venus d'ailleurs et imités maladroitement ont rarement la grâce des originaux. Mais surtout - c'est là le plus gênant, les colorants ne tiennent pas. Ils pâlissent au soleil, "bavent" à la lessive, quand ils ne disparaissent pas corps et biens durant celle-ci.

 

Grâce à Colbert, l'édit de franchise du port de 1669 permet à Marseille, "Porte de l'Orient", de jouir de privilèges fiscaux importants. C'est aussi Colbert qui ordonnera la collaboration active des pouvoirs publics locaux afin de faciliter l’accueil et le travail des marchands arméniens, maîtres incontestés du commerce de la soie depuis le milieu du XVIe siècle. Cette colonie arménienne va assurer dès 1670, un transfert de technologies, et investir dans l'indiennage "à la façon du Levant et de Perse".

 

Mais c'est sous le règne de Louis XV (1715-1774), qu’à la suite d’échanges commerciaux initiés par son ambassadeur à la cour de Chine, que le commerce des étoffes imprimées se développe en France. Ces tissus qu’on appellera rapidement "toiles de Perse", puis "perse" tout court, sont très rapidement recherchés par la noblesse et la grande bourgeoisie parisienne.

 

 

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Manufacture persane (V. 1850).

Impression à la planche de bois sur coton.

 

 

Au succès des tissus du Céleste Empire vient s’ajouter une mode pour les tissus de l’Empire ottoman, c’est l’époque des turqueries, de Molière et son "Malade imaginaire" vêtu d’une robe de chambre et d’un bonnet drapé en indienne. Racine n’est pas en reste en plaçant dans un sérail ottoman l’action de Bajazet.

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Ces indiennes apportent un vent de fraîcheur qui manquait jusque-là. Les motifs se retrouvent bientôt sur les robes, jupes, jupons, caracos, corsages et boléros des femmes, sur les habits des enfants et les vêtements d’intérieur des hommes. Dans les maisons, ils égaient les courtepointes, courent sur les courtines des lits ou se posent sur les coffres.

 

Chintz

The Passage to India is a beautiful two piece gown made of a floral cotton chintz and contrasting pink polished cotton sateena. Cotton chintz was first brought to Europe from India by the European merchants in the 17th century. It was very expensive but became very popular by the ladies of the upper classes and was used extensively for gowns and other decorator items such as draperies and bedding as it still is today.

 

 

À partir du milieu du XVIIe siècle. Des ateliers se montent un peu partout dans le royaume, surtout dans le Languedoc, en Normandie, en Saintonge et dans le Vivarais. La plupart sont tenus par des protestants qui voient là s’ouvrir une nouvelle profession. Ils vont y exceller.

 

Jean-Rodolphe Wetter est un industriel suisse qui obtint en 1744 le privilège d'établir une manufacture à Marseille qui emploiera jusqu'à 700 personnes. Après avoir fait faillite en 1755, il installe sa manufacture à Orange, qui comptera 500 ouvriers en 1762.

 

Les ateliers et manufactures tournent dès lors à une telle cadence et emploient pour la manœuvre un si grand nombre de bras, venus le plus souvent de l’agriculture, que certaines années le blé fane sur pied, personne n’étant plus disponible pour faire la récolte. Les autorités doivent alors recommander aux fabriques de cesser le travail pendant la saison des moissons, soit du 1er juillet au 15 septembre.

 

Leur support de prédilection est le coton vierge, plus doux que le chanvre, moins froissable que le lin, et d’un coût raisonnable. Le coton a d’ailleurs tout pour plaire: sa fraîcheur et surtout sa blancheur, qui permet aux dessins de se détacher comme sur une feuille de papier blanc.

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  Aux origines de l'impression textile européenne

 

On comprend sous cette dénomination, l’art d’imprimer ou de peindre mécaniquement tous les genres de tissus avec des couleurs qui résistent au lavage à l’eau et au frottement.

 

L’art d’imprimer les étoffes était déjà connu des peuples de l’antiquité. Dans l’Inde on s’avait déjà du temps d’Alexandre, recouvrir les tissus de dessin diversement colorés, et, suivant Hérodote, les habitants de la mer Caspienne imprimaient sur leurs vêtements des figures de différents animaux à l’aide de mordants, et de couleurs si solides qu’elles duraient autant que l’étoffe elle-même.

 

Pline rapporte à ce sujet: "En Égypte, on peint jusqu’aux habillements, par un procédé merveilleux. Pour cela on emploie un tissu blanc sur lequel on applique, non point des couleurs, mais des substances sur lesquelles mordent les couleurs."

 

C'est ainsi que la couleur rouge était obtenue en utilisant de l'alun dilué dans l'eau, épaissi à la gomme arabique et mélangé à de l'argile et appliqué à la planche. Après 24 h de séchage afin que l'alun morde la fibre en profondeur, le tissu était rincé à l'eau courante, puis immergé et porté à ébullition dans une teinture de poudre de rhizome de garance (Rubia Tinctorium). Les parties ayant reçu la solution d'alun prennent alors la couleur rouge.

 

Reine Néfertari

La tombe de la reine Néfertari, Grande épouse royale de Ramsès II (XIXe dynastie), fut découverte en 1904 dans la vallée des reines, dans la nécropole thébaine sur la rive ouest du Nil, face à Louxor en Égypte.

 

 

Carré de lin peint

Carré de lin peint: ces carrés de lin peints se rencontrent à partir de la XVIIIème dynastie, ils montrent le défunt devant son repas funéraire, et sont placés sur le corps de la momie, ou sur le linceul couvrant le cercueil - 38 cm x 45 cm - Époque ramesside (1295 - 1080 av. J.-C.) - Musée du Louvre à Paris.

 

 

Les anciens n’ignoraient pas, sans doute, l’art de prendre des empreintes; mais ils ne paraissent pas avoir employé de semblables procédés pour imprimer les étoffes.

 

Ce qu’il y a de certain et de bien positif, c’est qu’en 1730, on ne connaissait pas encore en France l’art de fabriquer les toiles de coton, peintes à l’instar de celles des Indes, où des artisans se transmettaient de générations en générations les secrets de l'art de décorer les toiles de coton.

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Longs, complexes et empiriques, les processus de fabrication de ces indiennes reposaient sur l'utilisation de mordants, sels métalliques qui, appliqués sur la toile ont la propriété de fixer les colorants de teinture. Cette maîtrise des procédés chimiques a donné naissance à une palette de couleurs riches et brillantes, où dominaient les rouges de garance (cf. Rubia Tinctorium):

 

La garence

Le pigment garance a longtemps été extrait d'une plante éponyme: la garance (Rubia Tinctorium), herbe vivace rubiacée d'environ un mètre de hauteur, dont le rhizome (80 cm de profondeur au maximum), contient le principe colorant.

 

 

Les bleus étant obtenus avec l'emploi de l'indigo (Indigofera Tinctoria), qui remplacera avantageusement le bleu obtenu avec l'Isatis Tinctoria ou pastel des teinturiers, plante poussant dans la région de Thuringe, à l'est de l'Allemagne et dans la région de Toulouse:

 

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L'indigo est un pigment d'origine végétal insoluble dans l'eau et les alcools, obtenu par infusion et longues macération des feuilles de l'Indigofera Tinctoria, une plante des régions tropicales de la famille des Fabacées, qui pousse en Inde, en Asie et en Afrique. Le précipité résultant de la fermentation est mélangé à une base forte de type ammoniaque ou soude, afin de rendre l'indigo, soluble en partie. L'indigotine a été synthétisée par BAYER à partir de 1883.

 

 

À cette époque, et depuis quelques années seulement, ces toiles de coton peintes avaient été importées de ce pays et de la Perse, par la Compagnie des Indes, créée en 1719, fruit de la fusion entre la Compagnie d'Occident de John Law et l'ancienne Compagnie des Indes Orientales, créée en 1604 par des marchands de Saint-Malo, avec l'appui officiel de Richelieu et Colbert.

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 ► Texte intégral de la Déclaration - page 284 - ici -

 

 

Ce ne fut réellement qu’à la fin de l’année 1736, ou vers le commencement de l’année 1737, que le chimiste Dufay, à partir d'informations relatives à l'usage de l'indigo et la manière de fabriquer les toiles peintes, fournies par Beaulieu, capitaine de vaisseau, envoyé aux Indes en 1734, que les principes de l'indiennage furent établis. Ce fait est consigné dans un ouvrage intitulé: "Art de peindre et d’imprimer les toiles en grand et en petit Teint", par B… (Beaulieu?) Paris, 1800.

 

En 1742, le R.P. Coeurdoux fit connaître de nouveau, dans les Lettres édifiantes, tome XXVI, édit. 1711, les procédés employés alors par les Indiens pour faire les toiles peintes. Ces procédés sont encore aujourd’hui, à peu de chose près, ce qu’ils étaient dans l’antiquité, et l’on peut s’en assurer, en comparant la description donnée par Pline lui-même, avec celle faite par les auteurs modernes.

 

À cette époque, les indienneurs de l’Inde utilisent quelques minéraux impurs ou complexes qui ont beaucoup d’influence sur la fixité de leurs couleurs, et l’analyse de quelques-uns de ces minéraux a été très utile pour bien les apprécier. Ces habiles et patients ouvriers n’emploient pas des agents chimiques aussi parfaits et aussi nombreux que ceux utilisés en Europe; mais on a reconnu dans le système de leurs opérations des principes qu’il était très utile d’étudier, de suivre et d’appliquer dans notre industrie.

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Ces coloristes, dont les ouvrages sont admirables, sous quelques rapports, ne paraissent toutefois dirigés dans leurs procédés et dans leurs opérations par aucun principe de la chimie; la pratique, et surtout une patience imperturbable leur fait surmonter tous les obstacles et suppléent à nos mille et une inventions de machines; ils appliquent et pointillent leur mordant à la main avec une planche pour impression, soit avec une espèce de tire-ligne en jonc, garni à l’extrémité d’une petite éponge ou d’un tampon en drap, qui contient la composition, et qu’ils pressent légèrement et à mesure du besoin, etc.

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Pour faire des fonds mats, ils se servent de plaques en carton convenablement découpées à jour: et ils tamponnent les couleurs avec un gros pinceau, comme le font nos afficheurs; pour faire les réserves, ils plaquent toute la pièce de cire avec un poinçon de bois dans les endroits qui doivent être teints dans la cuve en bleu, etc., etc. Ils mettent tant d’adresse, de précision, de persévérance dans ces procédés si simples, qu’ils parviennent de même, à une grande netteté de dessins que dans leurs plus riches tapis.

 

Tout ce que l’on puisse dire à l’égard de l’origine des manufactures de toiles peintes en France, c’est qu’on y imprimait vers l’année 1746 des étoffes coloriées pour la tapisserie, soit à l’aide de planches gravées en relief, soit à l'aide de planches gravées en taille-douce.

 

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Les premières fabriques de ce genre furent établies d’abord à Marseille, à Orange, à Paris, puis à Versailles, etc.; on n’y employait, toutefois, que des couleurs à l’huile ou à l’eau, qui s’altéraient en peu de temps, et ne résistaient pas à une simple immersion dans l’eau. 

 

Les Hollandais, à cette époque, et les fabricants suisses (infos) vendaient en France, avec profusion, des toiles peintes en couleurs vives et solides qui diminuaient, dit-on, prodigieusement la consommation et par conséquent l’activité des manufactures de Reims, d’Amiens, Rouen, Lyon, etc.

 

Les historiens nous apprennent même que les réclamations énergiques s’élevèrent alors de tous les points de la France contre la fabrication et l’usage des cotonnades imprimées, qui devaient, disaient les chambres de commerce, ruiner les industries appliquées à la confection des autres tissus. Le Conseil d'État du Roi, pour mettre fin à ces plaintes, prohiba, sous des peines très sévères, l’entrée et l’usage des toiles de coton blanches ou imprimées étrangères:

 

Conseil d'État du Roy tenu à Versailles le premier jour de février 1989 - Ordonne sa majesté que dans ledit temps d'un mois, du jour de la publication du présent Arrêt, il sera fait des visites chez les Marchands & tous les autres qui pourront avoir desdites Toiles dans la ville & Foubourgs de Paris, par le Sieur de la Reynie Conseiller d'État Ordinaire, Lieutenant Général de Police, & dans les Provinces par les Sieurs Intendants & Commissaires départis en icelles, ou par leurs Subdéléguers, & que toutes les Toiles peintes qui seront trouvées, seront saisies, confisquées & brulées; enjoint sa Majesté au dit Sieur de la Reynie, & audit Sieurs Intendants & Commissaires départis dans les provinces & Generalitez du Royaume, de tenir la main à l'exécution du présent Arrêt qui sera lu, publié & affiché par tout où besoin sera, à ce qu'aucun en ignore.

 

Cette prohibition fut abolie et commuée, par arrêt du 7 septembre 1759, en un droit de 10 % sur la valeur, qui fut bientôt porté à 15 %, et fixé, le 19 juillet 1760, à 90 fr par quintal pour les toiles blanches, et 150 fr pour les toiles peintes. Par suite de cet arrêt, l’usage et la fabrication des toiles de coton imprimées furent possibles en France, à cause de la facilité de pouvoir se procurer à l’étranger les tissus de coton blanc qu’on ne fabriquait pas encore de manière régulière.

 

Toutefois, les chambres de commerce protestèrent encore contre cette innovation; mais le gouvernement fut sourd à toutes les plaintes; et il prit le meilleur parti, celui de protéger les manufactures de toiles peintes, et de leur donner une consistance réelle par des encouragements soutenus.

 

Déjà il avait envoyé en Angleterre, en 1751, un agent spécialement chargé de rechercher les meilleures méthodes de fabrication; et c’est quelques années après, que le nommé Cabanes, Anglais, créa, en vertu d’un arrêt du Conseil d'État du Roi, une fabrique d’impression sur coton, dans les cours de l’Arsenal. Mais il paraît bien démontré que Cabanes était peu initié aux secrets de fixer les couleurs sur le coton; et B…. dit dans son traité, page IX: "J’ai aussi des échantillons des premières productions d’un établissement formé à Paris, en 1754, par deux négociants nommés Cottin et Cabanes; on ne pourrait jamais croire qu’un tel barbouillage ait pu porter le nom de toiles peintes."

 

Cet auteur (Beaulieu?) avait dit précédemment, en parlant des échantillons de toiles peintes, apportés d’Angleterre et remis au gouvernement en 1751: "J’ai été autant frappé de la beauté des couleurs que de l’exécution du dessin: des fabriques très accréditées s’en feraient honneur aujourd’hui."

 

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Angleterre - milieu à la fin du XIXe siècle.

 

 

Un pareil témoignage prouve suffisamment que les Anglais l’emportaient alors sur nous dans l’art d’imprimer les étoffes, et notamment par l’exécution du dessin et la beauté des couleurs qu’ils fixaient sur le coton. Mais les manufacturiers français ont, au cours du XIXe siècle, fait un grand pas, sous le rapport du fini du travail et de la régularité des opérations mécaniques. Les couleurs des  étoffes sont mêmes jugées plus belles et plus solides; et les manufacturiers français l’emportent sur leurs voisins par le goût et la création des choses nouvelles.

 

C’est aux savants coloristes et aux artistes des manufactures françaises que l’art de la fabrication des impressions sur étoffes doit les immenses progrès qu’elle a faits depuis le début du XIXe siècle.

 

C’est à Claude Louis Berthollet, à Jean-Antoine Chaptal, à Eugène Chevreul particulièrement, que l’on doit les observations les plus curieuses et les plus essentielles dans l’art d’imprimer les étoffes. C’est à Eugène Chevreul que l’on doit d’avoir expliqué le rôle que jouent les agents chimiques et la vapeur dans les opérations qui ont pour but de fixer les matières colorantes sur les tissus.

 

Les étrangers eux-mêmes à dater de cette période reconnurent alors la supériorité des manufacturiers français sur ce point; et l’Anglais Home, dans son "Histoire du commerce", s’exprime ainsi: "C’est à l’Académie des sciences que les Français doivent la supériorité qu’ils ont dans les arts, et surtout dans celui de la teinture."

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  L'indiennage en Angleterre

 

Il paraît bien prouvé par les écrits des écrivains de l’époque, qu’en 1750, on imprimait déjà en Angleterre beaucoup de toile de fil de coton. Ces toiles étaient fabriquées à Manchester, comme elles le sont encore aujourd’hui. On évaluait, à cette époque, à près de cent cinquante mille le nombre de pièces que l’on y faisait annuellement.

 

Ces pièces étaient envoyées en écru à Londres, et elles étaient blanchies et imprimées dans ses environs. Les historiens nous apprennent aussi qu’en Angleterre, comme en France, les tisserands en soie, en laine et en fil de lin, manifestèrent l’opposition la plus vive contre l’usage des toiles imprimées, soit importées, soit faites dans le pays.

 

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Cotton workers at Dean Mills near Manchester in 1851. This scene shows the doubling room where the thread is doubled to produce fine thread for the manufacture of lace. From The Illustrated London News.

 

 

Ainsi, dès l’année 1680, les ouvriers tisserands pillèrent la maison de la Compagnie des Indes, pour se venger, disaient-ils, des importations qu’elle avait faites de plusieurs milliers de pièces d’indiennes. Ils amenèrent ensuite le gouvernement, par des demandes incessantes, à exclure complètement des marchés anglais tous les tissus de coton imprimés pour robes et ameublement.

 

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1720 - Tho the Right Worshipful Sir William Thompson Kt. Recorder of the City of London, his Majesty's Solicitor General, and a Member of the honourable House of Commons.

 

 ► Pour accéder au texte intégral de ce livre - ici -

 

 

Néanmoins, les indiennes furent toujours importées, en vertu d’un privilège, par la Compagnie des Indes orientales; et, à l’abri de ce privilège, la majeure partie des toiles entraient en contrebande, malgré les peines excessives auxquelles étaient exposés les contrebandiers ou importateurs.

 

Cette contrebande suffit pour susciter l’alarme parmi la population manufacturière de Spitalfields, et des hommes d’État d’alors intimidés, disent les auteurs anglais, par la population turbulente de la partie est de Londres, rendirent, en 1720, une loi absurde, et qui défendait de porter toutes sortes d’indiennes, quelle que fût leur origine. Cet édit sévère força les manufacturiers en ce genre de fermer immédiatement leurs établissements; et des milliers de personnes furent jetées sur le pavé, presque sans asile et sans pain.

 

En 1730, enfin, cet arrêt du parlement fut aboli par des législateurs plus sages, qui permirent la fabrication des toiles dites "calicots britanniques", mais les toiles imprimées devaient d'une part être formées de fil de chanvre et de coton, et d'autre part, payer une taxe de 60 centimes par mètre carré. Il est facile de présumer qu’avec une pareille taxe et le régime rigoureux des vérifications des commis de l’accise pour asseoir cette taxe, la fabrication des impressions sur calicot, en Angleterre, ne pouvait faire des progrès bien rapides; aussi 50.000 pièces à peine de cette étoffe mixte furent-elles imprimées dans tout le royaume de la Grande-Bretagne pendant l’année 1750, principalement dans le voisinage de Londres.

 

En comparaison, en 1840, la seule manufacture de M. Toast, à Manchester, produisait près de vingt fois cette quantité dans le cours de l'année.

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Ce n’est qu’en 1766, que cette industrie fut portée dans le Lancashire, où elle a pris depuis cette époque un développement extraordinaire. Après les années 1774, elle commença à s’étendre à la suite de l’abolition d’une grande partie de l’arrêt de 1730, qui exigeait le mélange du fil avec le coton dans la fabrication des toiles.

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Depuis cette époque seulement, les imprimeurs de calicot ont fait des affaires immenses et productives, quoique forcés d’acquitter une taxe de 30 centimes par mètre carré, taxe qui était restituée, du reste, à la sortie des marchandises du royaume, sous le nom de "drawback".

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Les fabricants commencèrent alors à imprimer sur le coton seul, des couleurs plus riches, plus vives et plus solides avec le développement des principes colorants.

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Mais de 1863 à 1864, les manufactures anglaises cessent brutalement leur activité, et la quasi-totalité des ouvrières et ouvriers se retrouve sans emploi. Cette période est désignée sous le nom de "famine du coton". La gravure ci-dessous représente une scène d'émeute à Stalybridge, petite ville textile du nord-est de l'Angleterre, lors de cette crise.

 

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  La prohibition en France

 

Le coton, importé du Levant, est travaillé en ville depuis le XVIe siècle (Rouen et Lyon). Au XVIIe siècle, il devient aussi une spécialité de Beauvais, Troyes, Strasbourg, Marseille, Montpellier, Mîmes. Sa mise en œuvre se diffuse dans les campagnes, principalement au cours du XVIIIe siècle, par exemple dans la région de Tarare.

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En Languedoc, en Saintonge, ou dans le Vivarais, les protestants, exclus dès 1660 de nombreux métiers traditionnels, se lancent dans cette industrie nouvelle qui consiste à colorier des toiles de coton. Ils provoquent rapidement une très vive concurrence aux tissus luxueux de laine et de soie. Les soyeux protestent avec véhémence et obtiennent, dès 1681 à Lyon, la fermeture des ateliers d'indiennage.

 

L'édit de Fontainebleau, signé par Louis XIV le 18 octobre 1685, révoque le versant religieux de l'édit de Nantes. Le protestantisme devenait dès lors interdit sur le territoire français, ce qui se traduira par une émigration massive de ces manufacturiers vers le Jura suisse, et les Provinces-Unies (sept provinces à majorité protestantes, situées au nord des Pays-Bas), qui firent abjuration du roi Philippe II en 1581.

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À des fins protectionnistes, Louvois obtient la promulgation d'un arrêt du Conseil d'État daté du 26 octobre 1686, "Concernant les toiles de coton peintes aux Indes ou contrefaites dans le Royaume, & autres étoffes de soie à fleurs d'or & argent de la Chine & desdites Indes", qui a pour objet d'interdire, non seulement la production des imitations d'indiennes sur toiles de coton blanches, mais encore leur importation.

 

Cet arrêt est d'autant plus surprenant que, le 15 août 1685, un arrêt précédent du Conseil d'État ordonnait que toutes les soieries et marchandises du Levant qui entreraient dans le port de Marseille seraient exemptes de tous droits...

 

L'ère de la prohibition de l'imprimé commence. Une grande aventure parsemée de menaces, d'interdits, de revirements, de demi-permissions et de brutales reprises en main. Au total, deux édits, quatre-vingts arrêts et une belle collection de déclarations, amendements, ordonnances, préconisations, sanctions et jugements de toutes sortes vont régir la production et le commerce des toiles peintes.

 

L'arrêt du 26 octobre 1686 eut d'abord pour défaut de donner aux indiennes l'attrait du fruit défendu. La mode en était déjà bien lancée à ce moment et une mesure de ce genre ne pouvait que la rendre durable. Un autre défaut de cet arrêt était de porter un coup très rude à la Compagnie Française des Indes. Les indiennes constituaient le seul fret pratique de retour vers la France, et c'était - d'autre part - un excellent article de réexportation vers les terres coloniales (Antilles, Afrique), car, hors le Canada, il était impensable de vendre ou d'utiliser comme monnaie d’échange des tissus de laine, ou même de chanvre ou de lin.

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À noter que ce courant commercial subsistera longtemps sous la forme des "indiennes de traite" qui firent, entre autres, la fortune des indienneurs de Nantes jusqu'au milieu du XIXe siècle.

 

 

 

  

  1759 - La levée de l'interdiction en France

 

Inefficace et bafoué, le système prohibitif issu de l’action de Louvois présenta des signes d’incohérence tout au long de la période d’interdiction. C’est peut-être ce qui décida d’abord l’administration à changer de comportement sans changer la loi jusqu’au milieu du XVIIIe siècle; puis à céder finalement à la pression des partisans d'une libéralisation de ce commerce. Après des années de vaine application, le pouvoir reconsidéra sa politique en levant l’interdiction en 1759.

 

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Échantillon de toile bleu indigo fabriquée à Marseille au XVIIIe siècle.

 

 

 

  

  Christophe Philippe Oberkampf – Les toiles de Jouy

 

L’abolition de la prohibition en France étant acquise, Christophe Philippe Oberkampf, d’origine allemande, dessinateur, coloriste et imprimeur dans l'atelier de Cabanes à l'Arsenal en 1759, crée la même année la manufacture de Jouy, près de Versailles. La fabrication débuta en mai 1760, et connut vite le succès. L'impression à la planche de bois fut la seule technique utilisée pendant les dix premières années à Jouy-en-Josas.

 

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Christophe Philippe Oberkampf et sa famille devant la manufacture de Jouy.

1803 - Estampe de Louis Léopold Boilly.

 

 

À partir de 1770, Christophe Philippe Oberkampf employa une nouvelle technique: l'impression à la plaque de cuivre gravée au burin en taille douce, qui permettait d'obtenir en une seule application, est essentiellement constituée de décors floraux pour l’habillement, les dessins à personnages ne forment qu’une faible partie de ses produits.

 

Pourtant, en interprétant les thèmes à la mode et les événements récents dans certaines toiles pour meuble, Oberkampf contribue à la réputation des produits de sa manufacture et même à la postérité de ce genre d’impression puisque leur réimpression dans les intérieurs néo-Louis XVI à la fin du XIXe siècle, devait donner naissance au terme éponyme de toile de Jouy.

 

Christophe Philippe Oberkampf qui a su s'entourer de collaborateurs remarquables, embauche en 1783 un peintre renommé Jean-Baptiste Huet (1745 † 1811), comme chef de son atelier de dessins. Cette même année, Louis XVI, octroya à l'entreprise le titre de "Manufacture Royale".

 

Ce n'est qu'en 1797, que le cylindre de cuivre gravé en taille-douce utilisé par les manufacturiers anglais, remplacera pour partie la plaque. La nouvelle machine baptisée familièrement "bastringue" par les ouvriers, du fait de son fonctionnement en continu, pouvait imprimer jusqu'à 5.000 m/j. (Au cours de l'année 1805, la production a atteint les 1.450.000 m, dont 890.000 m avec la technique du rouleau).

 

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Cylindre de Christophe Philippe Oberkampf.

Impression de la gravure dite "Bastille" de Jean-Baptiste Huet.

 

 

Malheureusement, la plupart des cylindres de cuivre de la Manufacture de Jouy ont disparu depuis. En 2011, l'entreprise Charles Burger, Maison fondée en 1860 à Paris, spécialisée dans la reproduction d'étoffes anciennes, commercialise toujours des toiles de Jouy, à partir de 5 cylindres originaux:

 

  1er cylindre dit le "Ballon de Gonesse" - impression sur toile relatant le
     voyage du premier ballon à hydrogène, non monté, qui s'éleva le 27
     août 1783, du Champs de Mars de Paris, pour se poser à proximité de
     l'église Saint-Pierre de Gonesse (95 - Val d'Oise):

 

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Cette composition représente en fait deux événements distincts: celui du ballon non monté qui finira sa course le 27 août 1783 à Gonesse, sous les coups de fourches et de fusils des habitants du village, et celui du ballon à hydrogène "monté", utilisé pour la première fois, le 1er décembre de la même année, par Jacques Alexandre César Charles et son mécanicien, Marie-Noël Robert, d'un vol entre le jardin des Tuileries et la commune de Nesles-la-Vallée (95 - Val d'Oise), soit un vol direct de 31 km.

 

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  2e cylindre dit "La Bastille" - impression sur toile d'un dessin de
     Jean-Baptiste Huet représentant l'apothéose du règne de Louis XVI,
     alors les premières émeutes révolutionnaires éclatent. Afin de permettre
     la commercialisation de cette composition, Oberkampf fit modifier la
     gravure en évitant toute connotation religieuse:

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  3e cylindre dit le "Pillement" - impression sur toile de dessins de Jean
     Pillement (1728 † 1808), peintre de la Reine Marie Antoinette. Cette
     toile reprend une sélection de 80 motifs extraits d'un recueil de 200
     dessins publié en 1767:

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  4e cylindre dit le "Couronnement de la Rosière" d'après un tableau
     de Jean-Baptiste Greuze:

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  5e cylindre dit "Hommage de l'Amérique à la France" (hommage à
     Lafayette), impression sur toile d'un dessin de Jean-Baptiste Huet ou de
     son école:

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  Show Room Charles Burger:

     4, rue du Mail - 75002 Paris

     Tél. : 01 42 97 46 19

     Courriel : charles-burger@wanadoo.fr

 

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  Le développement des manufactures

 

Christophe Philippe Oberkampf sera suivi par Frey, de Genève, d'Abraham Pourchet, de Bolbec, qui fondèrent une fabrique d’indiennes à Bondeville, près de Rouen. Plus tard, Pierre Roger créa une fabrique à Deviolle; il sera suivi de Maromme, Bapaume, Barnetal et Bolbec. À cette date, une majorité des entreprises d'impression sur toile sont dirigées par des étrangers.

 

Bonvalet fut le premier qui imprima des étoffes de laine en relief, à Amiens, vers l’année 1755. Il fut le seul pendant longtemps qui exerça cet art avec une rare perfection. Cette réputation d’habileté s’est conservée car c'est à son arrière-petit-fils, que l'on doit la composition des couleurs pour l’impression en relief sur les étoffes de laine, et sur le velours de coton.

 

En 1746, Koechlin, Schmaltzer et Jean-Henri Dollfus fondèrent la première fabrique d'indiennes à Mulhouse. Après son rattachement à la France en 1798, Mulhouse et le département du Haut-Rhin commencèrent à prendre une part active dans la fabrication des toiles peintes. C’est aux travaux des Hausmann, des Koechlin (Daniel et ses fils), des Dolfus, des Hartmann, des Schlumberger (Henri), des Schwartz (Édouard et Léonard), et de bien d’autres encore, que la capitale industrielle du Haut-Rhin doit la prééminence maintenue depuis si longtemps dans la fabrication des tissus de coton imprimés.

 

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Carré de coton (détail), Impression à la planche sur fond rouge turc.

Mulhouse, Manufacture des frères Koechlin, vers 1825.

 

 

Quant aux savants technologues, dont les travaux et les écrits ont contribué puissamment à répandre et à accréditer les meilleurs procédés de fabrication, dans tous les essais qui ont amené cette industrie à son état, l’on peut citer les publications: de Dufay (1738), de l’abbé Jaubert (1766), de Lepileur d’Apligny (1776), de Roland de la Platrière (1780), de Scheffer (1787), d’Haussmann (1790), de Goery (1800), d’O’Reilly (1801), de Leuchs (1829), de Chevreul (1838).

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  L'Art de l'imprimé sur coton vers 1800 à Avignon

 

En 1793, au lendemain de la naissance du département de Vaucluse, la principale activité est sans nul doute le textile qui bénéficie de l’important réseau hydraulique du département. Cette industrie se divise en plusieurs branches: le coton, la laine, les couvertures, les draps, les indiennes et surtout la soie, secteur le plus important pendant la première moitié du XIXes.

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L’industrie des "indiennes" ou toiles imprimées, connue à Marseille dès la fin du XVIe siècle, a été introduite en Avignon par le graveur Louis David en 1677. En raison des restrictions, puis de l'interdiction du commerce et de la fabrication des toiles peintes dans le royaume de France dès 1686, cette activité s’est concentrée essentiellement à Avignon (restituée en 1691 au pape Innocent XII après avoir été confisquée par Louis XIV sous Innocent XI), et à Orange, deux villes en bordure de cours d’eau, dont les eaux étaient nécessaires à la qualité des produits fabriqués.

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En 1734, lorsque le concordat survenu entre Louis XV et le pape Clément XII, interdit cette activité à Avignon, les imprimeurs sur étoffe se transportent à Orange.

 

En 1758, les frères Wetter, d’origine suisse mais établis précédemment à Marseille, créent une fabrique de toiles peintes à Orange, et apportent ainsi une grande prospérité à la ville en cette deuxième moitié du XVIIIe siècle. De très bonne qualité, les "indiennes" d’Orange connaissent vite le succès à travers la France mais aussi en Espagne, au Portugal et en Russie. Cependant, la contrebande et la concurrence des toiles de Jouy, de Mulhouse ou de Suisse, porteront un coup fatal à cette industrie orangeoise qui cesse toute activité en 1802.

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L'annexion d’Avignon et la réunion du Comtat Venaissin à la France, en 1791, annulent les contraintes du concordat de 1734, et les indienneurs s’établissent de nouveau à Avignon, le long de la Sorgue, dans la rue du Cheval-Blanc, appelée aujourd’hui rue des Teinturiers.

 

C'est en 1792, Dominique Amic, avignonnais, ouvre sa propre manufacture de toiles peintes, suivi de très près par des émigrés suisses comme Quinche, Breguet et Sandoz, qui comptent parmi les premiers protestants de la ville. Une seule manufacture subsiste cependant en 1806, avec vingt-huit ouvriers, et une production de 2.000 pièces de toile de coton imprimées par an, qu’elle écoule dans les départements du Midi, vers l’Espagne et l’Italie.

 

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La rue des Teinturiers à Avignon - extrait du plan d'Avignon gravé en 1649 pour l'Atlas van Loogravure et photo satellite de 2008.

 

 

Sous la Restauration, la vente des toiles peintes revient à un niveau tel que de nouveaux fabricants s'installent, pour parvenir à dix-huit en 1840, occupant de 800 à 900 ouvriers, qui gagnent de 0,50 fr à 3 fr par jour. La production est alors de 20.000 pièces de tissus de 40 m de long/an.

 

Au milieu du XIXe siècle, cette industrie semble même devoir relayer l’industrie de la soie qui commence à décliner. En fait, il n’en est rien, et l’industrie des indiennes subira elle aussi les caprices de la mode, ainsi que les conséquences de la guerre d’Espagne de 1823. En 1856, il ne reste plus à Avignon que neuf fabriques employant 300 ouvriers environ. Foulc et Lacombe seront les dernièrs indienneurs à fermer leurs manufactures en 1882 et 1884.

 

 

 

  

  L'alizarine artificielle à l'origine de la création de l'absinthe

 

Au début du XIXe siècle, Gaspard Pernod, originaire de l’Ain, quitte son département natal pour venir s’installer en Avignon comme teinturier en soies et indiennes, activité en pleine expansion à cette époque. Quelques années plus tard, Gaspard envoie Jules-François, son fils aîné dans une école de chimie lyonnaise afin de s’y perfectionner dans l’art de la teinture. À la mort de son père, l'entreprise paternelle cesse son activité et Jules-François, de retour à Avignon, entre alors en tant que chimiste chez un négociant en garance d’Avignon, Désiré Amic, dont l’entreprise est située dans un immeuble faisant l’angle des rues des Teinturiers et Guillaume-Puy.

 

Au décès de Désiré Amic, Jules-François, qui entre-temps avait épousé la fille de son patron, prend la direction de la fabrique de garance dont l'activité est en déclin à la suite de la découverte de l’alizarine artificielle. Jules-François décide alors de se reconvertir vers une nouvelle activité, et en 1860, il transforme son usine en un établissement pour la fabrication d’une liqueur à base d’absinthe.

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Devant le succès obtenu par cette nouvelle boisson, il décide le transfert de son usine à Montfavet, sur un terrain situé tout près de l’église. Mais, sous la pression de la Ligue Nationale contre l'alcoolisme, et ses pétitions contre l'absinthe "qui rend fou et criminel, provoque l'épilepsie et la tuberculose, et tue chaque année des milliers de Français", il est promulgué le 7 janvier 1915, une Loi relative à l'interdiction de la fabrication, de la vente en gros et au détail, ainsi que la circulation de l'Absinthe et des liqueurs similaires.

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L’absinthe est une boisson apéritive alcoolisée, produite à partir de la plante du même nom. Elle est traditionnellement fabriquée par macération d’herbes (grande absinthe, petite absinthe, anis vert, fenouil, hysope) dans un mélange d’alcool et d’eau, suivie d’une distillation. Elle contient entre 55 % et 75 % d’alcool.

 

Victime de son succès, l’absinthe devint peu à peu le symbole de l’alcoolisme. Les absinthes peu chères, mais de mauvaise qualité, se multiplièrent. Décriée par les ligues de moralité et les producteurs de vin, qui lui prêtaient la réputation de rendre fou et demandaient son interdiction, elle fut définitivement interdite en France en 1915.

 

L’absinthe est de nouveau autorisée en France depuis 1988, avec des taux limités de thuyone (molécule présente dans l’absinthe et qui provoque des hallucinations à très haute dose). La législation interdit toutefois de nommer cet alcool "absinthe", et on le trouve sous des noms tels que "spiritueux aux plantes d’absinthe".

 

 ► En savoir plus sur l'absinthe - ici -

 

 

 

  

  L'absinthe interdite en 1915 est remplacée par le "Pernod"

 

La vente de l'absinthe étant interdite, Jules-François et son fils créent une nouvelle boisson sous le nom de "Pernod", d’un parfum voisin de celui de l’absinthe, mais cette fois à base d’anis, essence tolérée par la Loi. C’est le succès immédiat pour ce nouvel apéritif.

 

 

 

  

  L'industrie lainière en Vaucluse

 

Née de l’eau, celle de la Sorgues, l’industrie lainière est une activité très ancienne qui s’industrialise au milieu du XIXe siècle avec l’apparition des premières cardes mécaniques et les machines à filer la laine alors que cette dernière activité était, au début du siècle, le travail exclusif des paysannes et bergères (rouet ou quenouille).

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Dans presque toutes les communes du département, et lorsqu’ils ne sont pas occupés aux travaux de la campagne, des tisserands fabriquent des cadis, étoffes de laine très solide (sorte de flanelle) servant de vêtements, en général pour leur consommation familiale ou pour la population des campagnes. Des ateliers de filature et de tissage se créent à Carpentras, à Sault, dans les environ de Gordes, à Pertuis, dans l’arrondissement d’Orange qui fournissent des cadis vendus dans les localités de la région.

 

Les ateliers de l’arrondissement d’Orange fabriquent en plus des "cordeillas", tissu un peu plus épais que le cadis, et des serges dites d’Orange (étoffes légères et croisées à la fabrication). La production des cordeillas et cadis sera abandonnée, la clientèle leur préférant la qualité des draps de Sedan, d'Elbeuf, de Limoux, de Carcasonne, et la ratine de Vienne.

 

C’est à Orange que sera installée, en 1816, la première filature mécanique à laine du département. D’autres seront installées les années suivantes à Valréas, Malaucène et encore Orange, mais sans donner les résultats espérés.

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Ces appareils en effet ne sont pas assez rentables pour ces fabriques où l’on continue à ne travailler qu’une partie de l’année, l’autre partie étant consacrée aux travaux des champs. C’est la raison pour laquelle ces petites unités cessent leurs activités les unes après les autres. Seules les fabriques de L’Isle-sur-la-Sorgue, aux mécanismes mus par des roues hydrauliques verticales à aubes plates, résistent. Cette commune apparaît d’ailleurs comme le centre le plus important du département pour le traitement de la laine.

 

On y fabrique des kalmous, des cadis, des cordeillas, des bures pour galériens, mais surtout des couvertures de lit faites des plus belles laines indigènes ou du Levant, et des couvertures dites des "mulets", de qualité inférieure. Cette production est vendue dans les départements voisins et surtout à la foire de Beaucaire, qui attire un public toujours plus nombreux.

 

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Le port, la foire et le château (XIe - XIIIe siècle) de Beaucaire.

 

 

En 1814, la production atteint 1.200 pièces de cadis (44 m x 0,55 m pour une pièce), 6.000 couvertures pour lit, 500 couvertures dites des "mulets", 80 à 100 bures pour galériens; on dénombre alors 300 ouvriers environ. Vers 1840, un nouveau produit fait son apparition: le tapis de L’Isle, premier revêtement de sol textile de laine, velours unis, chinés ou Jacquart, qui prendra plus tard le nom de Tapis d’Avignon.

 

La situation des fabriques de laine de L’Isle-sur-la-Sorgue est satisfaisante comme le signale l’état statistique industriel de 1870, et le nombre d’ouvriers reste inchangé par rapport à 1814 pour un salaire journalier variant de 2 à 3 fr.

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  Une fabrique de toiles imprimées au début du XIXe siècle

 

Au début du XIXe siècle, une fabrique de toiles imprimées s'articule autour de différents locaux, que l'on peut détailler comme suit:

 

 1)   Un laboratoire d’essai et de recherches, convenablement outillé et
       muni des ustensiles nécessaires. À l'origine relégué dans quelque coin
       obscur et inutile de la fabrique, il est rapidement devenu un
       équipement déterminant dans le développement et la pérennité de
       l'entreprise. À coté de lui se trouvaient la cuisine aux couleurs, la
       chambre de réserve des couleurs, le magasin des drogues et des
       matières colorantes brutes, ainsi qu’une salle destinée à diverses
       opérations préliminaires, telles que pilage de la gomme et des
       substances à employer dans la confection des couleurs.

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 2)   Un ensemble de bâtiments destinés au blanchiment des tissus de

       coton et de laine, avec tous les accessoires. 

 3)   Les ateliers de dessins, de gravures sur bois et sur rouleaux. 

 4)   Des magasins de planches et de rouleaux. 

 5)   Un magasin de blanc et un magasin pour les pièces achevées.

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 6)    Des ateliers de bousage, de teinture, de savonnage et de lavage. Ces
        opérations exigeant l’emploi de beaucoup d’eau, s’exécutaient dans
        les pièces situées au rez-de-chaussée, à proximité d’un cours d’eau. 

 7)    Le bâtiment destiné à l’impression à la planche, contenant de longues
        salles bien éclairées, et souvent superposées en plusieurs étages. 

 8)    Le bâtiment consacré à l’impression mécanique avec la machine à une
        ou plusieurs couleurs (rouleaux). Des séchoirs à chaud correspondant
        à chaque machine occupent l’étage supérieur, tandis que les
        rouleaux se trouvent à l’étage inférieur.

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  9)    Des étendages à froid et à chaud (chambres d’oxydation). 

10)    Des rames pour redresser la position des fils altérée par les
         manipulations subies par les tissus. On rame tantôt à une douce
         température, tantôt à chaud. 

11)    Une pièce pour chlorer, une pièce pour vaporiser. 

12)    Une pièce pour apprêter, cylindrer, calandrer, plier et presser les
         pièces.

13)    Les bureaux.

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14)    Enfin, la fabrique devait disposer d’une vaste étendue de pré pour
         l’étendage des pièces (Cependant les procédés utilisés à partir du
         XIXe siècle ont diminué beaucoup l’importance de l’exposition sur pré;
         l’effet de la lumière et de l’humidité combiné avec l’action de
         l’oxygène de l’air étant remplacé, la plupart du temps, par une action
         chimique plus prompte.)

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  Principes généraux de la fixation des couleurs

 

Les produits dont se sert l’industrie pour colorer les fibres textiles et les tissus sont de nature très diverse, les uns ne jouent qu’un rôle secondaire et ne restent pas dans la composition de la couleur une fois qu’elle est définitivement fixée: tels sont les épaississants, les acides qui servent de rongeants ou de réserves, ou de dissolvants, les oxydes, les réducteurs, les substances saturantes, les matières hygroscopiques etc.

 

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Courte pointe Arbre de vie, Côte de Coromandel.

Cachet de l’Union Eastern Indian Community, 1775-1780.

 

 

Les autres concourent en tout ou partie à la constitution de la couleur qui reste sur la fibre. Ainsi l’indigotine se fixe intégralement, tandis que l’acétate d’alumine, le chromate de potasse n’interviennent dans la production de la laque rouge de garance et du jaune de chrome (chromate de plomb), que par l’alumine et l’acide chromique qu’ils renferment. Toutes les substances de cette classe peuvent être réunies sous le nom de matières tinctoriales.

 

Dans le rouge de garance, l’alumine est aussi nécessaire au développement de la nuance que l’alizarine, qui est naturellement d’un jaune rougeâtre pâle.

 

Si cependant on envisage que l’oxyde d’aluminium donne généralement des composés incolores, tandis que l’alizarine colorée elle-même transmet cette propriété à toutes les combinaisons qu’elle est susceptible de former, on doit admettre que le rôle dominant revient à cette dernière. Aussi convient-il d’établir une distinction entre les matières tinctoriales, en appelant plus particulièrement matières colorantes celles qui, comme l’alizarine, ont la plus large part dans la teinture du tissu.

 

Parmi les produits de ce groupe, nous en trouvons qui sont par eux-mêmes des couleurs achevées et qui communiquent directement leur teinte propre à la fibre , l’indigo, l’acide carthamique, la bixine, les oxydes de fer, de chrome, le bleu d’outremer, le noir de fumée, etc., sont de ce nombre; tandis qu’un grand nombre d’autres exigent la combinaison préalable avec un second corps appelé mordant.

 

Dans la teinture en garance, par exemple, l’alumine est le mordant, l’alizarine la matière colorante.

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Le rôle du mordant est complexe et multiple, suivant le cas: tantôt il rend la matière colorante insoluble et sert à la fixer sur le tissu, pour lequel elle n’a par elle-même qu’une médiocre affinité; tantôt il modifie en outre la nuance. Souvent aussi il lui communique un degré de solidité qu’elle n’aurait pas sans lui (mordant gras dans le rouge et le violet d’Andrinople).

 

Ce qui vient d’être dit suffit pour justifier la division des matières colorantes en deux groupes qui sont:

 

1)   les matières colorantes qui se fixent avec leur couleur propre et à l’état
      de liberté; 

2)   celles qui se fixent avec le concours d’un intermédiaire (mordant) et en
      se combinant avec lui.

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Un tissu n’est réellement teint qu’autant que la couleur résiste au frottement, à l’action de l’eau ou d’agents nettoyants et/ou détachants. Cette couleur doit donc être physiquement ou mécaniquement adhérente aux diverses parties de la fibre, ou chimiquement combinée avec elle.

 

Dans aucun cas, une couleur insoluble ne peut être simplement déposée sur le tissu. Le moindre frottement suffirait pour la détacher et la faire tomber. En appliquant le produit en poudre délayée dans une solution de gomme ou de gélatine ou de tout autre corps visqueux, l’épaississant en se desséchant forme à la surface des filaments un vernis qui empêchera la chute immédiate de la couleur, mais alors le lavage à l’eau enlève tout.

 

Il n’en sera plus de même si, par un moyen quelconque, on parvient à rendre insoluble la substance agglutinative; elle agit alors comme le vernis formé par l’oxydation de l’huile de lin cuite, dans la peinture.

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Pour les toiles peintes, le procédé de ce genre qui, jusqu’à présent, a fourni les meilleurs résultats, est fondé sur la propriété que possède l’albumine de se coaguler vers 100 °C. La fixation des couleurs à l’albumine a acquis au milieu du XIXe siècle une grande importance.

 

Veut-on fixer une couleur ou toute autre substance insoluble autrement que par simple application, il est indispensable de la dissoudre préalablement afin que sous cette forme elle puisse pénétrer dans tous les pores perméables de la fibre et se répandre uniformément à sa surface. A ce moment, deux cas peuvent se réaliser:

 

1)   Le corps insoluble est faiblement retenu par le dissolvant, et si
      l’attraction moléculaire exercée sur lui par la fibre est plus forte que celle
      du dissolvant, il y a précipitation sans l’aide d’un agent étranger. M. 
      Walter-Crum désigna ce phénomène par le nom d’attraction de 
      porosité ou attraction de surface. C’est ce qui arrive avec une solution 
      alcaline d’indigo réduit; en y plongeant du coton, il s’exerce une 
      force de décomposition et de précipitation par laquelle l’indigo blanc 
      est attiré successivement de sa solution, de sorte que si l’immersion 
      dure 15 mn, la fibre de sa charge de beaucoup plus d’indigo blanc que si
      elle était retirée au bout d’une minute. Aussi peut-on épuiser une cuve
      d’indigo en y laissant une grande partie de l’eau qui avait servi à la
      monter.

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2)   Dans le cas contraire, si l’affinité du dissolvant l’emporte sur celle de la
      fibre, il faut, par un moyen convenable, déplacer le composé insoluble
      en présence de la fibre. Mais, quoi qu’il en soit, le résultat est le même;
      la substance est énergiquement retenue et ne peut se détacher par le
      frottement et les actions mécaniques.

 

Quelle est la cause de cette résistance? Les opinions sont partagées à cet égard.

 

Pour les uns, la fixation de la couleur est purement mécanique; les molécules solides qui ont pénétré en solution et par endosmose dans les pores et les cavités de la fibre ont perdu, en se précipitant, leur mobilité et la possibilité de reprendre la route qu’elles ont suivie; elles sont emprisonnées en un mot.

 

Pour les autres, M. Chevreul entre autres, il y a combinaison chimique entre la substance filamenteuse et la couleur.

 

On a cherché la raison de l’attraction qu’exercent la laine et la soie sur les couleurs solubles dans l’existence d’un mordant organique spécial que renfermeraient ces produits; mais évidemment c’est la fibre elle-même qui joue le rôle de mordant; elle se combine chimiquement à la couleur, puisqu’elle lui fait perdre un de ses caractères, la solubilité. De cette union résulte une véritable laque, différant des laques ordinaires en ce que l’oxyde métallique est remplacé par une substance organique.

 

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Alfred Stevens - Will You Go Out with Me, Fid?

1859, oil on canvas, 30.5 x 25.2"

Courtesy Philadelphia Museum of Art - Philadelphia.

 

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  Méthodes employées pour fixer les couleurs sur les tissus

 

En pratique, on divise les couleurs, d’après le procédé employé pour les fixer, en couleurs de teinture, couleurs vapeur, couleurs d’application.

 

Cette classification est un peu arbitraire; les expressions employées n’ayant pas reçu de définitions rigoureuses. Aussi est-on souvent embarrassé pour assigner à un procédé sa véritable place. Tel fabricant peut ranger l’outremer albumine parmi les couleurs vapeur, s’il entend par là toutes celles qui se fixent à la vapeur; tel autre le considérera comme une couleur d’application, s’il a en vue la manière dont la couleur est située par rapport à la fibre, sur laquelle elle est simplement appliquée sans la pénétrer.

 

Un autre inconvénient de ce mode de classification, c’est que tous les cas peuvent rentrer dans ces trois catégories. Tels sont les bleus solides et faïencés, les bistres et bien d’autres encore.

 

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Grand arbre de vie, Côte de Coromandel.

Collection Spink & Sons, XVIIIe siècle.

 

 

La fixation des couleurs s’obtient par de véritables réactions chimiques, dont l’espèce varie avec la nature de la fibre et de la matière colorante. Tantôt cette réaction est simple et unique; d’autrefois, on fait intervenir simultanément ou successivement plusieurs phénomènes chimiques; de là, la difficulté de coordonner tous les procédés et de les ranger d’une manière générale en sections bien définies.

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  Classification

 

A)   Fixation mécanique des couleurs insolubles - Couleurs d’application

      mécanique.

 

     Une couleur insoluble est appliquée en poudre impalpable sur le tissu et 

     fixée par l’intermédiaire d’un corps qui devient solide et généralement

     insoluble en présence de la fibre.

 

     Exemples: Outremer, vert Guignet, laques diverses, noir de fumée fixés

     par l’albumine, le gluten, la caséine, la gomme-laque.

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B)   La matière colorante se combine à la fibre, cette méthode peut se
      diviser en deux espèces: 

a)   Le tissu ou la fibre sont plongés dans un bain ou solution de matière
      colorante portée à une température suffisamment élevée. La fibre
      textile enlève peu à peu la matière colorante au bain, par une véritable
      attraction chimique; on obtient ainsi des unis, à moins d’imprimer
      préalablement une préparation qui s’oppose à la teinture (réserve), ou
      de détruire la couleur par places, en appliquant après teinture une
      préparation appropriée, capable de détruire localement la couleur fixée
      (enlevage).

 

      Exemples: Teintures de la laine et de la soie avec les couleurs d’aniline,
      l’acide sulfindigotique, l’acide picrique, etc.

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b)   La matière colorante est imprimée en dissolution épaissie et on
      détermine la teinture en exposant le tissu à une chaleur humide,
      généralement à l’action de la vapeur d’eau. C’est une véritable teinture
      sur place, par l’intermédiaire de laquelle on peut réaliser tous les effets
      de dessins désirables.

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C)   La couleur fait corps avec la fibre qu’elle imprègne, mais elle n’est pas
      combinée chimiquement avec elle, cette méthode peut se diviser en six
      espèces: 

a)   Fixation, par attraction de surface, de la couleur au moment où elle se
      sépare d’un dissolvant (carthamine); ou même précipitation par
      attraction de porosité de la couleur faiblement unie à un dissolvant
      (rocou, indigo).

 

N.B. Le développement de la couleur exige, dans le cas de l’indigo, une oxydation subséquente, qui, toute fois, n’ajoute rien à la fixité de la matière colorante, sous le rapport de son insolubilité dans un véhicule pareil à celui qui la tenait en dissolution.

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b)   Fixation par attraction chimique exercée, par la fibre mordancée, sur une

      matière colorante en solution. La seule différence entre cette 

      méthode et celle de B), c’est qu’en raison de l’absence d’affinité 

      entre la matière colorante et la fibre, on a dû pénétrer celle-ci 

      d’une substance insoluble, douée du pouvoir de combinaison qui lui 

      manque, et qui, faisait corps avec elle, lui communique les qualités 

      requises pour la teinture.

 

Les mordants ne fonctionnent pas toujours comme fixateurs purs et simples, mais encore comme moyens de bien varier et de régler la coloration en nuance, aussi bien qu’en intensité. La laine retirée d’une dissolution de cochenille, par exemple, ne présenterait qu’un ton allant du vineux au grenat, tandis qu’avec un sel stannique qui la mordancerait avant, pendant ou après la teinture, ce ton serait celui de l’écarlate.

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Du coton montrera dans un même bain de teinture, la garance, par exemple, du violet, du noir, du rouge, du grenat, selon que ce coton portera des empreintes de fer, d’alumine, ou de mélange de ces mordants.

 

On procède également par immersion ou par impression. Dans le premier cas, il est impossible de réaliser des dessins en n’appliquant le mordant que par places. Dans l’impression de la matière colorante, le mordant est fixé uniformément, et la teinture se fait sous l’influence de la vapeur d’eau (ce genre comprend certaines couleurs vapeur sur coton).

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c)   Fixation par oxydation. La matrice colorante, ou plutôt colorable, est
      appliquée en solution sur la fibre (immersion, impression) et soumise
      ensuite à une action oxydante qui la précipite, et développe en même
      temps la nuance.

 

      Exemples: Fixation du cachou, du campêche, du noir d’aniline.

 

L’oxydation est provoquée:

 

1)   par l’exposition à l’air avec ou sans influence alcaline; 

2)   par le passage du tissu dans un bain oxydant (chromate); 

3)   par l’introduction dans les couleurs à imprimer d’agents oxydants dont
      on détermine l’effet par une élévation de température (vaporisages,
      exposition à la chambre chaude).

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d)   La couleur est dissoute dans un dissolvant physique ou chimique,
      susceptible de se volatiliser spontanément, par exposition à l’air, dans
      la chambre chaude ou par le vaporisage. Cette méthode s’applique
      aussi à la fixation de certains mordants (acétates d’alumine, de fer), et
      se complique quelquefoi d’une oxydation simultanée. Dans le cas des
      mordants la chaleur doit être humide.

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e)    La couleur se forme sur la fibre par double échange ou déplacement
       opéré entre deux sels, un sel et un hydrate d’oxyde alcalin ou un
       carbonate alcalin. L’un des composés est appliqué en solution sur le
       tissu: c’est ordinairement celui qui renferme l’élément essentiel; l’autre
       se trouve dans un bain à travers lequel on passe le tissu.

 

       Exemples: fixation des oxydes de fer, de chrome, de cuivre, de
       manganèse, de plomb, etc.

 

Ce procédé sert aussi à fixer certains mordants: il achève souvent la fixation restée incomplète par la méthode précédente (bousage des tissus mordancés en acétate d’alumine ou de fer). L’oxydation consécutive est quelquefois nécessaire pour développer la nuance (bistre).

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f)    Les éléments constituants d’une couleur sont mis en présence de la
      fibre, en solution chimique et dans un tel état que sous l’influence de la
      chaleur humide (vaporisage, une grande partie des couleurs vapeur)
      ou du temps (un grand nombre de couleurs dites d’application),
      ils se réunissent pour former la couleur insoluble qui deviendra en même
      temps adhérente.

 

A cette catégorie peut se rattacher la dissociation des acides ferro et ferri-cyanhydriques, sous l’influence de la chaleur. Il est vrai que le composé qui résulte de cette décomposition doit encore être oxydé pour se teindre en bleu de Prusse.

 

Malgré les divisions, assez nombreuses, qui viennent d’être introduites dans cette classification, un certain nombre de méthodes échappent encore à ce cadre: ce sont celles dont les réactions sont trop multiples ou trop spéciales pour pouvoir être généralisées.

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  Couleurs pour l'impression des tissus

 

Parmi les substances qui font partie intégrante des couleurs à imprimer sur les étoffes, nous trouvons en première ligne et par ordre d’importance et de généralité les épaississants.

 

Les épaississants sont destinés à donner du liant et de la viscosité à la couleur. De leur choix convenable, suivant les autres principes constitutifs, dépend entièrement la netteté du dessin et le succès de l’opération mécanique de l’impression.

 

On peut diviser les épaississants, d’après leur nature chimique, en épaississants minéraux, épaississants végétaux, épaississants d’origine animale.

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  Epaississants minéraux

 

Les seuls épaississants minéraux sont la terre de pipe et le kaolin.

 

Ces espèces d’argiles ne sont jamais employées seules; on les mélange indistinctement, et dans certains cas, avec les épaississants végétaux en général et en particulier avec la gomme, pour empêcher les coulages et pour faciliter la fourniture plastique.

 

La "terre de pipe" communément appelée "derle" (argile blanche rencontrée dans les Ardennes - communes d'Andenne et de Védrin), et la gomme, ou l’amidon grillé, donnent les couleurs avec lesquelles on imprime le mieux les dessins les plus difficiles. Mais ces préparations exigent beaucoup de soins; elles servent plus particulièrement pour la planche et quelquefois aussi au rouleau. La terre de pipe entre surtout dans la composition des réserves pour bleu d’indigo uni;  exemple: elle joue alors un certain rôle en préservant physiquement le tissu des atteintes de la solution colorante. Elle rend encore des services dans l’impression du chlore et des substances acides employées comme rongeants, enlevages.

 

Avec la terre de pipe on peut diminuer notablement la proportion de gomme nécessaire pour épaissir une couleur; ainsi on épaissit très bien avec 500 g de terre de pipe et 500 g de gomme par litre. Les couleurs vapeur épaissies à la terre de pipe perdent de 35 à 50 % de leur intensité sur laine, et fort peu sur le coton. Il convient de la laver avant de s’en servir.

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  Épaississants végétaux

 

Les principaux épaississants végétaux servant dans l’impression des tissus, sont l’amidon, la fécule, la farine (mélangée d’amidon et de gluten); les diverses variétés d’amidon désagrégé et rendu soluble, telles qu’amidon grillé, leïocome, dextrine, gommeline, gomméine, gomme Tissot, gomme Lefebvre, gommes indigènes; les gommes proprement dites, gomme arabique et du Sénégal, gomme adragante, gomme de Bassora, gomme du pays, gomme Salabreda; le salep, le sagou, la graine de lin, le lichen Carragahen.

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L’amidon est un des corps qui épaississent le plus fortement, eu égard au poids; aussi convient-il pour les nuances foncées, surtout quand les impressions doivent être fines, ce qui est le cas pour le rouleau. Souvent on le mélange à l’amidon grillé. On l’emploie beaucoup, pur ou avec ce dernier, pour épaissir les mordants.

 

Pour cuire une couleur à l’amidon, on délaye ce corps à froid avec le liquide, on élève peu à peu la température, en remuant toujours. Arrivée à 100 °C, la couleur devient très épaisse; par une cuisson plus prolongée, elle s’amincit un peu et peut alors servir. Il faut éviter d’y ajouter des acides forts qui dissoudraient l’amidon en le convertissant en dextrine. La soude et les couleurs alcalines désagrègent l’amidon à froid et le transforment en empois.

 

Dans les couleurs pour planche, la proportion d’amidon est d’environ 100 g par litre de liquide. Pour rouleau, elle est de 150 à 200 g.

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La fécule de pomme de terre n’est jamais employée que pour les apprêts, car elle épaissit mal les couleurs. On peut dire la même chose de la fécule de riz. 

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Le salep, le sagou (qu’on a soin de blanchir préalablement au chlore), et la farine, sont des épaississants du même ordre que l’amidon. Cette dernière se distingue des autres par la présence de gluten, qui donne aux couleurs un grand degré d’épaississement.

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L'amidon grillé a un pouvoir épaississant d’autant plus faible qu’il est parfaitement grillé. Si la transformation en dextrine est complète, il en faut cinq à six fois autant que l’amidon pour épaissir au même degré le même volume de liquide. Ce corps se rapproche de la gomme. Il sert surtout à épaissir les mordants, pour imprimer de grandes masses, telles que fonds. Il est inutile de cuire les couleurs avec cet épaississant qui est, en grande partie, soluble à froid. Comme il est coloré, il ne convient pas pour les nuances claires qu’il altère, il n’a pas tout à fait la cohésion de la gomme, et s’emploie surtout pour le rouleau.

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La leïocome ou fécule grillée, se rapproche beaucoup de l’amidon grillé par ses qualités, mais est plus gommeuse. Fortement grillée, elle donne une solution presque limpide et pourrait remplacer la gomme dans beaucoup de cas, si elle n’était pas si colorée. On peut en faire usage que pour les couleurs foncées. Par exemple les couleurs vapeur sur laine, telles que le noir, le grenat, le puce, le bois, etc. Elle remplace alors la gomme sans toutefois l’égaler. On s’en sert aussi pour épaissir les mordants, surtout ceux de fer. Le leïocome se dissout mieux que l’amidon grillé.

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La dextrine, la gommeline, la goméine, et autres préparations de même espèce, n’ont qu’un emploi assez restreint dans la confection de quelques couleurs (bleus vapeur, par exemple), car elles ont l’inconvénient de produire facilement des coulages.

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La gomme du sénégal est l’épaississant par excellence, surtout pour l’impression à la main qui exige, en général, des couleurs plus liquides, et par conséquent ayant plus de cohésion que celles au rouleau. L’impression sur laine et soie en consomme de grandes quantités.

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Il y a des dessins fins au rouleau qui ne peuvent se faire qu’à la gomme. Son emploi est des plus commodes; réduite en poudre, on peut l’ajouter telle quelle aux couleurs. Elle se dissout, en effet à froid, ou mieux sous l’influence d’une légère élévation de température.

 

Pour étendre les couleurs, on se sert de l’eau de gomme préparée à l’avance, en dissolvant la gomme entière avec de l’eau, à 60 ou 100 °C, et en laissant déposer les impuretés, puis en tamisant. Les dosages employés sont de 700 à 750 g de gomme pour 1 litre d’eau. On prépare aussi des solutions d’un kilogramme de gomme par litre d’eau, pour ajouter à des mélanges trop fluides, ou de 500 g/l pour des couleurs trop épaisses.

 

Souvent on ajoute de l’eau de gomme à l’eau albumineuse, mais on fait perdre ainsi à l’albumine une partie de son efficacité comme fixateur plastique.

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La gomme se mélange mal aux autres épaississants, sauf à la terre de pipe. Sa nature acide ne la rend pas propre à épaissir toutes les couleurs. Les mordants, par exemple, deviennent plus faibles sous son influence, et souvent ne prennent pas du tout. La gomme sénégal permet, mieux que toute autre substance, d’étendre les couleurs pour les fonds.

 

Elle a des propriétés différentes selon qu’elle est dissoute directement dans une couleur, ou employée en solutions préparées d’avance. Ainsi dans les fonds laine, l’usage de l’eau de gomme donne lieu à des accidents qui ne se présentent pas si l’on procède par dissolution directe. Cet effet est certainement une conséquence de la rapidité avec laquelle l’eau de gomme s’acidifie. Car on l’évite en se servant d’eau de gomme fraîche.

 

Il convient d’observer ici que l’eau de gomme bouillie ne fermente plus.

 

La gomme ajoutée à l’emploi d’amidon le rend immédiatement beaucoup plus fluide, et, en général tout épaississant visqueux ajouté à des épaississants gélatineux les amincit.

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La gomme adragante, comme épaississant on ne se contente pas de la faire gonfler, on l’abandonne 24 h, à froid, avec de l’eau, puis on la fait cuire plusieurs heures (4 à 6), jusqu’à ce que le liquide épais soit bien homogène et liant.

 

Pour un litre d’eau on emploie 60 à 100 g de gomme adragante. La solution est épaisse; presque incolore, mais elle n’a pas beaucoup de cohésion. Aussi ne peut-elle remplacer l’eau de gomme dans la plupart de ses usages. Par contre, elle sert avantageusement en mélange avec l’albumine; les nuances sont moins opaques qu’avec la gomme sénégal, plus solides et les couleurs moussent moins.

 

Employée dans les couleurs vapeur ou d’application, elle donne plus de solidité à l’impression: les couleurs déchargent moins au lavage. Pour certains genres, on peut même négliger le lavage.

 

Le mélange de gomme adragante et d’albumine convient pour le rouleau. L’eau de gomme adragante se mêle aussi bien avec l’albumine du sang. Pour cet usage, il convient de neutraliser par de l’ammoniaque l’acide faible qu’elle renferme. En mélange avec la gomme sénégal, elle sert pour fondus.

 

Au lieu de cuire la gomme adragante à la pression ordinaire, on peut opérer en chaudière close à quatre ou cinq atmosphères. Au bout de 15 à 20 mn, on atteint le résultat voulu. Cette remarque s’applique aussi à la préparation de l’empois.

 

Il est difficile de préciser la proportion des épaississants nécessaires pour la préparation des couleurs; cette proportion se graduant non seulement sur le plus ou moins de viscosité naturelle des dissolutions et sur leur densité, mais encore sur l’action chimique de ces dissolutions sur les épaississants.

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Ainsi, tandis qu’il faudrait 125 à 165 g d’amidon pour des dissolutions indifférentes ou rendues simplement acides après cuisson, il en faudrait moitié moins s’il s’agissait de sels coagulants, tels que les dissolutions concentrées de sesquioxydes, ou encore si la dissolution était caustique (soude, etc.).

 

D’un autre côté, avec des sulfates, il n’y aurait aucune épaisseur, mais liquéfaction complète même avec 300 g d’amidon.

 

Avec la gomme, 200 à 300 g sont souvent plus que suffisants, lorsqu’il s’agit de dissolution de sesquioxydes qui forment généralement la classe des mordants), tandis qu’il faut le double de cette quantité pour les cas normaux des dissolutions indifférentes, sels de protoxydes.

 

Un sel est d’autant plus coagulant qu’il est plus basique. Les sesquioxydes sont coagulants, les sels de protoxydes ne le sont pas.

 

Il faut éviter, en général, l’état de coagulation à quelque degré qu’il soit et ne pas le rechercher comme question d’économie, en raison de son influence peu favorable à la pénétration dans les pores du tissu.

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Les épaississants, et cela se conçoit, annulent une grande partie du composé destiné au tissu. On dirait même qu’ils se teignent et se saturent en premier. On obtiendra donc d’autant plus foncé ou d’autant plus intense, ou enfin on fixera d’autant plus sur le tissu qu’on aura pu incorporer le moins de substance épaississante dans la couleur.

 

Malheureusement les épaississants les plus forts, tels que la gomme adragante et l’amidon ne fournissent pas, en raison de leur état gélatineux, d’impressions aussi bonnes que les épaississants visqueux et fluides, tels que les gommes naturelles et artificielles.

 

Au sujet de cette soustraction, proportionnelle à la quantité en poids des épaississants, on peut citer une anomalie assez singulière: c’est que la gomme dont il faut d'un tiers à un quart de moins en poids que d’amidon torréfié, et qui, pour cette raison, abstraction faite de l’action réductrice dont elle est privée, donne déjà des nuances plus intenses, se comporte d’une manière toute différente lorsqu’il s’agit de mordants d’acétate.

 

Ainsi l’acétate ferreux fournit des tons plus pâles avec la gomme qu’avec les amidons torréfiés. Cette action ne paraît être due qu’à un effet hygrométrique. Car, pour peu que l’on ajoute à la couleur gommée de la glycérine ou du sel ammoniac, on restitue à la gomme toute sa supériorité.

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  Épaississants d’origine animale

 

Le règne animal fournit également des substances, capables de jouer le rôle d’épaississants: tels sont l’albumine, la caséine, le gluten, la gélatine. Mais dans l’emploi qu’on en fait dans l’impression des tissus, ces produits remplissent un double but:

 

1)   ils donnent à la couleur la viscosité nécessaire à l’impression; 

2)   et c’est là leur principale application, ils fonctionnent comme fixateurs
      plastiques des couleurs insolubles. L’impression des couleurs insolubles,
      et leur fixation au moyen de l’albumine ou de ses congénères a pris un
      grand développement et tend de plus en plus à se généraliser. Nous
      croyons donc devoir lui consacrer un chapitre spécial.

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  Emploi des albuminoïdes dans la fixation des couleurs

 

Envisagées comme moyen de fixer les couleurs sur les tissus, les matières albuminoïdes fonctionnent de deux manières distinctes.

 

Tantôt il se produit, en vertu d’une affinité spéciale, une véritable combinaison chimique entre la matière colorante et le composé azoté. Ainsi, en imprimant sur coton une dissolution aqueuse de violet d’aniline et d’albumine, la couleur, après dessiccation, est terne et sans éclat, de plus, elle n’est pas fixée; mais vient-on à soumettre l’étoffe à l’action de la vapeur d’eau, il se produit, en même temps que la coagulation, une véritable teinture de l’albumine, et la belle nuance violette se développe. Dans ce cas; l’albumine fonctionne comme mordant.

 

D’autre fois, mélangée en dissolution à une couleur insoluble réduite en poudre impalpable, elle est coagulée par la chaleur en présence de la fibre textile et forme alors une espèce de vernis fortement adhérent qui tient emprisonnées les petites particules de matière colorée. Celles-ci sont alors fixées par une action purement mécanique. Dans ce dernier cas, la manière d’agir de l’albuminoïde est indépendante de la nature de la couleur, qui ne doit remplir qu’une seule condition, l’insolubilité.

 

Dès 1820, M. Blondin, à la Glacière, employait le blanc d’œufs pour imprimer sur les étoffes la belle couleur bleue connue sous le nom d’outremer naturel. Ces premières tentatives étaient restées sans imitateurs, à cause du prix élevé de la matière colorante. La découverte de l’outremer artificiel vint donner subitement une extension remarquable à ce genre de fabrication. On a ensuite employé l’albumine à la fixation d’une foule d’autres produits.

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Tels sont: le vert Guignet, le peroxyde de fer anhydre, les ocres jaunes et rouges, le vermillon, le blanc de zinc, le gris de charbon, les métaux en poudre, etc. On a même trouvé le procédé si sûr et si commode qu’on l’a appliqué à d’autres couleurs susceptibles d’être fixées sur fibre par des moyens chimiques ainsi les chromates de plomb et les laques végétales.

 

De toutes les substances protéiques proposées et employées, l’albumine est de beaucoup préférée par le fabricant, et si ce n’était son prix élevé, elle n’aurait jamais connu de rivales.

 

On emploie tantôt le blanc d’œuf, tantôt et plus fréquemment l’albumine sèche du commerce.

 

Le blanc d’œuf frais est dans un état gélatineux qui le rend impropre à l’impression. C’est état se modifie en 24 h; la dissolution a passé alors à l’état visqueux. On peut arriver à ce résultat instantanément, en ajoutant de l’acide acétique qui fera passer l’état alcalin naturel à une réaction légèrement acide.

 

La dissolution de l’albumine sèche en plaques est par elle-même une opération simple; elle peut néanmoins être notablement abrégée en prenant quelques précautions particulières. Ainsi, il convient d’employer l’eau tiède, à une température bien inférieure au point de coagulation. Au lieu de verser l’eau sur le produit en remuant, ce qui donnerait lieu à des agglomérations difficiles à dissoudre, on verse l’albumine dans l’eau, peu à peu, et en remuant très doucement, puis on abandonne au repos pendant 24 h.

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Dans le cas de l’outremer, il est préférable de faire usage d’albumine d’œufs, l’albumine du sang ayant une coloration trop prononcée. Cependant, en incorporant de l’essence de térébenthine dans un litre de couleur préparée avec l’albumine du sang, on obtient d’aussi bons résultats.

 

La dissolution de l‘albumine se fait ordinairement à raison de 500 g/l; on sépare par tamisage les particules insolubles qui accompagnent toujours en plus ou moins grandes quantités les produits du commerce. Il est évident qu’une couleur foncée, renfermant beaucoup d’outremer ou de poudre insoluble, demande, pour être fixée avec la même solidité qu’une couleur claire, une plus forte proportion d’albumine.

 

Dans ce genre on fait ordinairement intervenir d’autres épaississants; ceux-ci sont de différente valeur. Plus le résidu qu’ils laissent sur le tissu après vaporisage résiste au lavage, plus ils sont avantageux.

 

Le léiocome et l’amidon grillé doivent être rejetés à cause de leur coloration. La gomme est trop rapidement enlevée au lavage et diminue la solidité des couleurs après le fixage; elle a de plus l’inconvénient de s’acidifier, d’opérer alors la décomposition de l’outremer et de verdir les bleus. La gélatine fait prendre le liquide en gelée; elle se mélange mal à l’albumine et se putréfie trop vite. De plus, les couleurs qui ont travaillé ne se séparent pas en mousse qu’on peut enlever et en couleurs qu’on soutire pour l’employer de nouveau. Son principal avantage consiste dans un ton bleu pur qu’elle conserve aux bleus clairs et dans une plus grande intensité qu’elle donne aux foncés.

 

L’amidon et la gomme adragante sont, dans ce cas, les produits les plus convenables, quoiqu’ils donnent des couleurs moins homogènes que la gomme sénégal et s’impriment moins bien.

 

Ordinairement on emploie l’eau de gomme adragante, et l’on ajoute un peu d’eau de gomme ordinaire pour rendre la couleur plus visqueuse et plus homogène.

 

Ces additions, faites par économie et pour faciliter le travail de l’impression, doivent être telles que l’albumine reste toujours dans un rapport convenable avec la quantité de poudre insoluble à fixer.

 

Les couleurs renfermant de l’albumine possèdent plus que les dissolutions gommeuses la fâcheuse propriété de mousser par l’agitation à laquelle elles sont soumises dans le châssis du rouleau. Cet inconvénient est assez grave, en ce sens surtout qu’une couleur devenue ainsi mousseuse occupe un plus grand volume que la primitive, et donne par conséquent des nuances plus claires. On arrive à atténuer cet effet en ajoutant de l’huile d’olive ou de l’essence de térébenthine.

 

En raison de la prompte putréfaction qu’elles sont susceptibles de subir, on ne peut conserver longtemps les préparations albumineuses, à moins d’y ajouter de l’arsénite de soude ou de l’acide arsénieux, dans la proportion de 1/100 du poids de l’albumine.

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Outremer. Les qualités recherchées pour l’outremer, sont la parfaite ténuité de la poudre, la beauté de la nuance et une résistance convenable à l’action des acides. Cette dernière propriété ne peut se trouver d’une manière absolue, mais l’industrie fournit plusieurs variétés d’outremer qui sont plus ou moins sensibles à l’action des acides. Cette altérabilité ne permet pas de le fixer à côté d’autres préparations susceptibles de dégager des quantités appréciables d’acides.

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L’addition de blanc de zinc est extrêmement favorable pour les bleus moyens et clairs, la couleur devient ainsi plus couvrante et plus brillante.

 

Quant à la composition quantitative des couleurs outremer albumine au rouleau, on ne peut donner aucune règle précise; tout dépend naturellement de la qualité et de la nuance du produit, et du plus ou moins de solidité que l’on veut donner à la marchandise.

 

On obtient un bleu moyen d’une solidité suffisante en prenant parties égales d’eau d’albumine à 500 g/l, d’eau de gomme, et en y délayant par litre de mélange 300 g d’outremer moyen et 30 g de blanc de zinc.

 

Pour une couleur outremer foncée à deux couleurs, il faut, par litre, 200 g d’albumine et 400 g d’outremer foncé.

 

Le clair doit être quatre ou cinq fois plus clair que le foncé; mais il vaut mieux le préparer avec un outremer clair et y mélanger beaucoup de blanc de zinc (1 partie de blanc pour 2 parties d’outremer).

 

Les outremers foncés s’impriment souvent assez mal au rouleau, par suite de la grande quantité de poudre insoluble qu’ils contiennent et d’albumine qu’il faut y mettre pour leur donner la solidité convenable; ils sont de plus imparfaitement essuyés par la racle. Il faut donc veiller tout particulièrement à avoir pour ces tons un outremer en poudre bien impalpable.

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On dissout quelquefois, dans ce cas, l’albumine dans de l’empois, au lieu de d’eau; le produit est alors moins collant et se racle mieux.

 

Lorsqu’on coupe un outremer foncé renfermant assez d’albumine pour lui donner une solidité convenable, pour en composer un outremer plus clair, on ne peut le faire avec de l’eau de gomme seule; mais il faut avoir toujours soin d’ajouter en même temps de l’eau albumineuse, autrement la solidité de la couleur fixée serait considérablement diminuée.

 

Après l’impression et la dessiccation sur le tissu de la couleur, dont nous venons de parler et de décrire rapidement la composition, il s’agit de coaguler l’albumine. La meilleure méthode est le vaporisage. Une assez forte pression de vapeur, ou, ce qui revient au même, une vapeur assez sèche paraît être favorable pour rendre la couleur bien résistante au lavage; par contre, les mêmes conditions nuisent à la beauté de l’outremer qui perd de sa vivacité par un vaporisage trop fort ou trop prolongé. Il arrive souvent que les pièces sortent avec une nuance terne et grisâtre de la cuve à vaporiser; un simple chlorage leur rend alors leur fraîcheur. Ainsi les conditions les plus favorables sont: fixage aussi léger, aussi court et aussi aéré que possible.

 

Il est bon de faire précéder le vaporisage d’une exposition à un endroit frais, surtout en été. Quelques variétés d’albumine jaunissent les bleus d’outremer au vaporisage, probablement parce qu’elles renferment un acide libre; elles doivent être rejetées pour cette application.

 

Dans certaines fabriques on fixe les outremers par un passage en eau bouillante, en employant exclusivement de l’albumine. La nuance est alors plus belle.

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L’outremer, et en général toutes les autres couleurs à l’albumine, ont sur les autres le grand avantage de ne plus exiger de lavages après la fixation. En effet, les substances qu’elles renferment sont adhérentes à la fibre et n’ont pas besoin d’être détachées, comme cela arrive avec les préparations épaissies avec la gomme, la dextrine, etc. On est arrivé ainsi, en y joignant les couleurs d’aniline dans lesquelles l’albumine fonctionne comme mordant, à réaliser la presque totalité des nuances nécessaires; encore sont-elles pour la plupart beaucoup plus vives que celles qu’on obtient par d’autres moyens.

 

Il n’est donc pas étonnant, surtout pour certains tissus légers d’une grande finesse, que cette fabrication ait prévalu sur l’ancienne. On peut maintenant, grâce à l’albumine, imprimer et fixer toutes les couleurs en même temps, sans avoir seulement besoin d’un lavage subséquent, de sorte que chaque fil gardant sa position primitive, les moindres détails du dessin sont respectés.

 

L'usage de l’outremer ci-dessus détaillé, dispense de procéder aux mêmes observations pour les couleurs qui se fixent également à l’albumine, les opérations reposant toutes sur les mêmes principes.

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Oxyde de fer. On trouve quelquefois de l’avantage à fixer l’oxyde de fer par ce procédé. Ce sont ordinairement les différentes variétés d’ocres et de terre d’ombre que l’on emploie.

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On réalise avec ces substances, soit isolées, soit en mélanges avec d’autres, des tons modes et bois, que l’on utilise surtout dans les genres où, pour une raison ou une autre, on cherche à n’introduire que des couleurs à l’albumine.

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Jaunes et oranges de chrome. Ils présentent sur ceux fixés par voie chimique l’avantage d’un traitement plus rapide. Ils réclament cependant des soins particuliers, en raison de la facilité avec laquelle le plomb se sulfure.

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On doit donc exclure l’huile, les corps acides ou acidifiables, qui tendent à dégager le soufre de l’albumine. Le fixage des oranges de chrome à l’eau bouillante acidifiée les fait tourner au bistre; il en est de même avec l’eau alcalinisée et les oxydants.

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Vert Guignet. C’est un des plus difficiles parmi les couleurs albumine. Elle a, en effet une grande tendance à encrasser les gravures.

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Lorsque le vert n’est pas très bien lavé, il coagule facilement plusieurs épaississants; mais ces inconvénients résultent uniquement de ce que le vert Guignet est un produit nouveau. Les progrès réalisés dans sa préparation industrielle permettent déjà de les éviter en grande partie, et ils ne tarderont pas à disparaître tout à fait.

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Vert Schweinfurt. Les verts Schweinfurt exigent les mêmes précautions que les jaunes orangés de chrome, pour éviter la sulfuration.

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Le Vert de Schweinfurt est mis au point vers 1812 (arséniate de cuivre), très vénéneux, il a des qualités pigmentaires qui lui ont valu de remplacer souvent le vert de Scheele.

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Blanc de zinc. On a imprimé du blanc de zinc à différentes époques, par-dessus d’autres couleurs, ordinairement en picots ou en hachures serrées, et on obtenait ainsi des effets de doubles teintes.

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Cette impression est difficile, la poudre encrassant la gravure.

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Gris de charbon. Le noir de fumée ordinaire renferme une notable proportion d’huiles empyreumatiques qui rendent difficile son empâtement avec les épaississants. Si cette opération est imparfaitement exécutée, on n’obtient que des nuances raclées et picotées. Aussi fait-on subir au noir une ébullition préalable à la soude caustique qui dissout les matières huileuses, puis un lavage à l’eau; ou, ce qui vaut mieux encore, un traitement à l’acide sulfurique concentré, suivi d’une dessiccation.

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Les gris de charbon sont en moyenne plus solides que les outremers; le pouvoir colorant de la poudre de charbon est, en effet, beaucoup plus fort, et ce sont les tons clairs plutôt que les foncés que l’on recherche à obtenir.

 

Ici l’albumine du sang peut remplacer sans aucun inconvénient celle des œufs.

 

On mélange ordinairement le noir à son poids d’outremer pour remplacer le gris jaunâtre qu’il donnerait seul, par un gris bleuté.

 

Pour les différentes nuances modes on fait encore intervenir le jaune de chrome, l’ocre, le blanc de zinc, les laques végétales et même les couleurs d’aniline. En variant la nature et les proportions de ces additions, on peut reproduire à volonté une nuance quelconque.

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Violet albumine. Avant l’invention des violets d’orseille et d’aniline, on imprimait beaucoup de violets albumine, formé d’un mélange d’outremer et d’une laque de cochenille.

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Ce genre, de même que celui qui résulte de la fixation mécanique des laques végétales, ne présente rien de particulier.

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Vermillon. Le sulfure de mercure dans sa variété rouge (vermillon) peut s’imprimer à l’albumine, et donne d’assez beaux rouges, quoique un peu ternes.

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Rouge ou carmin. Depuis quelques années on imprime, surtout dans les tissus pour le mobilier, un rouge à l’albumine qui imite parfaitement le rose garancé; la base colorante est le carmin de cochenille.

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Celui-ci est ordinairement dissous dans l’ammoniaque, et c’est cette dissolution que l’on mélange à l’eau albumineuse. Par le vaporisage se dégage et le carmin devenu insoluble est fixé par l’albumine coagulée.

 

On dissout environ trois parties de carmin dans deux parties d’ammoniaque caustique, et on mélange avec plus ou moins d’eau d‘albumine.

 

L’albumine peut être remplacée par une solution ammoniacale de caséine. On emploie aussi le carmin en pâte sans dissolution préalable. L’addition de tartrate d’ammoniaque augmente l’éclat de la nuance. Après le vaporisage, la fixation est complète; la couleur est passablement solide à la lumière.

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  Substances pouvant remplacer l'albumine

 

L’albumine n’a pas encore été remplacée; les composés présentés de divers côtés comme devant la détrôner n’offrent en général que l’avantage de l’économie, mais ne peuvent rivaliser avec elle ni pour la solidité, ni pour la pureté des nuances.

 

On a successivement cherché à tirer parti de la caséine, du gluten, de la fibrine. La caséine est, comme on le sait, soluble dans les liqueurs alcalines, dont elle est reprécipitée intacte par les acides.

 

La solution ammoniacale l’abandonne même par l’évaporation seule, en même temps que l’ammoniaque se dégage. C’est ordinairement cette dernière propriété que l’on utilise pour la fixation des couleurs insolubles; la caséine donne avec l’ammoniaque une dissolution très homogène, de consistance gommeuse, fournissant des couleurs qui s’impriment très bien, aussi les emploie-t-on de préférence pour les dessins difficiles qui demandent une préparation homogène.

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Le vaporisage est nécessaire pour la complète élimination de l’ammoniaque. L’impression ne résiste pas au savon et aux alcalis. Les nuances sont plus opaques qu’avec l’albumine. Les matières colorantes que l’on peut imprimer avec une solution alcaline de caséine sont restreintes à celles qui ne sont pas modifiées par les alcalis; l’outremer est du nombre.

 

La couleur dite argentine (étain métallique en poudre), s’imprime spécialement à la caséine. On délaye environ 360 g d’argentine dans un litre de dissolution ammoniacale de caséine et on imprime au rouleau ou à la planche, après avoir légèrement apprêté le tissu, afin que la couleur reste, autant que possible, à la surface.

 

Après l’impression la couleur est grise. L’éclat métallique s’obtient en passant plusieurs fois le tissu par une calandre à friction, à chaud.

 

L’argentine a été principalement employée dans l’article de doublure; imprimée en petits filets sur des fonds diversement colorés, elle imite assez bien la soie.

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Gluten. On a tenté bien des efforts pour rendre ce produit applicable à la fixation des couleurs; s’ils n’ont pas abouti d’une manière absolue, ils ont cependant amené quelques résultats intéressants. Le gluten est, comme la caséine, soluble dans les alcalis; seulement ces dissolutions sont moins stables et se coagulent spontanément avec la plus grande facilité. On conçoit que si une poudre insoluble se trouve incorporée à de semblables liquides elle sera entraînée au moment de la séparation du gluten et par cela même fixée. Ces couleurs au gluten alcalin sont donc de véritables couleurs que l’on n’a qu’à laisser séjourner quelque temps après l’impression pour pouvoir les laver, en se passant du vaporisage.

 

Il va sans dire que les dissolutions de gluten doivent être employées fraîches. On a proposé une foule de recettes pour la préparation de semblables dissolutions. On s’est servi tour à tour de la soude caustique, de l’ammoniaque, de la chaux, du sucrate de chaux, du carbonate de soude, d’acide acétique. Quand on fait intervenir la chaux, il est essentiel de n’ajouter que la quantité de lait de chaux strictement nécessaire à la dissolution du gluten. Lorsqu’il n'y en a pas assez, il reste du gluten en pâte; dans le cas contraire, la couleur est instable et plus sujette à mousser.

 

M. O Scheurer a utilisé, pour obtenir des dissolutions de gluten, l’action remarquable qu’exerce sur lui, aussi bien que sur la fibrine musculaire une eau chargée de quelques millièmes d’acide chlorhydrique. Macéré pendant 24 h avec son poids d’une semblable liqueur, il est complètement désagrégé et se délaye avec la plus grande facilité dans l’eau acide qui le baigne; une addition d’acide acétique complète la liquéfaction. Les couleurs préparées ainsi se fixent par simple application, et mieux par vaporisage; on ne peut en faire usage que pour les produits colorés que n’altèrent pas les acides faibles.

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La fibrine. La fibrine de la chair est employée, quoique très rarement, de la même manière que le gluten.

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  Mordants - Garançage

 

Les pigments de la garance ne se fixent directement sur aucune fibre; ils exigent le concours des mordants; ceux-ci, le plus souvent, sont des oxydes métalliques et principalement des hydrates d’alumine, de peroxyde de fer ou de sesquioxyde de chrome.

 

Les oxydes peuvent être incorporés à la fibre comme toute substance insoluble susceptible de lui être présentée à l’état soluble, et d’être ensuite précipitée dans ses pores. Le tissu ainsi préparé étant plongé dans un bain renfermant en solution la matière colorante, l’oxyde métallique attire la substance tinctoriale, et se combine avec elle, en vertu d’une affinité qui lui est propre et que ne modifie nullement la présence de la fibre; il se forme une laque colorée adhérente comme le mordant lui-même.

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La couleur de cette laque varie avec la nature de l’oxyde; elle est rouge ou rose avec l’alumine; noire, violette ou lilas avec l’oxyde de fer; puce avec le mélange des deux. De sorte que le bain monté avec une seule matière colorante peut produire simultanément des effets très distincts sur un même échantillon imprimé avec des mordants divers. On fait quelques fois intervenir, concurremment avec le mordant métallique, un corps gras modifié dans le but de communiquer à la laque une plus grande stabilité et plus d’éclat. Cette manière de procéder constitue un genre spécial connu sous le nom de rouge d’Andrinople.

 

Le garançage ordinaire dirigé dans le but d’obtenir des rouges, des roses, des noirs, des violets et lilas aussi vifs que possible, soit isolément, soit simultanément, se compose d’une série d’opérations que nous pouvons diviser en:

 

1)   blanchiment aussi parfait que possible du calicot; 

2)   impression des mordants dissous dans un véhicule convenable; 

3)   fixation de ces mordants; 

4)   teinture et garançage; 

5)   avivage.

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Mordants pour rouge et rose. La base fixatrice des rouges et des roses garancés est toujours, et partout, l’alumine hydratée, ou un sous-sel d’alumine insoluble.

 

Bien des moyens se présentent à l’esprit pour fixer l’hydrate d’alumine sur tissu. La nature de la fibre influe notablement sur la facilité de cette opération parmi tous les moyens possibles, le fabricant choisira ceux qui exigent les manipulations les plus simples.

 

L’alumine peut être obtenue en solution:

 

1)   à l’état de sel saturé;  

2)   à l’état de sel basique;  

3)   sous forme d’alumine soluble;

4)   en combinaison avec des alcalis.

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Sels saturés. Certains de ces sels peuvent être mis en présence de la fibre (coton), sans subir la moindre décomposition, soit par l’effet du temps à la température ordinaire, soit sous l’influence de la chaleur. Lorsque l’on veut faire intervenir dans le mordançage de semblables composés (sulfate, nitrate, alun), il est nécessaire de passer ultérieurement le tissu imprégné de leur solution dans un bain saturant capable de précipiter l’hydrate d’alumine.

 

D’autres sels aluminiques se décomposent par la chaleur humide, en cédant à la fibre tout ou partie de leur oxyde terreux ou un sel basique, tandis que l’acide devient libre et se volatilise (chlorure, acétate, hyposulfite).

 

Pour ce genre de corps on fixe le mordant par impression et solution et par une exposition dans une atmosphère chaude et humide.

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Sels basiques. Les sels non saturés ou basiques d’alumine abandonnent assez facilement à la fibre leur excès d'alumine, en se convertissant en sels saturés. La chaleur humide peut développer le phénomène dans une solution d’un pareil corps, mais l’attraction de porosité exercée par la matière textile le favorise singulièrement.

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Aluminates alcalins. Les solutions alcalines d’alumine laissent précipiter l’alumine sous l’influence des acides. Un tissu portant des impressions d’aluminate de soude se mordance par conséquent: 

1)   par simple exposition à l’air, sous l’influence de l’acide carbonique de
      l’air;

2)   par un passage en bain acide assez faible pour que l’oxyde précipité ne
      puisse se redissoudre;  

3)   par un passage en sel ammoniacal: la soude sature l’acide du sel
      ammoniacal, tandis que l’alumine se sépare et l’ammoniaque se dégage;

4)   par une immersion dans un sel métallique dont l’oxyde forme avec
      l’alumine un aluminate insoluble.

 

Ainsi l’aluminate de soude, mis en présence de l’acétate de zinc, donne de l’aluminate de zinc insoluble, et de l’acétate de soude.

 

Le mordant rouge ordinaire des indienneurs se prépare en mélangeant des solutions convenables concentrées d’alun, ou de sulfate d’alumine exempt de fer, et d’acétate ou de pyrolignite de plomb. Il se forme un dépôt de sulfate de plomb insoluble que l’on sépare le plus souvent par décantation. En employant l’alun, il est dans tous les cas inutile d’ajouter assez d’acétate de plomb pour précipiter non seulement l’acide sulfurique du sulfate d’alumine, mais encore celui du sulfate alcalin qui s’y trouve combiné. Pour précipiter la totalité de l’acide sulfurique du sulfate d’alumine il faut employer pour 100 parties d’alun, 125 parties d’acétate de plomb cristallisé.

 

Or, M. Dan. Koechlin Schouch a reconnu que les résultats pratiques, au point de vue de la force du mordant, sont les mêmes en employant que 75 parties d’acétate pour 100 d’alun. Comme conséquence de ces observations, qui s’appliquent aussi au sulfate d’alumine seul, mais avec d’autres rapports, nous pouvons dire en toute certitude qu’il n’est point nécessaire d’atteindre le point de saturation dans le double échange.

 

Que renferme le mordant des indienneurs préparé avec 75 parties d’acétate?

 

On ne saurait le dire exactement. Tout ce que l’on peut affirmer, c’est que les deux acides en présence se partagent la base, proportionnellement à leur masse. Nous aurons donc du sulfate basique d’alumine en quantité variable, suivant la dose d’acide sulfurique non précipité, de l’acétate d’alumine basique et de l’acide acétique libre, à la faveur duquel les deux sels basiques sont maintenus en dissolution.

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Ce liquide imprimé dégage de l’acide acétique volatil, tandis que les sels basiques insolubles se séparent et se fixent au tissu. Dans les proportions indiquées, on déplace à peu près les deux tiers de l’acide sulfurique du sulfate d’alumine. La solution représente donc réellement une liqueur préparée en dissolvant une molécule de tribasique dans deux molécules d’acide acétique. Qu’il y ait partage ou non de la base entre les deux acides, le résidu sur la toile, après l’exposition à la chambre chaude, sera du sulfate basique. Cette opinion est d’autant plus probable que d’après une expérience directe de M. D. Koechlin Schouch, on obtient d’excellents résultats par l’impression d’une solution acétique de sulfate basique.

 

Dans la fabrication des mordants, il convient de choisir l’alun pur, blanc et surtout exempt de fer. Le sel de saturne doit être blanc et cristallisé. L’alun et l’acétate de plomb étant pesés, et l’alun réduit en poussière, on met celui-ci dans un baquet profond; on verse dessus la quantité convenable d’eau chaude et quand il est dissous, on y ajoute souvent un dixième de son poids de cristaux de soude pour saturer l’excès d’acide. On y mêle alors l’acétate de plomb, et, comme ce sel se dissout très vite, la réaction a lieu à l’instant même,  on doit remuer pendant 1 h.

 

Parmi les formules publiées en 1828 par M. D. Koechlin pour le mordant rouge, on peut citer:

 

   375 parties d’eau, dont 75 de décoction de bois pour marquer 

      l’impression;

  150 parties d’alun;

  15 parties de cristaux de soude;

  150 parties d’acétate de plomb.

 

Au lieu d’avoir un seul mordant mère pour en tirer toutes les nuances en l’étendant plus ou moins d’eau, les fabricants préfèrent en composer plusieurs qui diffèrent par leur densité et les proportions d’alun et d’acétate de plomb, selon le genre d’impression auquel on les destine.

 

En effet, un mordant fort ne se conserve pas aussi longtemps qu’un autre de densité moyenne. Tous les mordants, du reste, finissent par déposer du sous-acétate d’alumine ou du bi-acétate insoluble de Walter-Crum.

 

L’acétate d’alumine pur peut être porté à l’ébullition sans se décomposer, tandis que les mordants à base de potasse se troublent quand on les chauffe, et donnent un précipité qui se redissout par le refroidissement.

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On obtient de bons résultats pour rouge, en dissolvant dans l’acide acétique le précipité formé par l’ébullition d’une solution d’alun saturé par la potasse.

 

Pour préparer l’acétate d’alumine avec le sulfate d’alumine, on commence par former une solution de ce sel marquant 31 à 33 °B, et on précipite 110 à 115 parties d’acétate de plomb dissous dans 30 parties d’eau. Le liquide filtré pèse 15 à 16 °B, et renferme de 18 à 19 % d’acétate d’alumine. C’est le maximum de richesse que l’on puisse obtenir.

 

En teinture, cet acétate donne les mêmes résultats que le mordant à l’alun.

 

On remplace quelques fois par économie l’acétate ou le pyrolignite de plomb par l’acétate ou le pyrolignite de chaux; 100 parties d’alun, 100 parties d’eau et 150 parties de pyrolignite de chaux à 11,5 °B donnent un acétate d’alumine marquant 12,5 °B. Il faut éviter un excès de chaux qui ternirait les nuances.

 

Le mordant dit à l’aluminate de potasse se préparait autrefois en dissolvant à l’ébullition 60 livres d’alun dans 126 livres de lessive caustique de potasse à 35 °B. Après cristallisation du sulfate de potasse, on soutire le liquide clair. On peut aussi employer l’aluminate de soude, fabriqué au moyen de la bauxite.

 

M. E. Kopp a fixé l’attention des industriels sur les applications que pourrait recevoir l’hyposulfite d’alumine dans le mordançage des tissus. Ce sel se décompose en effet vers 100 °C, en présence de l’eau, en souffre, acide sulfureux et alumine hydratée.

 

Le mordant de l’hyposulfite serait plus économique; il se fixe plus rapidement et plus complètement. Enfin il empêche, jusqu’à un certain point, la fixation du fer.

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  Épaississage des mordants d’alumine

 

Un même mordant épaissi au même degré de viscosité avec les divers épaississants ne donne pas en teinture des résultats de même valeur. La gomme sénégal s’oppose plus particulièrement à la fixation du sous-sel alumineux.

 

On remarque qu’un mordant épaissi à l’amidon se combine plus facilement à l’étoffe et fournit des teintes plus foncées que le même mordant épaissi à la gomme.

 

Cependant pour certaines couleurs la gomme est préférable, parce qu’elle communique aux nuances plus de transparence, une partie de l’amidon restant toujours avec le mordant, malgré le dégorgeage.

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Un mordant fort et acide ne s’épaissit pas facilement à l’amidon, et la couleur ne conserve pas la consistance convenable. Il vaut mieux épaissir ce mordant avec de la gomme ou de l’amidon grillé. Un mordant qui contient un excès d’alun (deux parties d’alu pour une partie d’acétate), tire de l’eau au bout d’un jour s’il est épaissi à l’amidon.

 

Les épaississants les plus généralement employés pour les mordants rouges et roses sont l’amidon blanc et l’amidon grillé. Avec l’amidon, il est nécessaire de cuire la couleur à imprimer. Dans ce cas, il se précipite un sous-sel d’alumine qui reste en suspension, grâce à la viscosité du liquide, et se redissout par le refroidissement, surtout si l’on a soin de remuer la préparation jusqu’à complet refroidissement.

 

Lorsqu’on est dans le cas d’étendre de beaucoup d’eau le mordant, il convient d’épaissir d’abord l’eau et d’y ajouter ensuite le mordant presque froid.

 

Lorsque l’on imprime plusieurs mordants pour teintes différentes les uns des autres, on doit éviter qu’ils se dissolvent et se confondent aux points de superposition. Ainsi lorsque l’on recouvre d’une grande masse de mordant un dessin délicat, la première impression qui représentera la nuance la plus forte devra reposer quelques jours avant l’application de la seconde. On peut aussi, dans ce cas varier les épaississants; la première nuance sera, par exemple, épaissie à l’amidon, et la seconde à l’amidon grillé. Le mordant dit à l’aluminate de soude s'épaissit à l’amidon grillé.

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  Mordants pour noirs, violets et lilas

 

La base des noirs, violets et lilas, obtenue avec les matières colorantes de la garance est l’hydrate de peroxyde de fer ou un sel ferrique basique et insoluble. Comme pour l’albumine, le sel qui sert à fixer l’oxyde de fer sur le tissu est généralement l’acétate ou le pyrolignite; mais ici il y a une distinction à établir qui tient aux deux degrés d’oxydation du fer.

 

Convient-il de prendre un sel au minimum ou au maximum d’oxydation?

 

L’expérience et la pratique ont consacré l’usage du pyrolignite ou de l’acétate ferreux. Les mordants peroxydes ne se combinent plus à la toile et s’en détachent en grande partie ou même complètement pendant le bousage. Les acétates ou pyrolignites ferreux imprimés donnent lieu, par une exposition dans une atmosphère chaude et humide, à un dégagement d’acide acétique accompagné d’une absorption d’oxygène, de sorte que le résultat final est le dépôt sur la fibre d’hydrate ferrique. On peut obtenir de bons résultats avec l’acétate ferreux obtenu:

 

1)   par double décomposition (sulfate ferreux et acétate ou pyrolignite de
      plomb); 

2)   par dissolution du fer dans l’acide acétique ou l’acide pyroligneux.

 

Généralement on emploie le pyrolignite de fer épuré, obtenu avec l’acide pyroligneux séparé par une distillation de la plus grande partie de goudron et marquant 10 °B.

 

La nature de l’épaississant a une influence bien marquée sur la fixation de l’oxyde de fer. Toutes choses égales d’ailleurs, l’amidon fixe plus l’oxyde que la gomme d’amidon et celle-ci plus que la gomme sénégal.

 

L’état de viscosité du mordant épaissi n’a pas une moindre action sur la réussite. Il faut donc donner à chaque couleur le degré de viscosité que réclame le genre de dessin et d’impression.

 

Autrefois, on ajoutait au mordant pour noir destiné à l’impression à la planche un sel de cuivre, notamment de l’acétate, qui peut favoriser la combinaison de l’oxyde de fer avec le tissu.

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  Mordants puce

 

Le mordant puce résulte du mélange du mordant pour rouge et de celui du violet. En variant les proportions respectives des deux agents, on modifie la teinte intermédiaire.

 

En appelant mordant A la préparation pour rouge suivante: 

  alun : 10 kg;

  acétate de plomb : 10 kg;

  eau : 20 litres.

 

et mordant puce la préparation pour rouge suivante: 

  alun : 144 kg;

  pyrolignite de plomb : 144 kg;

  eau : 660 kg;

  cristaux de soude : 4 kg;

 

on obtient des puces en prenant: 

  mordant A : 8 litres;

  pyrolignite de fer 10 °B : 4 litres;

  extrait quercitron 20 °B : 1/2 litre;

  amidon blanc : 2,5 kg;

  léicome : 250 g;

  huile tournante : 50 g;

 

ou

 

  mordant puce : 12 litres;

  pyrolignite de fer 10 °B : 2 litres;

  extrait quercitron 20 °B : 3/4 de litre;

  amidon blanc : 3 kg;

  léicome : 375 g;

  huile tournante : 125 g.

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  Impression des mordants

 

L’impression des mordants s’exécute le plus souvent au rouleau, quelques fois à la planche; surtout pour les meubles et les grands dessins.

 

Immédiatement après l’impression au rouleau de divers mordants, le tissu est séché en glissant le long de plaques en tôle chauffées à la vapeur. Pendant cette opération, l’acide acétique se dégage en partie, et il reste sur le tissu un sel basique.

 

Après l’impression à la planche, la dessiccation se fait à une température moins élevée, aussi la déperdition d’acide acétique est-elle moindre.

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  Fixation des mordants

 

Cette opération importante comprend deux phases distinctes. Dans la première, les pièces sont suspendues dans une chambre dont l’atmosphère est maintenue à un degré convenable de température et d’humidité.

 

On donne à ces étendages le nom de chambre d’oxydation. La température s’y élève à 22 ou 27 °Ré. L’humidité est distribuée à la salle, d’une manière régulière, par une disposition simple. Les tuyaux de chaleur sont placés au-dessus de rigoles remplies d’eau qui se vaporise lentement. On peut à volonté augmenter la quantité de vapeur, en laissant barboter celle des tuyaux dans le liquide sous-jacent, au moyen de petits tubes latéraux, munis de robinets et distribués sur le parcours des tubes de chauffages. Le degré hygrométrique s’évalue au moyen d’un hygromètre d’Auguste.

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On s’arrange de façon à ce que le thermomètre, dont la boule est mouillée, marque 18 °Ré, l’autre marquant 22 °Ré.

 

Lorsque l’atmosphère de la chambre est remplie de vapeurs d’acide acétique, il convient d’introduire de l’air chaud pour les expulser. Une trop forte proportion d’acide nuit à la beauté des teintes, et en laissant rentrer de l’air froid, on condenserait de l’eau sur les pièces qui seraient ainsi gâtées par les coulages.

 

La durée de cette opération est plus ou moins longue, suivant la nature des mordants et des dessins.

 

Elle est de: 

  72 h pour les cachous et les puces;

  60 h pour les violets et les puces;

  48 h pour du noir et du rouge;

  26 h pour les rouges et roses seuls.

 

Dans ces conditions, le mordant d’alumine se décompose en laissant de l’alumine ou du sous-sulfate. Le mordant de fer qui s’oxyde laisse de l’hydrate de peroxyde ou du sous-acétate ferrique.

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  Application du dégommage ou bousage

 

Si, au sortir des chambres d’oxydation, les sesquioxydes étaient complètement fixés, il ne resterait plus, avant teinture, qu’à laver en eau tiède et à rincer pour éloigner les épaississants.

 

L’expérience prouve au contraire que le dégommage à l’eau seule ne peut donner des résultats défavorables. Prenons comme exemple le mordant rouge ordinaire dans lequel on a précipité, par l’acétate de plomb, la moitié seulement de l’acide sulfurique de l’alun. En tenant compte des résultats observés par M. Schiffert, on peut admette qu’il y a sur le tissu prêt à être dégommé de l’alun et de l’hydrate d’alumine.

 

Que se passerait-il pendant le lavage à l’eau?

 

L’alun se dissoudra et entraînera consécutivement la corrosion d’une partie de l’alumine déjà fixée. Cette corrosion se fera irrégulièrement, et par conséquent les nuances perdront en intensité et en uniformité. D’autre part, les fonds blancs réservés à la gravure, se trouvant en présence d’une solution d’alun basique fixeront du sulfate basique d’alumine et attireront ultérieurement en bain de teinture. Un effet analogue se produit avec les mordants de fer. Le sous-acétate ferrique, incomplètement fixé, se partage en acétate neutre soluble et sesquioxydes de fer, et cet acétate dissous vient mordancer les parties blanches environnantes.

 

Ces effets sont encore augmentés par l’incomplète décomposition qu’éprouvent en certains points les mordants sur tissu.

 

Si la chaleur et l’humidité ne sont pas très régulièrement réparties dans la chambre d’oxydation, il peut arriver, en effet, que certaines places de la pièce ne subissent qu’une altération peu avancée, qui laissera au mordant une grande partie de sa solubilité.

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Ainsi le simple dégommage à l’eau expose: 

 

1)   à la production de nuances raclées, irrégulières;

2)   à l’altération des blancs.

 

Depuis longtemps les fabricants d’indiennes sont parvenus à neutraliser les inconvénients du dégommage, en remplaçant l’eau par un bain tiède de bouse de vache. Celle-ci par l’action des sels minéraux et des matières organiques fixes qu’elle renferme, détermine la saturation complète du mordant, la précipitation des oxydes métalliques, et s’oppose en outre à ce que l’oxyde qui se détache ne puisse venir adhérer et altérer les blancs.

 

L’usage de la bouse de vache semble déjà ancien. Les indienneurs suisses l’employaient au milieu du XVIIIe siècle et J.-M. Hausmann signale les avantages de ce produit dans le dégommage vers 1790.

 

D’après M.D. Koechlin, l’opération du bousage a pour but:

 

1)   de déterminer l’entière combinaison des sous-sels alumineux avec
      l’étoffe, en séparant l’acide acétique non volatilisé pendant la
      dessiccation; 

2)   de dissoudre et enlever une partie des substances qui auraient servi
      d’épaississant; 

3)   de séparer de l’étoffe la partie du mordant non combiné et qui se

      trouve interposée dans l’épaississant; 

4)   d’empêcher, par la nature de substances qui composent la bouse, que
      le mordant non combiné, ainsi que l’acide acétique dont le bain fini par
      être chargé, ne se portent sur les parties blanches de la toile.

 

M. Camille Koechlin explique ces résultats par la double intervention des matières organiques albuminoïdes qui possèdent le pouvoir de masquer les propriétés précipitantes des sels alumineux et des sels de fer. Lorsque ce pouvoir masquant est saturé, les phosphates de la bouse précipitent le mordant qui se dissout; enfin, lorsque les phosphates solubles ont eux-mêmes disparu, le bain de bouse cesse lui-même d’être actif. Il ne faut pas négliger dans la théorie du bousage l’effet utile des parties insolubles de la bouse, dont le rôle peut être à la fois chimique ou saturant par les phosphates et carbonates alcalinoterreux et mécaniques.

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Le bain de boue se monte ordinairement avec 30 l de bouse de vache pour 1.600 à 2.000 l d’eau. La bouse provenant d’une nourriture verte et surtout de betteraves est moins avantageuse que celle des fourrages secs.

 

Il est difficile de déterminer le nombre de pièces que l’on peut passer dans un volume donné de bain. Il dépend de la force et de l’acidité des mordants ainsi que de la nature des dessins, et varie de 20 à 60. La durée de l’immersion doit être modifiée suivant la concentration des mordants et la nature de l’épaississant. La température se règle aussi d’après les mêmes données. Ainsi, avec l’amidon et la farine, elle doit être plus élevée que pour les gommes. Elle varie de 45 à 100 °C.

 

Les genres dont l’impression est chargée et dont les mordants sont épaissis à l’amidon ou à la farine sont ordinairement bousés à deux reprises, avec un dégorgeage intermédiaire.

 

Un mordant fort et acide est plus difficile à bouser et à dégorger qu’un mordant neutre.

 

Dans certains cas, lorsqu’on passe en bouse des toiles plaquées de mordants forts ou à des dessins chargés, on ajoute de temps à autre un peu de craie ou de bicarbonate de potasse; autrement, lorsque le bain est devenu acide, le mordant des dernières pièces est en partie redissous.

 

Une température trop élevée du bain et une trop grande quantité de bouse nuisent aux mordants faibles, notamment aux roses.

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La manière d’immerger les toiles en bouse est une opération importante. Il est nécessaire que les pièces passent d’une manière régulière et continue, sans plis, bien étendues, et aussi vite que possible. Il en résulterait autrement des inégalités et des teintes appauvries.

 

On a cherché à remplacer la bouse par divers produits tels que le son de froment, le sel à bouser (phosphate ou arséniate de soude, 50 à 80 g/hl).

 

Dans ces derniers temps, le silicate de soude a réussi à détrôner la bouse. Son action est essentiellement saturante. Il fixe toute l’albumine du mordant en la précipitant sur les fibres avant qu’elle ait eu le temps de se détacher.

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  Exemples de bousage au silicate pour les articles garancés

 

Les pièces passent en 2 mn par deux cuves chauffées à 40 °Ré et contenant chacune:

 

1)   pour les fonds blancs avec puce et rouge, noir et rouge, puce seul,
      rouge seul, roses: 2.800 l d’eau, 85 l de silicate de soude à 10 °B; 

2)   pour les violets et noirs, les noirs seuls et les violets seuls: 2.800 l
      d’eau, 60 l de silicate de soude à 10 °B.

 

Si après teinture les pièces devaient devenir trop foncées, on leur ferait subir un deuxième bousage dans une cuve de teinture avec 36 l de bouse pour 500 m de tissu en laissant 30 mn à 30 ou 45 °Ré.

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  Exemples de bousage à la boue pour les articles garancine

 

On bouse deux fois toutes les pièces oxydées de l'article garancine pour noir, violet, gris, cachou, rouge et puce.

 

  1er bousage - La pièce passe successivement par trois cuves à roulettes
     en 2 mn, montées avec:

 

     Dans la première cuve: 

     •   eau : 1.400 l;

     •   craie : 12,6 kg;

     •   bouse : 40 kg;

     •   Réaumur : 30 °.

 

     Dans les 2e et 3e cuves: 

     •   eau : 2.800 l;

     •   bouse : 35 kg;

     •   quercitron : 11-14 kg;

     •  Réaumur : 65 °.

 

  2e bousage. Il se fait dans une seule cuve dans laquelle on peut

     prendre 12 pièces à la fois pendant 1/2 h à 50 °Ré. Elle renferme: 

     •   eau : 1.200 l;

     •   bouse : 20 kg;

     •   quercitron : 6 kg;

     •   sumac : 2 kg.

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Pour puce seul, noir seul, gris et puce seuls, rouge et noirs seuls, puce et rouge seuls, puce et noir, puce et cachou, puce et violet, le premier bousage se donne dans les trois cuves à roulettes montées avec:

 

Dans la première cuve: 

  eau : 1.400 l;

  bouse : 30 kg;

  craie : 10 kg;

  Réaumur : 30 °.

 

Dans les 2e et 3e cuves: 

  eau : 2.800 l;

  bouse : 25 kg;

  quercitron : 23,5 kg;

  Réaumur : 65 °.

 

Le second bousage se fait dans une cuve, douze pièces à la fois: 

  eau : 1.200 l;

  bouse : 25 kg;

  quercitron : 10 kg;

  Réaumur : 59 ° (30 mn).

 

Pour puce et violet seuls, on prend un peu moins de quercitron.

 

Quant aux cuves qui servent au bousage, un simple coup d’œil sur les Figures 1 et 2 donnera une idée de leur disposition.

 

Figure 1. Coupes verticales et horizontales de deux cuves à bouser accouplées:

Fig 1

A,B,C,DA,B,C,D, cuves en bois rectangulaires contenant 8 à 10.000 l de liquide chauffé à la vapeur. Le tissu tendu passe dans les bains sur une série de rouleaux tenseurs et conducteurs.

 

À l’extrémité de la dernière cuve se trouvent deux cylindres en bois E, et B, entre lesquels le tissu doit passer et qui, avec les tourniquets T, déterminent la circulation.

 

Dans l’appareil de la Figure 2, le tissu circule horizontalement dans le bain de boue ou de silicate A. il est également tendu par des roulettes et passe entre deux cylindres exprimeurs E.

Fig 2 I_139

 

 

  

  Garançage ou teinture en garance

 

La teinture en garance réclame des soins tout particuliers, et il est nécessaire, lorsqu’on opère en grand, de bien connaître toutes les conditions de succès pour obtenir les nuances les plus nourries, les plus vives, les plus unies et les plus solides, tout en utilisant la matière colorante. Dans la pratique, lorsqu’il s’agit de réaliser une nuance déterminée et d’une intensité constante, le fabricant doit tenir compte des variables qui ont une influence sur le résultat, telles que la composition des eaux dont il se sert, la richesse et la nature des matières tinctoriales.

 

En remplaçant la garance par la fleur et la garancine, on évite les dangers résultant des irrégularités dans le mode de chauffage, de la nature des vases et d’une foule d’autres circonstances. 

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Généralement, la fleur peut remplacer la garance pour tous les genres destinés à l’avivage. Cependant, pour certains d’entre eux, on préfère la garance; ainsi pour les triples roses. La fleur sert à la teinture des violets et des noirs. Pour les rouges et noirs, on emploie un mélange de fleur et de garance. La fleur mélangée de garance donne un noir plus intense que si elle est seule.

 

Le garançage se fait dans des caisses de bois chauffées à la vapeur et surmontées d’un tourniquet animé d’un mouvement de circulation continu et sur lequel la pièce passe au large, afin de renouveler les points de contact entre le bois et la toile. Cette cuve, dont les dessins ci-dessous donnent une idée, sert également pour le bousage, le passage en son et au savon.

Fig 3

Figure 3. Vue perspective de la cuve de teinture.

Fig 4

Figure 4. Coupe verticale perpendiculaire à l’axe.

 

A, caisse rectangulaire en bois ou en fer de 2 à 3 m de long sur 1 à 1.5 m de large et 2 m de hauteur. B, tourniquet. La cuve est partagée, dans le sens de sa longueur, en deux compartiments communicants au moyen de la cloison incomplète a, des planches b,b, perces de trous partagent l’espace longitudinal en plusieurs compartiments transversaux.

 

C,C, couvercles à charnières pouvant se relever ou s’abaisser. D,E, rouleaux mobiles et creux en cuivre sur lesquels passent les pièces après avoir quitté les compartiments b. F, tuyau de vapeur percé de trous. I, robinet régulateur du chauffage. À chaque compartiment correspondent deux pièces liées bout à bout et passant en haut sur le tourniquet, en bas sur les rouleaux E,D. Pendant la teinture, les pièces sont constamment mises en mouvement de circulation.

 

La Figure 5 représente une coupe d’une cuve à teindre analogue à la précédente, mais dans laquelle, vu la longueur des pièces, le mouvement de circulation est favorisé par l’addition de deux rouleaux supplémentaires m,m.

Fig 5 I_139

 

 

  

  Genres garancés ordinaires

 

Le tissu est bousé est lavé au clapot pendant 30 mn.

 

1)  Fond blanc avec dessins rouges et noirs.

 

Pour 900 m de tissu (9 pièces de 100 m se teignent à la fois dans une cuve): 

  10 kg de fleur de garance;

  10 kg de garance;

  1.200 l d’eau.

 

Faire monter la température régulièrement de 15 à 65 °Ré durant 2 h et maintenir 30 mn au point extrême. Pour un dessin plus chargé, on prendra 25 kg de fleur et 25 kg de garance pour la même quantité d’eau.

 

2)  Fond blanc avec dessins violet, rouge, noir, dessin peu chargé: 

  14 kg de fleur de garance;

  14 kg de garance;

  1.200 l d’eau.

 

Dans toutes ces opérations, on peut substituer la fleur à la garance sans inconvénient majeur, en se rappelant que la fleur a un pouvoir tinctorial double de la garance. Après la teinture, on lave 1 h au clapot.

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Genre garancine. Dans la teinture en garancine, on ajoute souvent par économie une certaine proportion de bois de Lima, de sapan et de sumac.

 

Les pièces qui renferment beaucoup de puce restent 2 h dans la cuve; celles où le rouge, le violet, le gris, le noir et le cachou dominent y restent 2 h 30 mn.

 

Exemple: pour 12 pièces à fond rouge avec noir et puce: 

  garancine : 9 kg;

  bois de sapan : 6 kg;

  sumac : 3 kg;

  Réaumur : monter de 30 à 62 °.

 

On lave au clapot après teinture pour enlever les parties de poudre adhérentes.

 

La teinture en alizarine commerciale se fait dans les mêmes conditions qu'avec la garancine; on ne l'emploie que lorsque les violets dominent.

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  Avivage

 

Les couleurs obtenues avec la garancine et l’alizarine commerciales sont assez pures et assez belles pour se passer d’opérations dirigées dans le but d’en rehausser l’éclat.

 

Il suffit de bien laver et d’amener le fond blanc à toute la pureté désirable.

 

Les articles garancine sont passés en son ou en savon.

 

On passe en son les pièces à fond puce sans autre couleur, et les fonds blancs sans violet. Cette opération sert à rendre les couleurs plus belles.

 

Exemple: pour fond puce sans violet, on prend, pour 18 pièces: 

  eau : 1.200 l;

  son : 9 kg;

  bouse : 2,5 kg;

  Réaumur : 30 à 45 °, 30 mn.

 

Les pièces passées au son ne sont pas savonnées. Après le son, on lave pendant 30 mn au clapot.

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Passages en savon. On savonne toutes les pièces de l’article garancine qui ont du violet, tant pour le mieux fixer que pour le rendre plus vif.

 

Pour les pièces qui sont imprimées avec beaucoup de violet, on prend: 

  eau :  1.320 l;

  savon blanc : 8 kg;

  Réaumur :  80 °, durée 1 mn.

 

Chlorage. Le lavage, le passage en son ou en savon ne suffisent pas pour blanchir complètement les parties non mordancées réservées par la gravure, et qui ont fixé, néanmoins une certaine proportion de matière colorante, moindre il est vrai qu’avec la garance.

 

Les pièces de l’article garancine sont chlorées deux fois. Le premier chlorage, dit à la vapeur, consiste à imprégner la fibre d’une solution très faible de chlore, le tissu passe ensuite par une grande cuve ou caisse contenant de la vapeur d’eau.

 

La chaleur humide détermine l’action oxydante du chlore et la destruction de la faible proportion de matière colorante qui adhère au blanc. Le bain de chlore doit être assez faible pour que le tissu ne puisse être attaqué et que l’intensité des couleurs n’en souffre que d’une manière inappréciable.

 

Dans le deuxième chlorage, la pièce, humectée une seconde fois au chlore, passe tendue sur une douzaine de tambours chauffés à la vapeur; elle se sèche et achève ainsi de se blanchir.

 

Exemple: pièces renfermant beaucoup de violet.

 

  Solution pour le 1er chlorage: 

    •   eau : 50 l;

    •   eau de chlore : 2 l;

    •   bleu d'outremer : 16 g.

 

  Solution pour le 2e chlorage: 

     •   eau : 16 l;

     •   eau de chlore : 2 l;

     •   bleu d'outremer : 2,240 kg.

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Exemple: pièces avec beaucoup de rouge.

 

  Solution pour le 1er chlorage: 

     •   eau : 40 l;

     •   eau de chlore : 2 l;

     •   bleu d'outremer : 15 g.

 

  Solution pour le 2e chlorage: 

     •   eau : 40 l;

     •   eau de chlore : 2 l;

     •   bleu d'outremer : 1,120 kg.

 

Les mêmes couleurs ci-dessus mentionnées, avec fond blanc, reçoivent le même chlorage, mais on supprime l’outremer.

 

Le chlorage des articles garancés a été employé pour la première fois dans la maison Blech, Steinbach et Mantz dès 1847.

 

Dans le blanchiment par le chlore des pièces teintes en garancine, une circonstance heureuse a permis d’opérer avec une grande régularité. On observe que les parties non imprimées se mouillent plus que celles qui sont teintes. Il en résulte que le chlore agit avec plus d’intensité sur le blanc.

 

Souvent on remplace l’eau de chlore par une solution de chlorure décolorant en fournissant en moyenne 12 cl de chlorure à 8 °B par mètre de tissu.

 

Il est plus avantageux de plaquer au rouleau mille points que de foularder.

 

Le chlorure est employé à ½, 2 ou 3 °B, suivant la gravure et le mode de séchage.

 

Après le chlorage, il ne reste plus qu’à apprêter avec de l’empois de fécule, d’amidon ou des deux à la fois.

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  Avivage des articles garancés

 

Au sortir du bain de garançage, les fonds sont chargés de couleur et les nuances sont ternes. Pour arriver aux beaux produits de l’industrie moderne, on fait subir aux pièces garancées une série d’opérations connues sous le nom d’avivage.

 

À la fin du XVIIIe siècle, les pièces dégorgées étaient exposées durant des semaines sur pré, à l’action de la lumière et des influences atmosphériques. Lorsqu’elles commençaient à s’affaiblir, on les reprenait pour les faire bouillir en eau de son.

 

Ce n’est que par des découvertes successives amenées par de nombreux essais, quelques fois par le hasard, que l’on a été conduit aux procédés usités généralement de nos jours, et dont nous allons donner une courte description.

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  Avivage des roses et des rouges seuls

 

Il varie d’une fabrique à l’autre. On fait cependant généralement intervenir les bains de savon, le passage en bain acide de nitromuriate d’étain et l’on termine par une ébullition en chaudière clause avec des cristaux de soude et du savon. Exemple:

 

1)     passage au savon – 1.200 l d’eau, 900 m de tissu, 4 kg de savon
        blanc de Marseille, 45 °Ré, 75 mn; 

2)     lavage au clapot; 

3)     passage au nitromuriate d’étain. 800 l d’eau, 300 m de tissu, 1,5 l
        de nitromuriate, 45 à 50 °Ré, 15 à 20 mn; 

4)     passage au clapot; 

5)     deuxième savon. Comme le premier, en prenant 3 kg de savon pour
        1.200 l d’eau et 900 m de tissu, 75 °Ré, 45 mn; 

6)     lavage au clapot; 

7)     troisième savonnage, comme le deuxième; 

8)     lavage au clapot; 

9)     ébullition en chaudière close, 1.200 l d’eau, 2.5 kg de soude, 2,5 kg
        de savon, pendant 2 h; 

10)   lavage au clapot; 

11)   passage en eau chaude à 40 °Ré, 30 mn.

 

L’exposition sur pré se pratique encore pour les triples roses meubles; on obtient des nuances plus transparentes.

 

Au premier savon, la pièce se dégorge et cède au bain une certaine quantité de matière colorante; en même temps, une partie de l’acide gras se précipite sur le tissu en communiquant à la laque une plus grande solidité.

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Le traitement au nitromuriate fait virer à l’orangé les rouges et les roses; mais le passage ultérieur en savon, les teintes reviennent avec un éclat qu’elles ne possédaient pas auparavant. Avivage des violets, des puces et des noirs sans rouge.

 

Cet avivage ne comporte pas l’emploi du nitromuriate d’étain.

 

1)     Passage en chlorure de chaux – 800 l d’eau, 900 m de tissu, 4 l de
        chlorure de chaux à 8 °B, 30 à 40 °Ré, 15 mn; 

2)     lavage au clapot; 

3)     savonnage, 1.200 l d’eau, 900 m de tissu, 4.5 kg de savon, 70 °Ré,
        45 mn; 

4)     passage au clapot; 

5)     passage au chlorure de chaux, 20 mn, 40 à 50 °Ré, comme le
        premier; 

6)     lavage au clapot; 

7)     deuxième savonnage, 50 m de tissu, 1 200 l d’eau, 2 kg de savon, 75
        °Ré, 20 mn; 

8)     lavage au clapot; 

9)     passage au chlore de potasse, 1.200 litre d’eau, 500 m de tissu, 4 kg
        de carbonate de soude, 10 l de chlorure de potasse, 45 °Ré, 20 mn; 

10)   lavage au clapot et séchage.

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  Avivage des rouges avec puce et noir

 

1)     Passage au chlorure de chaux. 800 l d’eau, 300 m de tissu, 4 l de
        chlorure de chaux à 8 °B, 25 à 35 °Ré, 15 mn; 

2)     lavage au clapot; 

3)     premier passage en savon, 1.200 l d’eau, 900 m de tissu, 4 kg de
        savon, 35 à 45 °Ré, 45 mn; 

4)     lavage au clapot;

 

Si le noir est encore assez fort, on donne un passage en nitromuriate d’étain, sinon on passe en chlorure de chaux à 8° à 35 °Ré, 20 mn.

 

5)     800 l d'eau, 300 m de tissu, 4 l de chlorure de chaux de 8 à 35 °Ré,
        20 mn; 

6)     lavage au clapot; 

7)     deuxième savonnage. 1.200 l d'eau, 900 m de tissu, 3 kg de savon,
        75 °Ré, 45 mn; 

8)     lavage au clapot; 

9)     troisième passage en savon, comme le deuxième; 

10)   lavage au clapot; 

11)   quatrième passage en chlorure de chaux. 300 m de tissu, 800 l d’eau,
        1,250 kg de cristaux de soude, 5 l de chlorure de chaux à 8 °B, 40
        °Ré, 30 mn. 

12)   lavage et séchage.

 

L’avivage des violets, rouges et noirs est le même; seulement, au lieu de donner le dernier passage en chlorure de chaux, on donne le passage en chlorure de potasse suivant: 

  tissu : 900 m;

  eau : 1.200 l;

  cristaux de soude : 4 kg;

  chlorure de potasse : 10 l à 6 °B;

  Réaumur : 30 à 35 °, 20 mn.

 

Les pièces séchées sont cylindrées puis appétées avec de l’empois de fécule et du bleu d’outremer; on sèche et on cylindre une seconde fois. Pour les fonds violets, on prend plus d’outremer que pour les autres couleurs.

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  Application du colorant de la garance par voie d'impression

 

Ce genre représente un mode tout spécial d’obtenir les couleurs garancées sur le tissu.

 

1)   Au lieu de fixer le mordant sur certains points de la pièce et d’immerger
      celle-ci complètement dans un bain de teinture, on s’arrange de façon
      à imprimer la matière colorante dans un état de solution convenable.

 

Dans certains cas , la couleur à imprimer peut ne renfermer que la matière colorante, et le tissu doit être uniformément préparé au mordant.

 

2)   La couleur contient la matière colorante et l’oxyde qui servira de
      mordant, c’est-à-dire les éléments de la laque qui doit se fixer; 

3)   la couleur renferme la laque insoluble préparée d’avance, avec un
      fixateur plastique qui la fera adhérer.

 

Dès 1827, on a tenté des efforts en vue d’appliquer directement par impression les matières colorantes de la garance. MM. Robiquet, Colin, Lagier, Persoz, Gastard, Fauquet ont successivement abordé la question.

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En 1855, M. A. Hartmann de Mulhouse a fait, avec le concours de la maison Schwartz Huguenin, des essais sérieux dans cette voie. Mais ce n’est que depuis quelques années que, grâce aux travaux des chimistes de la maison de Cosmanos et de la fabrique de M. Scheurer, grâce aussi à la production des extraits de garance très purs livrés par MM. Kopp, Schaaff et Lauth et Meissonier que l’on imprime couramment les matières colorantes de la garance sur tissu non mordancé.

 

La couleur à imprimer se compose d’une solution acétique d’alizarine additionnée d’acétate d’alumine ou de fer et épaissie à l’amidon. Après l’impression, on laisse quelque temps les pièces suspendues à l’air, puis on vaporise. Ce genre rentre donc dans les couleurs vapeurs.

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  Rouge turc ou rouge d’Andrinople

 

Il nous reste à parler, pour compléter l’histoire des genres dérivés de la garance, du rouge turc, qui occupe une place à part par la nature des éléments qui concourent à sa formation et par l’éclat et la solidité de la nuance.

 

Ce mode de teinture a pris naissance dans l’Inde.

 

Avant de mordancer en alumine, on prépare le tissu au moyen d’un corps gras (huile tournante) que l’on modifie ensuite convenablement par l’action combinée ou successive des carbonates alcalins, de la chaleur, de la lumière et des influences atmosphériques.

 

Le produit de l’altération spéciale de l’huile tournante fonctionne déjà comme mordant et attire en bain de garance pour donner un rouge moyen qui, après avivage, passe au rouge pur. Combiné avec de l’alumine ou l’oxyde de fer, il communique à la laque des caractères remarquables de solidité qui permettent un avivage très intense. Dans la plupart des procédés de rouge turc, le mordançage à l’alumine est suivi d’un engallage.

 

La teinture en garance n’offre rien de particulier.

 

L’avivage est beaucoup plus énergique et plus long que l’avivage ordinaire. Il se donne en chaudière close avec du savon ou du carbonate alcalin et du chlorure stanneux. Ce traitement que ne supporteraient pas les garancés non huilés, a pour résultat de communiquer à la couleur une nuance feu extraordinairement belle. La Figure 6 représente la chaudière close servant à l’avivage des rouges d’Andrinople:

Fig 6

A, coté de la chaudière principale A, s’en trouve une autre mise en communication avec elle par le tube coudé P, muni du robinet I. Les chaudières A, et B, contiennent un double fond D, supporté en E.

 

La vapeur, pénétrant au-dessous du fond D, traverse les orifices dont il est percé et se répand dans le tissu superposé. M,M, soupapes de sûreté. N, robinet pour l’écoulement de la vapeur au dehors. Chaque chaudière présente en outre un robinet de vidange.

 

En résumé, cet appareil fonctionne comme deux chaudières closes d’avivage, dont l’une est chauffée à feu nu, et l’autre par la vapeur issue de la première.

 

La clef de la fabrication du rouge d’Andrinople réside donc dans l’intervention d’un corps gras et dans la modification toute spéciale qu’on lui fait subir.

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Cette altération s’obtient par une série d’opérations longues et dispendieuses. Quelques fabricants, notamment M. Steiner de Manchester, sont parvenus à abréger beaucoup la durée du traitement et à réaliser ainsi une grande économie de temps, tout en produisant des nuances supérieures.

 

On ignore encore quelle est la nature exacte de l’altération de la graisse et par quelle série de transformations elle devient apte à jouer un rôle aussi utile.

 

Voici comment on procède généralement: les pièces blanchies sont foulardées dans une émulsion d’huile tournant et de carbonate alcali, appelée bain blanc. On dessèche à l’étuve chaude, puis on expose sur pré. Cette opération est répétée plusieurs fois jusqu’à ce que le tissu soit suffisamment chargé de corps gras modifié. On le débarrasse de l’excès de graisse en le foulant dans une solution de carbonate alcalin, puis on mordance à la manière ordinaire; on passe en bain de noix de galle ou de sumac; on lave et on teint en garance. Reste l’avivage. On avive plusieurs fois (2 ou 3 fois) toujours en chaudière close et à une pression convenable. Le premier avivage se donne dans un bain de savon et de carbonate de potasse; les deux autres, dans un bain de savon et de sel d’étain.

 

Voici un exemple de fabrication pour 1.000 kg de coton il faut: 

  huile tournante : 585 à 650 kg;

  eau : 1.500 l;

  carbonate de potasse : 9 à 10 kg;

  après l’immersion, on met les pièces en tas dans un endroit frais
      pendant  10 à 12 h;

  puis on sèche à l’étendage à 60 °C;

  ces opérations se répètent de 7 à 8 fois.

 

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  Couleurs solides

 

À la suite de la fabrication des articles garancés qui forment la base de l’industrie de l’indienne, nous traiterons de l’application de quelques autres couleurs solides sur coton, telles que le cachou, l’indigo, le noir d’aniline, le quercitron, la gaude, les couleurs métalliques.

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  Genres dérivés du cachou

 

Le cachou fut employé pour la première fois en Europe en 1806, par MM. Schœppler et Hartmann, comme couleur brune, pour accompagner les nuances garancées. Leur procédé, publié par Dingler, ne fut pas adopté, et ce n’est qu’en 1829 que l’usage de ce procédé pour l’impression du coton commence à prendre de l’importance.

 

Les principes sur lesquels repose la fixation du cachou sont les suivants: le cachou du commerce renferme comme principe essentiel une matière incolore, soluble dans l’eau, les lessives alcalines et l’acide acétique. La catéchine, c’est le nom qu’on lui donne, étant soumise à diverses actions oxydantes, se convertit en principes insolubles bruns. On conçoit donc qu’en imprégnant la fibre textile d’une solution de ce principe colorant, et en la soumettant ensuite à l’influence des oxydants convenables, la matière brune insoluble se formera dans les pores mêmes du tissu et se trouvera parfaitement fixée.

 

Cette oxydation peut s’effectuer:

 

1)   par simple exposition du tissu à l’air; 

2)   d’une manière plus rapide par le vaporisage;

 

Dans les deux cas, on favorise l’oxydation en introduisant dans la couleur à imprimer des agents oxydants qui ne produisent leur effet qu’à la longue ou pendant le vaporisage (sel de cuivre).

 

3)   par un passage en solution alcaline qui exalte l’affinité de la catéchine
      pour l’oxygène; 

4)   par un passage en solution de bichromate; 

5)   Quelquefois on combine deux de ces procédés. Ainsi le vaporisage et le
      passage en chromate, l’aérage et le vaporisage;

 

Il est évident que, pour des impressions avec cachou seul, le fabricant choisira le mode opératoire le plus prompt et le plus complet, qui est sans contredit le passage au chromate; mais si le cachou est associé à d’autres nuances, il faut nécessairement adopter le procédé convenant à ce cas complexe, c’est-à-dire celui qui ne peut nuire à l’intégrité des couleurs associées. On modifie la nuance propre donnée par le cachou en introduisant divers sels ou préparations métalliques, telles que les sels de fer, de manganèse, etc.

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D’après les expériences de MM. Koechlin et Mathieu Plessy, le chlorhydrate d’ammoniaque favorise beaucoup l’oxydation des matières colorantes par les sels de cuivre. Les plus anciennes formules de cachou renferment déjà, comme moyen de fixation, un mélange de sel de cuivre et de chlorhydrate d’ammoniaque. Il se forme probablement par double décomposition du chlorure cuivrique. La matière colorable réduit celui-ci à l’état de chlorure cuivreux, qui reste en solution à la faveur du sel ammoniac. Il se réoxyde à l’air et devient susceptible d’agir sur une nouvelle portion de matière organique.

 

C’est vers 1832 que l’on commença à oxyder le cachou par le bichromate de potasse dans la maison Frère Koechlin.

 

Les nuances foncées sont vaporisées avant d’être foulardées en chromate. La dissolution de ce sel doit être assez active pour empêcher le coulage de la couleur. On atteint ce résultat par une concentration et une élévation de température convenable. Pour les nuances claires, on remplace le vaporisage par une simple exposition à l’air.

 

Le passage en chaux pour oxyder les pièces imprimées en cachou est moins favorable que les autres procédés. On l’emploie dans le cas où l’on imprime en même temps d’autres nuances se fixant à la chaux, telles que le bleu solide. Les couleurs cachou s’associent souvent aux nuances dérivées de la garancine, elles sont remarquables par leur solidité, leur résistance aux alcalis, au savon, aux acides, au chlore.

 

Voici quelques exemples de couleurs cachou d’impression: 

  cachou : 6 kg;

  soude à 10 °B : 8 l;

  eau : 8 l.

 

Épaissir à la gomme, vaporiser et oxyder par un passage en chromate (5 à 7 g de bichromate par litre d’eau, température 60 à 70 °Ré, 20 mn): 

  cachou : 6 kg;

  acide acétique, 7 °B : 12 l;

  eau : 4 l.

 

Épaissir à la gomme, vaporiser et oxyder en chromate: 

  cachou : 10 kg;

  acide pyrolygnite : 12 l;

  acétate de chaux à 7 °B : 5 l;

  acétate de manganèse à 30 °B : 5 l;

  gomme : 7,5 kg.

 

Vaporiser et oxyder en chromate.

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  Cachou à garancer

 

  cachou : 14 kg;

  eau : 18 l;

  sel d’ammoniac : 5 kg;

  azotate de cuivre : 3,375 kg;

  acide acétique 7 °B : 13 l;

  acétate de chaux : 9 l;

  gomme : 15 kg;

  pyrolignite à 10 °B : 1 litre.

 

On fixe à la chambre à oxyder, on bouse, puis on teint à la garance. Ce cachou s’imprime à côté des mordants.

 

Pour les fonds cachou, on peut procéder de quatre manières différentes: on imprime un mélange de décoction acétique de cachou et de pyrolignite de fer, on laisse oxyder pendant 24 h et on passe en chromate.

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  Couleur mère

 

  cachou jaune : 100 g;

  eau : 2 l;

  acide acétique à 8 °B : 100 g;

  gomme : 1 kg.

 

1)   Sur 100 l couleur mère, on prend 1 l de pyrolignite de fer à 10 °Ré;
      pour une nuance plus claire, on étend encore de 4 l d’eau de gomme.
      Après l’impression du fond on laisse oxyder 24 h et on passe en
      chromate (1 l d’eau, 5 g de bichromate, 75 °Ré, 2 mn dans une cuve à
      roulettes); laver 30 mn au clapot; 

2)   imprimer une décoction de cachou sans fer et procéder comme
      ci-dessus; 

3)   on imprime le mordant nankin suivant: 

      •   sulfate ferreux : 2 kg;

      •   acétate de plomb : 1,5 kg;

      •   eau : 2 l.

 

À 2 l de cette préparation, séparée du sulfate de plomb, on ajoute 1,250 kg de léïocme et on l’on a la couleur mère que l’on étend de 7 à 45 l d’eau de léïocome selon la nuance. Après l’impression, on oxyde pendant 24 h à l’étendage, on passe en silicate, on lave et on teint en cachou. Pour 50 m de tissu, on prend: 

  eau : 150 l;

  décoction de cachou à 180 g / litre : 3 l.

 

On monte de 15 à 60 °Ré, on passe au chromate, on lave et on sèche.

 

4)   on imprime et on fixe par les procédés ordinaires un mordant rouge; on
      teint en cachou et on passe au chromate;

 

Pour les fonds modes: a) on imprime un mélange de cachou ou de pyrolignite de fer et l’on passe dans un bain de bichromate à 45 °Ré; ou b) on imprime le mordant nankin, on teint en cachou comme ci-dessus, mais on ne passe pas en chromate.

 

5)   on imprime un mélange de cachou et de mordant nankin; après
      l’impression, on laisse oxyder pendant 24 h, on vaporise 30 mn à
      deux atmosphères, on lave au clapot et on sèche.

 

Les procédés de fixation du cachou, au moyen des sels de cuivre ou du chromate s’appliquent aussi à la teinture et à l’impression de la soie et de la laine. Les teintes que l’on peut réaliser avec le cachou sont les diverses nuances de brun, l’olive, les bois foncés et clairs, les carmélites, les jaunes plus ou moins brunâtres.

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  Genres dérivés de l’indigo

 

L’indigotine ou matière colorante de l’indigo ne peut se fixer qu’à condition d’être amenée à l’état soluble. On atteint ce but de deux manières:

 

1)   l’indigotine bleue est transformée en indigo blanc soluble à la faveur des
      alcalis ou de la chaux. Cette solution, étant mise en présence de la fibre,
      lui cède l’indigo blanc, qui se fixe et passe au bleu par une oxydation
      ultérieure; 

2)   on combine l’indigotine avec les éléments de l’acide sulfurique pour
      former l’acide sulfindigotine. À vrai dire, on obtient ainsi une nouvelle
      matière colorante, qui n’est plus apte à régénérer l’indigotine.

 

Les méthodes de réduction varient avec la nature de la fibre. Pour le coton on emploie toujours l’oxyde ferreux, et l’on monte, les cuves de teinture avec un mélange d’indigo broyé à l’eau, de vitriol de fer exempt de sulfate de cuivre et de la chaux éteinte.

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La chaux déplace l’oxyde ferreux en formant du sulfate de chaux. L’oxyde ferreux réduit l’indigotine en passant lui-même à l’état d’oxyde ferrique hydraté et de sulfate de chaux. C’est dans le liquide clair surnageant que l’on plonge les pièces à teindre.

 

Pour la laine on fait usage de cuves où la réduction de l’indigo se fait par suite d’une fermentation butyrique, provoquée par un mélange de matières sucrées et azotées en présence d’un alcali.

 

Ainsi on fait intervenir le pastel, le vouède, le son, la garance, les alcalis, la chaux, l’ammoniaque.

 

Ces cuves fonctionnent à chaud.

 

Avec le sulfate de fer et la chaux la réaction s’opère à froid, mais elle est favorisée par une légère élévation de température. Quant aux proportions employées, elles sont variables, et dans chaque établissement on trouve d’autres règles admises. Lorsqu’une cuve doit servir à la teinture, il convient d’exagérer les quantités de chaux et de sulfate de fer indiquées par la théorie, l’excès de chaux et d’hydrate ferreux restés dans le dépôt servent, chaque fois que l’on remue la cuve, à réparer les pertes éprouvées par l’oxydation au contact de l’air.

 

Les proportions généralement employées, sont: 

  indigo : 1 partie;

  sulfate ferreux cristallisé : 3 parties;

  chaux vive : 5 parties.

 

On mélange l’indigo bien broyé à l’eau avec le lait de chaux et on y verse peu à peu en remuant la dissolution de sulfate ferreux. On peut aussi délayer l’indigo dans la dissolution ferrugineuse et y verser peu à peu le lait de chaux. Le mélange opéré on le laisse en repos pendant quelque temps, en remuant jusqu’à ce que la nuance olivâtre de la masse annonce une réduction parfaite.

Fig 7

Le broyage de l’indigo se fait dans des appareils analogues à ceux de la Figure 7, au moyen de boulets en fer, mis en mouvement dans une chaudière à fond relevé vers le centre par l’intermédiaire d’un agitateur x,y,l. E, manivelle, m,n, roue d’engrenage conique, r, et o, balancier, l, axe de rotation, x,y, bras de l’agitateur.

 

Les Figures 8 et 9 représentent deux coupes d’un autre genre de moulin:

Fig 8

Le réservoir a, est demi-cylindrique, en fer, à bords élevés; il est fermé par un couvercle b, offrant une fente médiane et transversale, dans laquelle la tige c, peut aller et venir.

Fig 49

La tige c, reçoit son mouvement de balancier par l’intermédiaire de d. Elle porte à son extrémité inférieure un cadre e, sur lequel s’appuient six rouleaux en fer, trois de chaque côté. Le mouvement de va-et-vient imprimé au cadre pousse alternativement en avant l’un ou l’autre système de rouleaux, dont la friction détermine la pulvérisation.

 

Nous n’entrerons pas dans la description détaillée des dispositions que l’on peut donner à une cuve à la couperose et aux chambres destinées à l’immersion des pièces. Elle se compose ordinairement soit d’un grand cuveau en bois, soit d’une citerne en maçonnerie au ciment, enfoncée en terre; les bords ne dépassant que de 0,40 m la surface du sol. Leur forme est cylindrique ou parallélépipédique. Leur profondeur doit être suffisante pour que la pièce tendue sur le cadre d’immersion, dans le sens de sa largeur, reste encore à une certaine distance du dépôt.

 

Les bleus unis s’obtiennent par une simple immersion dans la cuve montée avec l’indigo réduit, comme il a été dit plus haut, et une quantité suffisante d’eau.

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Cette immersion est suivie d’une exposition à l’air (déverdissage). En variant la force de la cuve, ainsi que le nombre et la durée des immersions, on obtient à volonté des gradations de nuances, depuis le bleu le plus clair jusqu’à celui qui apparaît presque noir. Après les cuvages et déverdissages on passe en acide sulfurique à 1 ou 2 °B, et on rince à l’eau. Les fonds bleus cuvés peuvent être combinés avec des impressions blanches ou diversement colorées, et cela par deux méthodes distinctes. Tantôt on imprime, avant le cuvage, une préparation (réserve) capable de s’opposer à la fixation de l’indigotine. Tantôt, au contraire, on détruit l’indigo fixé en certains points déterminés par l’impression, au moyen d’agents chimiques convenables (enlevage).

 

Exemple de réserve pour gros bleu: 

  eau : 4 l;

  sulfate de cuivre : 1,210 kg;

  acétate de cuivre : 0,500 kg;

  azotate de cuivre : 0,875 kg;

  alun : 0,240 kg;

  terre de pipe : 2,125 kg;

  amidon grillé : 1,250 kg.

 

Les sels de cuivre oxydent l’indigo blanc avant qu’il n’ait pu pénétrer dans la fibre, la terre de pipe agit mécaniquement. Après le cuvage, qui exige quelques précautions particulières, on lave et on dissout la couleur réserve qui laisse du blanc.

 

Pour enlevage on plaque les pièces cuvées en solution de chromate: 

  eau : 2 l;

  chromate jaune : 0,5 kg.

 

On sèche et on imprime la préparation suivante: 

  acide tartrique : 3 kg;

  acide oxalique : 0.250 kg;

  amidon grillé : 4 kg;

  acide azotique : 0.5 kg;

  eau : 4 l.

 

Les acides chromique et azotique oxydent l’indigo fixé et le décolorent. On met les pièces à l’eau de craie aussitôt que le blanc paraît

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  Procédés permettant de fixer l’indigo par voie d’impression

 

1)   Bleu fayence.

 

La théorie de ce bleu d’impression est fort simple. On imprime de l’indigo bleu et on passe le tissu alternativement dans des cuves au vitriol vert et à la soude, qui produisent une réduction et une solution sur place de l’indigotine; enfin on passe en acide sulfurique et on laisse oxyder.

 

Composition de la couleur à imprimer.

 

a)  Bleu de provision: 

  indigo broyé : 4 kg;

  acétate de fer : 10 l;

  sulfate de fer : 1 kg;

  eau : 10 l;

  gomme sénégal : 6 kg.

 

b)  Couleurs à imprimer: 

  bleu de provision : 1 kg;

  acétate de fer à 7 °B, avec 700 g de gomme/litre : 2 kg;

  eau de gomme à 600 g/litre : 16 kg.

 

On laisse tremper le tissu imprimé et séché 15 mn dans une cuve à la chaux (12,5 kg de chaux, eau en quantité suffisante pour remplir la cuve); 15 mn dans le sulfate de fer à 7 °B; 15 mn dans une seconde cuve à la chaux; 15 mn dans le sulfate de fer; 5 mn en soude caustique à 14 °B; 30 mn en acide sulfurique (500 g par mesure d’eau); enfin on rince à l’eau.

 

2°)   Bleus et verts solides.

 

Les bleus et verts solides sont exclusivement employés de nos jours pour fixer l’indigo par voir d’impression. On commence par précipiter la partie claire d’une cuve forte à la couperose par une solution acide de protochlorure d’étain; ou bien on monte une forte cuve à l’étain et on la précipite par l’acide chlorhydrique. Le précipité est recueilli sur des chausses en laine et lavé.

 

La pâte épaissie à la gomme est imprimée et le tissu passé à la chaux, puis à l’eau. La chaux dissout notamment l’indigo réduit, lui permet de pénétrer dans la fibre où l’oxydation ultérieure le fixera.

 

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Le port de Marseille au XVIIe siècle.

 

 

Noir d’aniline. Le noir d’aniline d’impression sur coton ne rentre pas comme manipulation dans l’application des couleurs d’aniline en général. Il appartient aux couleurs éminemment solides, et par son mode de formation il peut se placer à côté de l’indigo. Il se forme directement sur le tissu coton par l’oxydation d’un sel d’aniline, dans des conditions spéciales se rapprochant beaucoup de celles qui donnent l’émeraldine. La découverte de cette nouvelle couleur est due à John Lighfoot, son emploi a été perfectionné par M. Lauth.

 

Pour l’impression: 

   on commence par préparer de l’empois d’amidon à 120 g/l;

   on y dissout à chaud du chlorate de potasse et du sulfate de cuivre;

  après refroidissement on ajoute du chlorhydrate d’aniline et de l’acide
      acétique ou tartrique;

  eau : 2,250 kg;

  amidon : 0,275 kg.

 

Cuire pour empois et y dissoudre à chaud: 

  sulfate de cuivre : 56 g;

  chlorate de potasse : 56 g.

 

Remuer jusqu’à refroidissement et ajouter: 

  chlorhydrate d’aniline : 175 g.

 

Imprimer, sécher à une douce température et exposer 36 à 48 h dans une chambre humide chauffée à 30 °C; enfin passer dans un bain de bichromate à 6 %. Ce noir est très beau et très solide, mais il offre dans l’application des inconvénients graves: 

 

1)   la couleur à imprimer ne se conserve pas;

2)   elle attaque les racles; 

3)   elle brûle facilement le tissu. M. Lauth, en substituant le sulfure de
      cuivre précipité au sulfate, a réalisé un perfectionnement important.

 

On prend, d’une part: 

  amidon : 500 g;

  sulfure de cuivre : 150 g;

  eau : 250 g;

  cuire ensemble.

 

D’autre part: 

  1/1 l de gelée de gomme adragante;

  amidon grillé : 650 g;

  eau : 925 gr;

  chlorate de potasse : 150 g;

  sel d’ammoniac : 50 g;

  chlorhydrate d’aniline : 400 g;

  cuire ensemble;

  mélanger les deux préparations à froid. L’oxydation et le développement
      du noir après l’impression est facile et se fait à la température normale
      des chambres d’oxydation (20 à 30 °C). Le noir obtenu est très solide.

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  Couleurs solides minérales

 

1)   Rouille et nuances dérivées du peroxyde de fer.

 

Les nuances rouille, nankin, aventurine, chamois, etc. , dérivées de l’application du peroxyde de fer hydraté sur tissu, s’obtiennent par deux procédés. On imprime un sel de peroxyde de fer et on déplace l’hydrate par un passage en soude caustique ou en chaux. On imprime sur le tissu de coton une solution épaissie d’acétate ferreux, que l’on traite comme lorsqu’il s’agit de fixer un mordant de fer pour violet garancé.

 

2)   Bistre.

 

Le bistre résulte de la formation sur tissu du peroxyde de manganèse brun. On imprime une solution épaissie de chlorure de manganèse; on passe en soude qui précipite de l’hydrate manganeux. Une exposition à l’air ou un passage en bain de chlore de chaux développe la nuance brune. Sur fond uni bistre on réalise facilement des dessins blancs, en imprimant une préparation contenant du protochlorure d’étain acide; celui-ci réduit le peroxyde et le ramène à l’état de sel de protoxyde soluble incolore.

 

3°)   Jaunes et orangés de chrome.

 

Pour l’impression des jaunes et des orangés de chrome, on commence par imprimer une couleur contenant de l’acétate et du nitrate de plomb, épaissie avec de la gomme ou un mélange d’amidon et d’amidon grillé. Après la dessiccation, on fixe l’oxyde de plomb par un passage en sulfate de soude à 9 °B et 80 °C ou en carbonate de soude à 10 °B et 67 °C; on lave, on passe en bichromate froid contenant 5 à 20 g de sel par litre (15 mn). Le fond est toujours jaunâtre, mais on arrive à le blanchir par une immersion en acide chlorhydrique tiède à 2 °B.

 

Ce procédé donne le jaune qui n’est guère usité. Pour faire tirer à l’orangé, il suffit de passer le tissu dans un bain bouillant contenant pour 2.600 l d’eau, 20 l de lait de chaux à 200 g de chaux par litre et 2 kg de bichromate (2 mn). Le bain doit être clair. On peut même négliger la teinture en jaune et passer immédiatement en chromate calcaire.

 

C41

Mule spinning Mill from barfoot's.

 

 

4)   Sulfure de cadmium.

 

On imprime une solution épaissie de sel de cadmium et on passe en solution de sulfure alcalin qui développe du sulfure de cadmium.

 

5)   Sulfure orangé d’antimoine.

 

En imprimant du sulfure double d’antimoine et de soude et en passant dans un bain acide, le tissu se charge aux parties imprimées de sulfure orangé d’antimoine.

 

6)   Sulfure jaune d’arsenic.

 

On imprime une solution ammoniacale d’orpiment ou trisulfure d’arsenic. Le tissu est exposé à l’air. À mesure que l’ammoniaque s’évapore, le sulfure d’arsenic se précipite et se fixe.

 

7)   Vert de chrome.

 

On obtient un vert pâle par la fixation de l’hydrate de chrome par voie de déplacement. Étant donné un sel de chrome, il suffit d’en imprégner la fibre et de mettre l’hydrate en liberté par un passage en carbonate de soude à 3 °B, à 40 °C. Le mordant arseniate suivant donne un vert plus vif qui se fixe par simple aérage: 

  bichromate de potasse : 100 parts;

  acide arsenieux : 98 parts;

  acide sulfurique : 80 parts;

  eau : 200 parts.

 

Il marque 66 °B. Étendu de 20 fois son volume d’eau il se décompose à 78 °C.

 

8)   Bleu vapeur.

 

Le bleu vapeur d’impression sur coton se forme par la décomposition de l’acide ferrocyanhydrique sous l’influence de la vapeur d’eau et par l’oxydation ultérieure du composé blanc formé dans cette circonstance. Les pièces sont préalablement foulardées en stannate de soude à 6 ou 15 °B suivant la nuance; on laisse reposer quelques h, puis on passe en acide sulfurique à 1.5 °B ou 3 °B et on lave. La couleur à imprimer sur ce tissu préparé renferme: 

  prussiate rouge : 1 part;

  prussiate jaune : 2 parts;

  acide tartrique : 3 parts;

  acide oxatique : ¼ part;

  prussiate d’étain en pâte : 6 parts.

 

9)   Vert vapeur.

 

Le vert vapeur est une réunion de bleu et de jaune vapeurs. Ce dernier renferme une matière colorante jaune organique, quercitron ou graine de perse et un sel d’alumine ou d’étain pour la fixer.

 

Une couleur composée de ferro et de ferricyanure, ammoniques, de prussiate d’étain et d’acide tartrique, donne une très belle nuance sur tissus stannatés. Après l’impression, on vaporise et on lave; quelquefois on passe après le vaporisage en bain oxydant de chromate.

 

10)   Vert Havraneck.

 

Ce vert vapeur se compose de: 

  prussiate rouge : 1 part;

  prussiate jaune : 4 parts;

  alun de chrome : 2 parts;

  prussiate d’étain en pâte : 9 parts;

  acide tartrique : 1 part;

  eau épaissie à l’amidon : 24 parts.

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  Couleurs qui se fixent à la vapeur

 

Sous cette dénomination, nous comprenons toutes les préparations qui, imprimées sur un tissu quelconque, n’ont besoin, pour développer une nuance capable de résister au lavage, que d’être soumises plus ou moins longtemps à l’action de la vapeur à 100 °C ou au-dessus. Les genres vapeur se divisent eux-mêmes en plusieurs groupes qui sont:

 

1)   les couleurs insolubles fixées à l’albumine, dont il a été question plus
      haut. L’action de la vapeur se borne à coaguler l’albumine; 

2)   les couleurs nouvelles dérivées de l’aniline.

 

Suivant que les matières colorantes préalablement dissoutes sont imprimées sur fibre végétale ou sur fibre animale, la préparation doit varier dans sa composition.

 

Ainsi sur la laine et la soie, qui possèdent par elles-mêmes la propriété de se combiner avec des matières colorantes, il suffit d’appliquer par voie d’impression sur la fibre une dissolution de fuchsine, de bleu ou de violet d’aniline et de vaporiser.

 

Sous l’influence de la vapeur à 100 °C, il s’opère une véritable teinture sur place en tout comparable à celle que l’on réalise en immergeant le tissu dans un bain de couleur. Avec le coton, au contraire, qui ne possède qu’une médiocre affinité pour les sels de rosaniline et de ses dérivés, le tissu aura dû être préalablement préparé de manière à lui faire acquérir cette qualité qui lui manque, ou bien on aura ajouté à la couleur d’impression de l’albumine qui, en se coagulant et se teignant simultanément, amènera la fixation.

 

3)   les anciennes couleurs vapeur, dans lesquelles entrent: 

a)   les matières colorantes naturelles susceptibles de se fixer avec le
      concours de mordants minéraux (cochenilles, bois rouges, campèche,
      quercitron, pastel, graine de Perse, gaude, garance, etc.); 

b)   une préparation métallique capable de fournir à la laque l’élément

      basique qui lui est nécessaire.

 

Dans ce cas, la matière colorante et le mordant se trouvent en présence dans la couleur à imprimer à l’état de dissolution. La vapeur d’eau détermine la précipitation de la laque dans les pores de la fibre. Il y a donc à la fois mordançage et teinture.

 

Pour appuyer cette explication d’un exemple, supposons qu’il s’agisse d’un rouge vapeur au bois, on prend par exemple: 

  décoction de Saint Marthe à 3 °B : 9 l;

  décoction de graines de Perse à 8 °B : 1 l;

 

Représentant l’eau et la matière colorante: 

  amidon (épaississant) : 1,5 kg;

  mordant rouge (acétate d’alumine) : 1,5 l;

  Nitrate de cuivre à 50 °B (oxydant) : 0,125 g.

 

Cette couleur renferme, on le voit, à l’état de dissolution la matière colorante et l’alumine. La vapeur d’eau dissocie l’acétate d’alumine et permet en même temps à l’hydrate ferreux précipité sur la fibre d’attirer la brésiline.

 

De même dans le noir vapeur au campèche, nous trouvons comme éléments essentiels: l’extrait de campèche, le pyrolignite de fer, l’acide pyroligneux et le pyrolignite d’alumine. Dans beaucoup de cas, les couleurs composées d’après les principes précédents se fixent spontanément lorsqu’on les applique sur tissu et qu’on abandonne le tout à lui-même dans un espace tiède et aéré pendant un certain temps. On comprend en effet que les mêmes réactions peuvent se produire à des températures différentes en faisant varier l’élément temps.

 

Il résulte de là qu’un certain groupe de couleurs d’application se rapproche beaucoup des couleurs vapeur, la différence résidant plutôt dans les conditions de temps et de température qui déterminent la fixation.

 

Ajoutons cependant que la couleur d’application ne jouira pas de la même solidité que la couleur vapeur correspondante.

 

Le rôle fixateur de la vapeur d’eau a été étudié par M. Chevreul. Il résulte des observations du savant chimiste qu’elle n’agit pas uniquement comme moyen calorifique, car on n'arrive pas à la remplacer par la chaleur sèche, l’application d’un fer à repasser par exemple. On comprend en effet que l’eau doit jouer un rôle important dans les réactions qui déterminent la fixation.

X3

D’un autre côté, une vapeur trop humide chargée d’eau condensée nuirait à la pureté du dessin en produisant des coulages inévitables. Le fabricant doit donc savoir graduer l’emploi de la vapeur d’eau de manière à arriver à une bonne fixation. Il importe aussi de faire remarquer que l’on doit éviter avec soin l’impression simultanée de couleurs qui, au vaporisage, pourraient se nuire mutuellement par la nature des vapeurs acides ou alcalines qui sont susceptibles de se dégager.

 

Ainsi, on ne peut fixer et imprimer sans inconvénient un rouge vapeur et un bleu outremer, vu que pendant le vaporisage du rouge il y a mise en liberté de vapeurs acides qui détruiraient le bleu outremer.

 

S’agit-il d’impressions sur laine, on aura encore à tenir compte de la présence du soufre dans cette matière textile et de l’action sulfurante qu’il peut exercer sur certaines préparations métalliques.

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  Appareils pour fixer les couleurs à la vapeur

 

Les Figures 10, 11, 12 et 13 donnent une idée des appareils employés au vaporisage:

Fig 10

Un des plus anciens est la colonne (Figure 10). Elle se compose d’un cylindre en cuivre A, percé de trous sur toute sa surface et terminé par des tubes plus étroits c, munis de robinets R, et R’. Ce cylindre communique par sa base inférieure avec un générateur à vapeur. Une sphère creuse g, sert à retenir l’eau condensée dans le trajet. Le tissu muni d’un doublier est enveloppé autour de A, et recouvert d’une forte étoffe de laine qu’on fixe par ligature autour des deux tubes d’extrémité. On commence par ouvrir les robinets R, et R’, et lorsque le cylindre est suffisamment chauffé par le passage de la vapeur, on force celle-ci à traverser le tissu en fermant R'.

 

Le vaporisage à la guérite (Figure 11) se fait dans une chambre en bois A, rectangulaire, plus haute que large, recouverte d’un double toit incliné:

Fig 11

La vapeur arrive par le tube R, à la partie inférieure de la chambre A; elle est uniformément répandue dans l’espace au moyen d’une espèce de pomme d’arrosoir percée de trous. Un double fond D, percé de trous et recouvert d’une toile qui arrête les gouttelettes d’eau entraînées. Les pièces B, sont suspendues avec doubliers et enroulées en spirales allongées à des rouleaux horizontaux S, que l’on peut mettre en mouvement du dehors avec des manivelles m. en imprimant aux rouleaux un mouvement lent de rotation, on met successivement toutes les parties de la pièce dans les mêmes conditions de température.

 

La Figure 12 réalise une autre disposition connue depuis longtemps sous le nom de tambour à vaporiser. A,B,C,D, cylindre ou tambour en bois blanc:

Fig 12

Le fond du cylindre est percé de trous pour donner passage au tuyau de vapeur terminé par une pomme d’arrosoir F. E, double fond fermé par une toile bien tendue pour arrêter les gouttes d’eau liquide; a,b, appui circulaire cloué dans le pourtour supérieur et interne du tambour pour supporter les cadres T,T, aux branches horizontales duquel on suspend les pièces à vaporiser. Pour faire fonctionner l’appareil, on enlève le couvercle supérieur et le cadre T, sur lequel on dispose les étoffes. Le cadre étant mis en place, le couvercle est solidement et hermétiquement fermé; on donne accès à la vapeur, en ayant soin de laisser échapper l’air par la soupape supérieure.

 

S, est un tuyau muni d’un robinet pour la vidange de l’eau condensée.

 

La chambre à vapeur (Figure 13) constitue un espace clos dont les parois sont formées de fortes plaques de fonte:

Fig 13

Elle à 5 à 6 m de long, 3 m de large et de haut. Les pièces sont fixées horizontalement au moyen d’un cadre ou d’une rame mobile sur des rails. Le tuyau de vapeur est disposé parallèlement à la paroi verticale, en longueur . Ce tuyau est ramifié et percé de petits trous afin de permettre l’introduction égale et le partage régulier de la vapeur. Les portes peuvent être fermées hermétiquement, ce qui permet de travailler à une pression suffisamment élevée. L’appareil est du reste muni d’une soupape de sûreté.

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  Composition des couleurs pour l'impression des cotonnades

 

  

  Rouge

 

  5 l de bain de Sainte-Marthe à 5 °B;

  1 litre de bain de grain de Perse à 6 °B;

  2 l d’acétate d’alumine à 12 °B;

  500 g d’alun;

  62 g d’acide oxalique;

  93 g de nitrate de cuivre;

  93 g de dissolution d’étain.

 

 

 

  

  Petit-rouge

 

  8 l de bain de Sainte-Marthe à ½ °B;

  y faire fondre, à la chaleur de 50 °C, 1 kg d’alun;

  quand l’alun est entièrement fondu, on ajoute 750 g d’acétate de

      plomb;

  puis on laisse reposer et on soutire le clair;

  on épaissit ensuite avec 1,5 kg de gomme;

  enfin on ajoute à froid 150 g de deuto-chlorure d’étain liquide.

 

 

 

  

  Jaune

 

  1 litre de bain de graine de Perse à 6 °B;

  62 g d’alun;

  16 g de protochlure d’étain;

  375 g de gomme sénégal.

 

 

 

  

  Bleu

 

  6 l d’eau tiède;

  562 g de prussiate de potasse;

  187 g d’acide oxalique;

  250 g d’alun;

  1,750 kg de gomme.

 

 

 

  

  Orangé

 

  4.5 kg de cendre gravelée, qu’on fait bouillir à quatre reprises
      différentes, et pendant 15 mn dans 6 l d’eau;

  on a soin, après chaque cuisson, de laisser reposer et de décanter la

      liqueur claire;

  on délaye ensuite dans le bain formé par la réunion des quatre cuissons
     1,75 kg de rocou;

  et on fait réduire le mélange, par l’ébullition, jusqu’à 10 l;

  on épaissit à l’amidon grillé à raison de 375 g/l.

 

 

 

  

  Vert

 

  1 litre de bain de graine d’Avignon;

  31 g d’alun à chaud;

  quand l’alun est fondu, on divise le bain en deux parties;

  dans l’une, on fait fondre à chaud 70 g de prussiate de potasse, et
      187 g de gomme;

  et dans l’autre, 8 g de protochlorure d’étain (sel d’étain);

  et 8 g de deuto-chlorure d’étain;

  lorsque les deux mélanges sont refroidis, on les réunit.

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  Puce

 

  ¾ de litre de bain de Sainte-Marthe à 5 °B;

  ¼ de litre de bain de campêche à 8 °B;

  62 g d’alun;

  16 g de sulfate de cuivre;

  8 g d’acide oxalique;

  épaissir avec 375 g d’amidon grillé.

 

 

 

  

  Noir

 

  7/8 litre de bain de campêche;

  1/8 litre de pyrolignite de fer à 15 °B;

  on fait chauffer avec 93 g d’amidon blanc;

  47 g d’amidon grillé;

  31 g d’acétate de cuivre;

  en sortant du feu, on ajoute 62 g d’alun;

  et, quand le mélange est froid, 16 g de nitrate de fer à 50 °B.

 

 

 

  

  Bain pour lilas

 

  8 litre de bain de bois d’Inde à 3 °B;

  4 l de bain de Sainte-Marthe à 4 °B;

  1.5 kg d’alun;

  faites chauffer à 50 °C;

  quand l’alun est bien fondu, ajoutez : 1.250 kg d’acétate de plomb;

  remuez jusqu’à ce que le mélange soit entièrement froid, laissez reposer
      et tirer le clair.

 

 

 

  

  Lilas

 

  1 l de bain ci-dessus;

  1 l d’eau; 750 g de gomme sénégal;

  16 g de dissolution d’étain.

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  Impression du coton avec des couleurs d'aniline

 

Ce n’est pas la fibre qui se teint comme avec la laine; elle n’est que le dépositaire de la laque colorée dont on détermine la formation à sa surface. Les affinités de l’albumine coagulée pour les matières colorantes sont à peu près les mêmes que celles de la laine. Sur ce fait est fondé le meilleur procédé d’impression du coton avec les couleurs nouvelles. Il suffit d’épaissir à l’albumine et à la gomme une solution aqueuse, alcoolique ou acétique du principal tinctorial, d’imprimer, de sécher et de vaporiser pour déterminer simultanément la coagulation et la teinture de l’albumine. Ainsi on obtient un rose passablement foncé avec 3 g de fuchsine dissous dans 1 l d’eau épaissie avec 200 g de gomme, et 300 g d’albumine.

 

Pour le violet, on prend environ: 

  3 g de rosolane en pâte pour 10 g d’alcool;

  100 g d’eau de gomme;

  150 g d’eau d’albumine par l (toutes les deux à 500 g de gomme ou
      d’albumine).

 

Les diverses préparations de caséine et de gluten, dont il a été question au chapitre des fixateurs plastiques, peuvent remplacer l’albumine avec un certain avantage au point de vue économique, mais avec une infériorité très marquée sous le rapport de la beauté des nuances et de la facilité du travail d’impression.

 

L’albumine est quelquefois employée comme mordant pour la teinture du coton. La fibre foulardée dans une solution albumineuse est soumise à l’action de la vapeur d’eau qui coagule la matière protéique. Il ne reste plus qu’à teindre en bain colorant, comme si l’on opérait avec de la laine.

 

Le tannin forme avec la mauveine (rosolane) la rosaniline et tous ses dérivés colorés des combinaisons insolubles et colorés. Sur ce fait est fondée une méthode d’application souvent usitée. Le précipité tannique formé d’avance, en pâte bien lavée, est dissous dans l’acide acétique, l’alcool, ou un mélange des deux. La solution est épaissie à la gomme ou à l’empois, et la préparation imprimée, il ne reste plus qu’à vaporiser pour chasser le dissolvant et fixer la laque insoluble.

 

Plus simplement, on mélange dans la même couleur le tannin, la matière colorante, l’acide acétique et l’épaississant; on imprime et on vaporise.

 

Exemple: violet au tannin: 

  violet en pâte : 500 g;

  acide acétique : 500 g;

  tannin : 500 g;

  eau bouillante : 4 kg;

  eau de gomme épaissie : 4,5 kg.

 

Au lieu d’imprimer sur calicot ordinaire, on emploie souvent un tissu stannaté, aluminé ou imprégné d’une solution étendue de gluten, de caséine, de gélatine ou certains sels susceptibles de précipiter par le tannin (acétate de plomb, sublimé corrosif, tartrate ou chlorure double de potassium et d’antimoine).

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M. Wischine a proposé l’arsénite d’alumine comme moyen de fixer les couleurs d’aniline. On imprime un mélange épaissi d’arsénite de soude, d’alumine et de rouge ou de violet, on vaporise et on savonne. La couleur est plus belle après le savonnage. C’est le procédé qui donne les résultats les plus solides au lavage.

 

On peut aussi fixer le violet, le rouge et ses dérivés par l’aluminate de soude. À cet effet, on fait macérer le coton dix à douze h dans une solution de soude à 4 ou 5 °B; puis, sans le laver, on le porte dans une solution d’aluminate de soude où il séjourne autant de temps. L’alumine est fixée par une solution chaude de sel ammoniac. On imprime la matière colorante sur le tissu ainsi préparé et on vaporise.

 

Le bleu soluble imprimé sur coton avec de l’acétate d’alumine et vaporisé se fixe complètement. Nous signalerons encore comme mordants capables de fixer les dérivés de l’aniline: l’oléate de plomb. On fixe sur la fibre uniformément ou par places de l’hydrate de plomb ou un sel basique et on teint dans une solution de savon contenant du violet; le coton huilé, mordancé ou non à l’alumine et engallé, attire également les couleurs d’aniline.

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  Des procédés à l'aide desquels on imprime les tissus

 

Cuisine à couleurs. On appelle cuisine à couleur l’atelier dans lequel on prépare les couleurs devant servir à l’impression des tissus.

 

La division du travail a simplifié beaucoup les manipulations qui s’y pratiquent. Aujourd’hui, le fabricant n’est plus obligé de faire lui-même les sels et les extraits colorants dont il a besoin, de sorte que, dans la cuisine aux couleurs, on se borne le plus souvent à réunir dans les proportions convenables les ingrédients que comporte une recette et à les dissoudre aux températures convenables. La dissolution de l’épaississant constitue l’opération importante, surtout pour l’amidon.

 

Pour cuire les couleurs, on se sert de chaudières à double fond en cuivre, munies d’agitateurs mécaniques et pouvant basculer autour de leurs tourillons de support.

 

La Figure 14 représente une batterie de semblables chaudières E, offrant diverses dimensions. A, et B, bâtis en fonte pour supporter les chaudières E.

Fig 14   Détail d'une cuve

Le degré de viscosité se détermine au moyen de divers appareils appelés viscosimètres. Les Figures 15 et 16 en représentent deux modèles différents:

Fig 15-16

L’appareil de la Figure 15 se compose d’une espèce d’entonnoir cylindrique fixé sur un support au-dessus d’une bouteille. On mesure la durée de l’écoulement d’un certain volume de la couleur comparativement à celle d’un égal volume d’eau.

 

Le viscosimètre de M. Schlumberger (Figure 16) se compose d’une espèce d’aéromètre lesté offrant à la partie inférieure un petit orifice à travers lequel pénètre le liquide visqueux dont on mesure aussi l’épaississement par la durée du remplissage.

 

Avant de recevoir l’impression, les tissus subissent diverses opérations préliminaires qui sont le blanchiment, le flambage ou grillage et le tondage. Ces opérations sont décrites dans des articles spécifiques.

 

Pendant les manipulations souvent nombreuses que supportent les pièces, la position relative des fils est sujette à se déplacer, surtout quand il s’agit de tissus légers. Ces déformations offrent des inconvénients graves, surtout lorsqu’il s’agit de rentrer des couleurs vapeur et d’applications après garançage.

 

Il est évident en effet qu’il est impossible de tenir compte de cette altération du tissu dans la disposition des planches ou rouleaux multiples que nécessite la mise en train d’un dessin à plusieurs couleurs. Il en résulte que les diverses planches ou rouleaux qui se rapporteraient exactement, si rien n’avait été changé, ne fourniront plus qu’un dessin incorrect. De là la nécessité de redresser en temps opportun la position des fils d’une pièce.

 

Les appareils chargés de ce travail portent le nom de rames.

 

La chambre à ramer se compose ordinairement d’une salle rectangulaire ayant une longueur d’une pièce (80 à 100 m); un cadre, dont les côtés sont mobiles, sert à tendre la pièce au moyen de petits crochets ou pointes fixés sur les côtés latéraux. Le tissu étant légèrement humecté et fixé, on écarte les deux parties latérales du cadre de manière à tendre les fils qui, en se desséchant dans cette position sous l’influence d’une douce température, reprennent leurs rapports normaux.

 

Dans certaines fabriques, pour gagner de la place, on rame sur une longueur beaucoup moindre en faisant revenir la pièce plusieurs fois sur elle-même par des rouleaux tenseurs et en superposant plusieurs rames. J’ai également vu fonctionner des rames continues formées de pièces articulées.

 

On hâte quelquefois la dessiccation par des ventilateurs à palettes mises en mouvement au-dessus de la pièce.

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  Impression

 

Les procédés d’impression des tissus peuvent se diviser en trois groupes, à savoir:

 

1)   l’impression à la main, au moyen de planches gravées en relief; 

2)   l’impression à la planche plate en relief, mécaniquement et d’une
      manière continue; 

3)   l’impression continue au rouleau gravé en creux.

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  Impression à la main

 

Le principe de ce procédé est très simple. Étant donné une planche plate qui porte en relief le dessin colorié qu’il s’agit d’appliquer, on recouvre le relief d’une couche uniforme de couleur, puis on porte la planche sur le tissu tendu sur une table. Au moyen d’une pression convenable, on force la couleur à s’appliquer sur la fibre et à quitter la planche au moment où on enlève celle-ci.

 

Il y a plusieurs sortes de planches gravées:

 

1)   le bloc ou la planche de bois de poirier parfaitement plate, sur laquelle
      on transporte et grave le dessin en relief; 

2)   le bloc ou la planche de bois de poirier sur laquelle on implante et fixe à
      la même hauteur de petites lames de cuivre laminé et recuit qui forment
      tous les contours et les traits fins du dessin;

 

On fait les pleins ou mats en remplissant les intervalles formés par les lames de cuivre avec du bois de tilleul qu’on enfonce solidement en frappant dessus avec un petit marteau, puis on coupe avec un instrument tranchant le bois qui dépasse.

 

3)   la planche métallique en relief, laquelle est formée par la réunion de
      clichés métalliques fondus sur une planche dite matrice; 

4)   la planche plate en cuivre, gravée au moyen d’un poinçon, ou à l’aide
      d’un burin.

 

On fait des blocs ou planches de quatre couches de bois, bien dressées au rabot sur les deux faces. La couche de dessous est en chêne de 12 à 13 mm d’épaisseur. Les deux couches intermédiaires sont en bois blanc de même épaisseur, et la quatrième, de 9 mm d’épaisseur, est en bois de poirier ou de pommier. Ces couches de bois sont superposées de manière que les fibres se croisent. Elles sont jointes ensemble avec une colle dite au fromage insoluble et inaltérable par l’humidité.

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Nous n’entrerons pas dans les détails de la gravure et de la préparation des planches plates. La description des procédés usités.

 

Table d’impression. Les tables d’impression varient beaucoup dans leurs dimensions. Leur largeur doit toujours être supérieure à celle de la pièce. Pour les petits dessins qui se répètent sur toute la toile, on pourra employer des tables courtes. Pour les grands dessins des étoffes pour meuble, on fera usage de tables très longues sur lesquelles les pièces sont tendues.

 

La Figure 17 donne une idée des principales dispositions adoptées. La table T, est faite en bois dur et épais; elle doit être solidement établie.

 

On recouvre la surface de deux ou trois couvertures en laine destinées à faire matelas. L’une des extrémités porte un rouleau A, sur lequel la pièce à imprimer est enroulée. L’ouvrier tire à lui une portion de tissu, l’étale sur la table, et lorsque l’impression est terminée, le fait passer sur les roulettes H, pour imprimer une nouvelle portion et ainsi de suite.

 

La Figure 18 représente une autre disposition dans laquelle le tissu couvert de couleur sur la table M, circule horizontalement au-dessous sur une série de roulettes, de manière à atteindre le moment ou l’impression est suffisamment sèche pour que le rapplicage ne soit pas à craindre.

Fig 18

Il nous reste à parler des moyens de fournir la couleur à la planche. On se sert à cet effet d’un châssis représenté en S, (Figure 19). Ce châssis se compose d’une caisse rectangulaire en bois, goudronnée intérieurement; on la remplit, jusqu’à niveau convenable, d’une dissolution très épaisse de gomme destinée à former matelas élastique; sur cette solution repose un cadre plus petit que la première caisse et fermé en dessous par une toile cirée ou caoutchoutée imperméable.

 

Enfin, un troisième cadre plus petit que le second, portant une toile épaisse en laine, repose sur la toile cirée. C’est sur ce tissu spongieux que l’ouvrier étend la couleur contenue dans la terrine M, au moyen d’une brosse. L’expérience apprend qu’elle est la quantité de couleur qu’il convient de répandre pour que la planche appliquée sur la laine se charge également et suffisamment. C’est aussi à la pratique de l’atelier à dire quelle pression il convient d’employer, aussi bien pour enlever la couleur au châssis que pour l’appliquer convenablement sur le tissu.

 

Il va sans dire qu’à chaque couleur ou nuance d’un dessin correspond une planche spéciale, et que les divers dessins des planches gravées se rapportent de manière à former le dessin colorié qu’il s’agit de reproduire. Le travail de l’imprimeur est guidé dans ce cas par des picots placés sur le pourtour des planches.

 

Si le dessin polycolore se compose de bandes ou de raies parallèles, il est possible de les appliquer en une fois. Les couleurs sont contenues dans des caisses en fer-blanc disposées sur une rangée en nombre équivalent aux nuances. Au moyen d’une brosse, on porte sur le châssis, suivant une ligne et l’une à côté de l’autre, des masses égales de chaque couleur dans l’ordre voulu, que l’on étale parallèlement à elles-mêmes par le mouvement d’un rouleau garni de toile. En donnant au rouleau étaleur un mouvement ondulatoire, on produira des effets de fondus, d’irisation par la superposition aux lignes de jonction des couleurs voisines.

 

L’appareil des Figures 20, 21, et 22 réalise les conditions de l’impression simultanée en bandes de plusieurs nuances.

 

A, (Figure 20), baquet à couleur en bois partagé en plusieurs compartiments par les cloisons a en cuivre ou en verre.

Fig 20

B, (Figure 21) représente le couvercle du baquet.

Fig 21

C’est une planche sur laquelle sont fixés autant de fils de cuivre, qui sont reliés deux à deux par d’autres fils métalliques ou en chanvre. Ces fils, en plongeant dans la couleur, en emportent une certaine quantité lorsqu’on soulève le couvercle; on peut ainsi transporter sur le châssis D, (Figure 22) des épaisseurs variables de diverses couleurs que l’on étale uniformément au moyen du rouleau C, (Figure 22).

Fig 22

Une disposition analogue (Figures 23, 24 et 25) permet de réaliser des bandes ondulées.

Fig 23  Fig 24  Fig 25

Certaines couleurs sont très altérables à l’air; tel le bleu solide à l’indigo réduit.

 

La condition de l’étaler sur une toile, sur une grande surface, est donc très défavorable à la réussite de l’opération. Pour obvier à cet inconvénient, on peut employer le châssis représenté dans la Figure 26. A, caisse rectangulaire en cuivre communiquant, par la partie inférieure, à un tonneau fermé B, dans lequel se trouve la couleur. T, toile tendue à mi-hauteur du châssis A. En ouvrant le robinet de communication R, la couleur s’élève par la pression au-dessus de la toile T. On peut ainsi régler à volonté l’arrivée de couleur qu’on distribuera proportionnellement aux besoins.

Fig 26

Les Figures 27 et 28 donnent une idée d’une disposition analogue pour plusieurs couleurs.

Fig 27  Fig 28

Chaque compartiment du châssis à imprimer communique, par un tuyau spécial, avec un réservoir de couleur (Figures 27 et 28 coupes horizontale et verticale). Exemple pour imprimer quatre couleurs: sur deux côtés du châssis se trouveront quatre réservoirs à couleur A,A,A,A. Le châssis lui-même est partagé par des bandes mobiles en plomb ou en gutta-percha en autant de compartiments de formes variées qu’en réclame le dessin. Les fonds de ces compartiments communiquent, par des tuyaux mobiles en caoutchouc ou de plomb, avec les réservoirs A. la toile du châssis repose, dans l’une ou l’autre de ces dispositions, non sur une fausse couleur comme dans le châssis ordinaire, mais sur la couleur à imprimer elle-même qui l’imbibe de bas en haut.

 

Certaines couleurs ne conservent leurs qualités propres à l’impression qu’à une température plus élevée que celle de la salle. On fera usage dans ce cas de l’appareil de la Figure 29:

Fig 29

C’est un châssis ordinaire B,R,G, avec son réservoir de couleur D; le tout est entouré d’une enveloppe métallique qui forme double fond et qui permet l’introduction de la vapeur d’eau dans l’espace resté libre. U, tuyau d’arrivée de la vapeur. T, tuyau d’écoulement de l’eau condensée.

 

Dans la plupart des salles d’impression, l’ouvrier imprimeur est secondé dans son travail par un tireur, ordinairement un enfant chargé d’étaler la couleur à la brosse sur le châssis. On a fait différents essais pour remplacer le tireur par une disposition mécanique. La Figure 30 représente un châssis à tireur mécanique.

Fig 30

Le châssis G, repose sur un pied en fonte ou en bois épais. Il est rempli de fausse couleur et recouvert d’une toile cirée bien tendue. La toile du châssis forme une toile sans fin D, qui circule dans la direction des flèches sur les rouleaux R. la couleur est fournie par le réservoir B, placé au bas de la table; dans ce réservoir se trouve un rouleau mobile. La toile sans fin passe entre ce rouleau et S. Une racle M, égalise la couleur en enlevant le superflu.

 

Lorsque la table d’impression est longue, elle nécessite le transport du châssis que l’on fait glisser sur des rails à côté de la table, à mesure que le travail avance.

 

M. Godefroy, à Puteaux, a adopté le système des Figures 31 et 32, qui constitue un châssis mobile roulant sur la table d’impression elle-même.

Fig 31

M,M, réservoirs à couleur en forme de ballons. Ils offrent un orifice à la partie inférieure latérale. Tant que le niveau de la couleur dans le châssis est au-dessous de cet orifice, il ne peut rien s’écouler; dans le cas contraire, l’écoulement a lieu. C’est donc un moyen d’avoir un niveau constant. G,F,G, agitateurs. C,D, (Figure 32), seconde pièce du châssis renvers; elle porte la toile de laine et se place sur la couleur dont elle s’imprègne et que l’on étale avec des rouleaux.

Fig 32 Fig 33 I_139

 

 

  

  Manière d’imprimer en bloc

 

L’ouvrier imprimeur étend la pièce sur la table à imprimer qu’il a recouvert préalablement, à 1 ou 2 cm du bord, d’une toile de coton, appelée doublier, plus large que l’étoffe à imprimer. Cette disposition est indispensable pour éviter que la couverture ne soit salie par la couleur que l’on imprime presque toujours au-delà des lisières.

 

1)   L’imprimeur pose la planche dans le châssis qui est placé derrière lui ou
      à sa droite, puis il la retourne lestement entre ses doigts pour prendre
      du mordant une seconde fois. Cette méthode a aussi un autre but,
      celui de distribuer plus également le mordant sur la planche; il porte
      aussitôt la planche sur la toile, en appliquant les deux points de repère

      c,a, sur la ligne de rapport B,B, comme la figure l’indique. Il frappe

      dessus avec un marteau ou maillet garni de plomb Figure 33 bis).

Fig 33bis

2)   Il prend de nouveau le mordant sur le châssis, et fait tomber, par le
      deuxième coup de planche, les picots sur b,d, et la planche marque
      sur l’étoffe l’empreinte b,d,b’, d’.

 

3)   Il prend encore de la couleur pour le troisième coup, et applique les
      picots c,a, sur d',b’, et forme une troisième empreinte b,d,d’’,b’’.

 

4)   La première rangée étant finie, il commence une seconde en
      recouvrant, par le quatrième coup de planche, les picots c,d, par ceux
      a,b, et formant l’empreinte a’, b’, c’, d’; puis par un cinquième coup de
      planche, il reporte les picots par b,b’’, sur ceux d,d’’, et
      forme l’empreinte b’, d’c’’, d’’; il revient ensuite à la partie
      comprise entre la ligne de rapport A,B, et la lisière, et il pose les picots
      d’,b’, sur ceux c’,a’. Il recommence une troisième rangée de la
      même manière qu’il a exécuté la deuxième rangée, et ainsi de suite.

 

5)   Lorsque toute l’étendue de la table est imprimée, l’imprimeur déroule la
      bobine E, tire l’étoffe imprimée vers le quatrième rouleau d’en haut F; il
      étend ensuite une nouvelle portion de l’étoffe qui n’est pas imprimée,
      et il procède pour l’impression comme nous l’avons indiqué.

 

6)   La pièce étant imprimée entièrement avec un premier mordant, par
      exemple de première main et séchée de même, on procède, s’il y 
      a lieu, à l’application d’un second mordant, puis d’un troisième et
      jamais plus. En effet, les planches de rentrure portent des picots qui
      doivent coïncider avec ceux de la première planche dite d’impression. Si
      l’impression a été bien faite, le dernier coup de planche recouvrira et
      cachera tous les picots de rapports qui se prennent ordinairement dans
      le dessin même.

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  La "Perrotine"

 

La machine propre à imprimer trois couleurs à la fois, dite Perrotine, due à M. Perrot, que nous allons décrire, a pour objet de remplacer le travail manuel de l’application de la planche par le mouvement mécanique de celle-ci.

 

La Figure 34 représente la section verticale de la machine:

Fig 34

La Figure 35 est une élévation latérale du côté de la manivelle.

Fig 35

1)   Sur le bâti en fonte A sur lequel sont attachées les pièces fixes.

 

2)   La table en fonte B (Figure 35), qui a trois faces bien dressées 1,1,1,
      sur lesquelles s’opère l’impression.

Détail 9

  Elle porte à ses quatre angles des rouleaux 2,2,2,2, garnis de pointes
      d’aiguilles rayonnantes à leur surface et saillantes de 4 à 5 mm, afin
      d’empêcher le glissement des toiles qui passent dessus.

 

3)   Les chariots c/4, c/4, c/4, portant les planches gravées 3, 3, 3, qui
      sont en bois; elles pourraient être en cuivre ou en autre métal. Ces
      planches sont vissées sur des plateaux 4, 4, 4, montés à coulisse sur les
      chariots; la manipulation pour les changements de planches est alors très
      facile.

Détail 14

Les chariots glissent dans des coulisses; le mouvement leur est imprimé par des arbres à manivelle 5, 5, 5, dont les supports reposent sur le bâti.

Détail 7

   Les manivelles 6, 6, 6, jouent dans les fourches 7, 7, 7, articulées par
       une vis à crapaudine avec les chariots; la queue de ces chariots
     glissante entre des vis de réglage, on peut lui donner la direction
     convenable pour que les planches gravées se présentent bien
     parallèlement aux tables.

 

  Des ressorts 8,8, liés au chariot, en opèrent le mouvement rétrograde
      toutes les fois que les arbres 5,5, ne les poussent pas en avant.

Détail 15

  Quant au chariot inférieur C’’, il prend son mouvement rétrograde
      naturellement par son propre poids, qu’il faut d’ailleurs équilibrer au
      moyen du contrepoids 9.

Détail 8

4)   Les châssis à couleur D,D’, D’’, sont articulés avec des leviers qui
      reçoivent du moteur général le mouvement qui convient à leur fonction.

 

  Ces châssis, qui sont mobiles dans les coulisses placées sur les côtés de la
      table B, prennent la couleur sur les rouleaux 10,10.

Détail 13

  Des distributeurs en glissant tangentiellement à ces rouleaux.

 

  La couleur est étendue bien uniformément par les brosses fixes 11,11.

Détail 16

  C'est de cette manière que les planches viennent prendre leur couleur
      sur les châssis dont le fond bien plat est garni de drap.

 

5)   Les distributeurs mécaniques E, E’, E’’, composés chacun d’une auge
      en bois remplie de couleur, d’une paire de rouleau en cuivre 10,10, et
      d’autres rouleaux 12,12, qui se chargent de matière colorante dans
      l’auge et en donnent aux rouleaux 10,10, couverts de drap.

Détail 16

C’est en passant sur ces rouleaux que les châssis, dont le fond est une étoffe de laine, se chargent d’une quantité convenable de couleur qui est étendue par les brosses 11.

 

  On donne plus ou moins de couleur suivant qu’on fait plonger plus ou
      moins les rouleaux 12,12, (sous les rouleaux 10), dans la boîte, ce qui se
      fait aisément, puisque les coussinets qui portent ces rouleaux sont fixés
      à l’extrémité d’un levier mobile autour de son point d’appui.

Détail 16

  Les boîtes E sont fixes, et on règle leur position au moyen des vis à caler
     15.

 

6)   Le régulateur ou appareil de division destiné à délivrer convenablement
      la toile qu’on vient d’imprimer. Le mouvement de cette toile n’est pas
      continu, car il y a nécessairement arrêt chaque fois que la toile doit
      avancer exactement de la largeur de la planche gravée, largeur qui varie
      avec les dessins.

 

Dans ce but, les axes des rouleaux 2, 2, 2, fixés à la table  B, sortent de cette table;

 

  Ils portent quatre roues 16 (Figure 34), ayant chacune le même nombre
      de dents et recevant leur mouvement d’une roue centrale 17 montée
      sur un prisonnier fixé sur le bâti A.

Détail 17

  Cette roue est placée derrière une autre roue 18 qui reçoit un
      mouvement alternatif d’une crémaillère droite fixée dans une pièce 19,
      qui monte et descend alternativement parce qu’elle est attachée à un
      des rayons de la roue 20, ce qui forme manivelle.

Détail 6

En variant la course de cette pièce, c’est-à-dire la position du point d’attache, on obtiendra le passage de plus ou moins de dents de la roue 18, ce qui fera varier la marche de la toile.

 

Un encliquetage à crocher 21, à chaque tour (Figure 33), règle la marche chaque fois, et pour qu’il n’y ait point de recul.

Détail 17

  Un frein composé d’une poulie montée sur l’axe de la roue 18 .

Détail 5

  Et d’un fil de laiton qui fait un tour et demi à deux tours dessus, puis et
      tendu par le poids 22, offre une résistance suffisante pour empêcher
      tout recul.

 

7)   La toile sans fin, le doublier et les pièces propres à les recevoir.

 

La toile sans fin F, ordinairement en drap, embrasse un rouleau 23, garni de pointes d’aiguilles rayonnantes à la surface, afin d’empêcher le glissement des diverses toiles qui passent dessus.

Détail 19

  Cette toile vient, en descendant, passer sur un rouleau 24, garni d’un
      drap, qui l’étend parfaitement et ne lui laisse aucun pli.

 

  De là elle vient s’appuyer sur le rouleau 25, puis embrasse la table B, en
      s’appuyant sur les 4 rouleaux 2, 2, 2, 2, aussi garnis de pointes
      d’aiguilles.

Détail 20

  De là elle remonte vers le rouleau 23, d’où elle était descendue.

 

  Pour entretenir toujours la même tension de la toile sans fin, le rouleau
     23 est mobile perpendiculairement à son axe au moyen des deux vis de
     réglage 26.

Détail 19

Le doublier 27 est aussi une toile sans fin en gros drap ou en forte étoffe de laine.

 

  Il passe à travers les barres fixes 28,28, qui l’étendent, puis s’appuyant
      sur le rouleau 25, il s’y réunit à la toile sans fin.

 

  F, chemine avec elle sur les rouleaux 2,2, puis remonte avec elle vers le
      rouleau 23.

Détail 19

L’étoffe à imprimer G est enroulée sur une ensouple H, et passe entre les barres qu’elle rencontre, ce qui fait disparaître tous les plis.

 

  Alors elle arrive sur le rouleau 25, s’y réunit au doublier 27 et à la toile
     sans fin F.

Détail 20 

  Puis chemine avec eux, embrassant ainsi les trois faces de la table B,
      remonte aussi avec eux jusqu’au rouleau 23, d’où elle est reçue dans un
      étendage ou dans des paniers.

 

Le mouvement est imprimé à la machine par un homme appliqué à une manivelle fixée à l’arbre 5.

Détail 15

  Cette manivelle met en mouvement directement le chariot C’’.

 

  Puis elle communique le même mouvement aux deux autres chariots, au
      moyen des roues 34, 35.

Détail 21

  Et des roues intermédiaires 36 et 37.

Détail 22

  Quant au mouvement du châssis, il résulte de celui de l’excentrique
      I placé également sur un arbre moteur 5.

 

  Cet excentrique met en mouvement l’arbre 28.

Détail 7

  Lequel, au moyen de bras diversement articulés avec les châssis, les fait
     avancer tous les trois; enfin le régulateur ou appareil de division se meut
     par la roue 20, l’excentrique 19 étant placé sur son arbre.

Détail 6

Telles sont les principales pièces de cette machine dont nous allons actuellement décrire les fonctions.

 

Supposons qu’on vienne de donner un coup de planche, et remarquons que tous trois se donnent au même instant. Aussitôt ce coup de planche donné, trois mouvements ont lieu à la fois, l’étoffe s’avance d’une largeur de planche et avec elle la toile sans fin et le doublier:

 

  les châssis D viennent prendre la place qu’on voit dans la Figure 34, et se
     mettent en mouvement, c’est-à-dire que le châssis D descend, celui
     s’élève, et celui D’’D’ s’avance de gauche à droite;

 

  pendant ce trajet, les chariots C, C’, C’’, reculent, parce qu’ils cessent
     d’être pressés par les manivelles 6 (les arbres 5 continuent leur
     mouvement uniforme), et que d’ailleurs ils sont attirés par les ressorts
     8,8; ils s’arrêtent alors dans la position décrite, en s’appuyant sur des
     butoirs;

Détail 14

  pendant le mouvement des châssis D, ils pressent légèrement sur les
      rouleaux distributeurs 10,10, et y prennent de la couleur qui est étalée
      uniformément par les brosses 11, de telle sorte que les châssis s’arrêtant
      vis-à-vis des planches 3,3, celles-ci n’ont plus qu’à y venir prendre la
      couleur dont elles ont besoin pour le coup de la planche suivant;

Détail 16

  c’est alors que les chariots C,C’, reviennent en avant, mais cette fois ils
      ne sont plus poussés par les manivelles; ils le sont par les touches 13,13,
      qui leur sont diamétralement opposées, mais fixées comme elles sur les
      arbres 5,5;

 

  ils s’avancent alors, et les planches 3,3, pressent sur les châssis, où ils
      reculent un peu;

 

  mais la touche 13 étant double, ils s’avancent de nouveau, et pressent
     encore une fois sur les châssis. Entendu qu’entre ces deux contacts le
     châssis a légèrement changé de place, afin de présenter d’autres points

     de contact, ce qui a été opéré par une courbure convenable I’ de
     l’excentrique I;

Détail 23

  lorsque les touches 13,13, cessent d’agir, les chariots, toujours appelés
     par les ressorts 8,8, reculent de nouveau jusqu’à ce qu’ils soient arrêtés
     par les butoirs, et les châssis se mettent en mouvement; ils reviennent
     prendre la position qu’ils occupaient auparavant;

 

  bientôt après, les manivelles se retrouvent en position de pousser en
     avant les chariots; ceux-ci avancent et l’impression se fait; puis les arbres

     5,5, continuant de tourner, les chariots reculent encore et l’opération se
     continue.

 

Tel est le jeu de cette machine qui a eu un très grand succès dans l’industrie française, surtout pour les impressions en mousseline-laine, chargées en couleur. Elle s’est moins répandue en Angleterre, où domine le principe de produire à bon marché et rapidement, ce que donne le rouleau plus cher à établir dans ces cas que la gravure de la Perrotine; mais cette différence disparaît si le nombre de pièces à fabriquer est très considérable.

 

Depuis 1879 la famille Skorutyák à Bácsalmás en Hongrie, spécialisée dans l'impression de "Batik", utilise une Perrotine fabriquée à Berlin en 1868, et qui fonctionne toujours avec les pièces d'origines.

 

Ci-dessous un ensemble de photos aimablement adressées par Janos Skorutyak jr., et le concours de l'attachée commerciale de l'Ambassade de Hongrie à Paris.

 

Skorutyák à Bácsalmás - Hongrie - Perrotine imprimant le Batik  Skorutyák à Bácsalmás - Hongrie - Perrotine imprimant le Batik  Skorutyák à Bácsalmás - Hongrie - Perrotine imprimant le Batik  Skorutyák à Bácsalmás - Hongrie - Perrotine imprimant le Batik  Skorutyák à Bácsalmás - Hongrie - Perrotine imprimant le Batik  

 ► En savoir plus sur cette entreprise - ici -

 

Le développement de la production dans nos ateliers lui est de même peu favorable aujourd’hui, malgré sa convenance dans quelques cas.

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  Métier à surface ou "Plombine"

 

Cette machine à imprimer avec un cylindre qui présente le dessin en relief, qui est la plus connue en Angleterre sous le nom de Métier à surface, et en France sous le nom de Plombine, d’Hemetine, etc., se compose d’un cylindre ou rouleau en bois dur, sur lequel sont appliqués des clichés métalliques représentant les dessins en relief. Ce cylindre est disposé sur un bâti analogue à celui de la machine du rouleau; mais la couleur lui est fournie par le contact immédiat d’un drap sans fin qui passe continuellement dans une auge remplie de la matière colorante.

 

À vrai dire, le métier à surface n’est autre chose que la machine inventée par Nicholson, en 1790, mais perfectionnée par MM. Parkinson-Duffey, de Dublin, Church, Hémet et autres.

 

Déjà, en 1770, on imprimait, en France, les toiles et les velours de cotons, avec un cylindre de bois sur lequel on enfonçait des fils et des lames de laiton qui formaient le dessin en relief. On trouve dans l’Art du fabricant de velours, par Roland de la Plâtrière, le dessin et la description d’une machine de ce genre. Mais on ne peut se dissimuler que ces rouleaux, façonnés en métal, sont d’un prix élevé; qu’il en faut un assortiment très dispendieux, qu’ils se détériorent par l’effet de l’humidité et de la pression qui les met promptement hors de service.

 

Cependant, un nommé Ebinger, de Saint-Denis, prit un brevet, en 1800, pour imprimer d’une manière continue avec des cylindres gravés en relief. En 1805, James Burton, ingénieur de la maison Peel, a appliqué également le rouleau à l’impression des tissus. On emploie peu cette machine en France, tandis qu’elle est assez usitée en Angleterre, tant pour imprimer à elle seule des dessins que pour enluminer des dessins imprimés au rouleau gravé en creux.

 

On y a remplacé la gravure en bois par des cachets (clichés) en alliage fusible qu’on cloue sur des cylindres en bois, comme on le fait pour les planches de la Perrotine. Ce changement, outre qu’il apportait une grande diminution dans les prix de la gravure, permet d’obtenir des dessins plus délicats et plus nets; enfin le cylindre en bois, recouvert de vernis, n’étant plus en contact avec la couleur, était moins sujet à se déformer.

 

Les cylindres composés de clichés métalliques sont sans doute un progrès, à cause de la rapidité et de l’économie de la main-d’œuvre. Toutefois, leur construction nécessite encore des soins tout particuliers. Ainsi il faut que les types soient tellement bien ajustés qu’ils ne forment pour ainsi dire qu’un seul morceau; que le pied ou la queue de tous ces types appuie d’aplomb sur la périphérie du rouleau; que tous les clichés forment entre eux une surface circulaire parfaite, et que leurs reliefs viennent, quand on fait tourner l’axe, toucher parfaitement la même tangente au cercle; que tous les clichés successifs aient rigoureusement la même forme, le même rayon et la même fixité.

 

La fabrication des clichés fondus ne présente aucune difficulté. Il suffit de faire un modèle en bois, que l’on reproduit autant de fois que l’on en a besoin, par le procédé du clichage en alliage fusible, que nous avons déjà indiqué. On pourrait cependant employer l’alliage ordinaire des clicheurs, qui est plus résistant et plus durable.

 

Quand les clichés sont ainsi fondus, il s’agit de les ployer, et de leur donner la forme d’un segment de cercle qui s’adapte parfaitement sur la périphérie du cylindre destiné à le recevoir.

 

Plusieurs procédés, plus ou moins compliqués et difficiles, ont été inventés et employés depuis vingt années pour remplir ce but. Mais le moyen le plus simple et le plus facile est encore celui qui a été employé par Bonvalet, vers l’année 1770, pour ployer les planches de cuivre gravées en relief et leur donner la forme cylindrique.

 

On pose le cliché, un peu amolli par la chaleur, horizontalement sur une pièce de bois creusée en gouttière, de la forme d’une portion de cylindre sur lequel on veut l’appliquer; on descend ensuite une autre pièce de bois appelée mandrin, dont la forme en dessous est convexe, et semblable au segment de cercle que l’on veut avoir. Le mandrin est adapté à la vis d’un balancier.

 

Nous citerons encore Hoffmann, qui a pris le premier en France, en 1792, un brevet d’invention pour un moyen de faire des dessins pour l’impression des toiles au moyen du polytypage.

 

En 1814, Straubard prit aussi un brevet pour un procédé analogue à celui de Hoffmann. Quoi qu’il en soit, tous ces procédés de clichage, déjà connus et publiés depuis longtemps, n’ont pu empêcher plusieurs personnes, fort honorables du reste, de se donner récemment pour les inventeurs réels de la méthode d’imprimer au cylindre en relief, dont la première idée appartient à Nicholson..

 

Burton, puis ensuite M. Howton, de Manchester, ont construit des machines, dites mule-machine, qui ne sont que la réunion, dans un même système, de cylindres en cuivre gravés en creux et de cylindres en bois gravés en relief.

 

Les Anglais ont apporté à cette machine un perfectionnement important pour le succès de l’impression. Dans les plombines françaises, le cylindre gravé se chargeait directement de couleur sur un rouleau fournisseur; la surface gravée n’était donc tangente qu’à un petit nombre de points de la couche de couleur étendue. Au contraire, dans les plombines anglaises ou métiers à surface, la couleur est portée par les cylindres du baquet ou réservoir sur un drap sans fin, où elle est uniformément répartie et duquel la reçoit le cylindre gravé.

Fig 36

La Figure 36 représente cette disposition. Le drap sans fin n reçoit la couleur du baquet R par les rouleaux A, B, et est tendu par les trois cylindres C, D, E, en sorte que le rouleau prend la couleur sur la partie concave entre les deux cylindres E,E.

 

Les fabricants français préfèrent à ces plombines la Perrotine, qui a reçu tant de perfectionnements, et cela surtout, dit M. Persoz, parce que la couleur appliquée sur le tissu par une surface courbe étant toujours plus ou moins étendue, altère nécessairement plus ou moins la régularité des formes dont se compose le dessin.

 

Nous ne partageons pas cette manière de voir, et croyons que la simplicité de ces machines pour imprimer à plusieurs couleurs, à l’avantage qu’elles offrent sur le cylindre gravé en creux de ne pas écraser les premières couches déposées, en rendrait l’emploi profitable, si le cylindre pouvait être fabriqué dans de bonnes conditions d’économie et de perfection. À cet égard, nous rappellerons ici l’essai de M. Laboulaye, de former un cylindre en relief par des pièces fondues et assemblées par un simple écrou, cylindre qui a figuré à l’Exposition de 1849. Les progrès des procédés de la fonderie en caractères nous font croire que ce procédé a de l’avenir.

 

Ce système appliqué soit à des cylindres, soit à des planches de perrotine, permettrait, en économisant tout le temps employé au placement des cachets, de transporter des gravures servant à l’impression des toiles peintes tous les avantages de variations à l’infini des dessins par les compositions et décompositions successives qu’utilise si bien la typographie. Nous souhaitons qu’un fabricant fasse l’essai de ce système, dont nous avons vu depuis longtemps un spécimen, à l’état de pièce curieuse, dans le cabinet de l’inventeur.

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  Impression au rouleau

 

Comme nous l’avons dit dans l’historique, on doit à Bonvalet la première idée d’imprimer les étoffes de laine au rouleau, vers 1755; cette méthode a été étendue, depuis, à l’impression de toutes les étoffes, et singulièrement perfectionnée par Oberkampf, N. Hobson, etc. La Figure 37 représente la coupe verticale d’une machine à imprimer au rouleau à une seule couleur, sans bâti et les accessoires.

Fig 37

  A, cylindre gravé, maintenu par son axe dans une position horizontale;

 

  B, cylindre de pression en fonte de fer dont la moitié de la circonférence
     est enveloppée par un drap sans fin d, afin de donner un léger degré
     d’élasticité à la pression. Ce drap sans fin est recouvert, en outre, par
     une toile sans fin appelée doublier, qui circule avec lui, suivant la direction
     de la flèche, et le garantit de l’impression des couleurs 

 

  on rend considérable la pression du cylindre e, au moyen de leviers,
      appuyant sur son axe et auxquels on suspend des poids;

 

  C, cylindre en cuivre, recouvert en drap. Il roule dans l’auge en cuivre
     qui contient la couleur, et la transmet au cylindre gravé A;

Fig 37

  b, racle ou docteur en acier fondu, maintenue dans toute sa longueur
      dans une pince à vis, au moyen de laquelle, et des vis de pression, on la
      fait appuyer contre le cylindre gravé, en même temps qu’on lui donne,
      dans le sens de sa longueur, un mouvement de va-et-vient;

 

  c, autre racle semblable à la première, mais placée derrière le cylindre, où
      elle n’a d’autre fonction que de débarrasser les filaments qu’il entraîne
      quelquefois avec lui, et qui viendraient se mêler à la couleur.

 

On conçoit aisément le jeu de la machine qui est mise en mouvement par une force mécanique.

 

La pièce de toile à imprimer, à chaque bout de laquelle on a cousu une vieille toile, est enroulée sur une bobine, comme il a déjà été dit;

 

  on pose cette bobine au point d, en arrière des cylindres;

Fig 37

  on engage un bout de la vieille toile cousue avec la pièce entre les
      cylindres A, B, suivant la direction indiquée par la flèche, et on l’accroche
      à une tringle en bois de la largeur de la pièce;

 

  cette tringle est maintenue horizontalement et parallèlement aux
      cylindres par une ficelle qui entraîne la pièce verticalement, lorsque la
      machine est mise en mouvement;

 

  alors la toile, pressée entre les deux cylindres A, B, vient successivement
      se faire imprimer en dessous par le cylindre gravé A, dont les creux sont
      remplis de la couleur qui est fournie par le cylindre C, qui trempe
      continuellement dans l’auge D.

 

La toile monte verticalement et se dessèche en même temps sur un appareil à vapeur, composé d’une série de cylindres horizontaux et creux, qui sont disposés derrière le drap sans fin.

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  Machine à imprimer à quatre couleurs

 

La Figure 38 représente une coupe transversale d’une machine à imprimer à quatre couleurs: A,A, est l’un des deux châssis latéraux en fonte de la machine, qui sont réunis l’un à l’autre au moyen de boulons à écrous a,a;

     

  B, est un grand rouleau de pression en fonte, dont les tourillons portent
      sur des coussinets qui peuvent se mouvoir dans les coulisses verticales
      ménagées dans les châssis A,A;

Détail 24

  de fortes vis en fer b, qui traversent des écrous en laiton fixés à la partie
      supérieure des châssis A,A, viennent buter contre les coussinets qui
      portent les tourillons du rouleau de pression, et permettre à ce dernier
      de résister à la pression de bas en haut, qu’exercent sur lui les rouleaux
      qui servent à l’impression des couleurs placées au dessous;

Détail 25

  C, D, E, F, sont les quatre rouleaux gravés servant à l’impression des
     couleurs dans l’ordre indiqué; le premier et le dernier, C et F, sont portés
     par des coussinets en laiton mobiles dans des coulisses horizontales
     pratiquées dans les châssis A,A, et doivent venir s’appuyer sur le rouleau
     de pression B, un peu au-dessus de son axe;

Détail 24

  leur pression est déterminée au moyen de vis c et d, qui traversent des
     écrous en laiton fixés d’une manière invariable au châssis. La partie de ce
     dernier, dans laquelle les coussinets et les vis se trouvent, à une forme
     curviligne, ce qui facilite la mise en place des rouleaux C et F, et leur
     donne une sorte d’élasticité qui leur permet de se prêter aux inégalités
     de l’étoffe à imprimer.

Détail 26

Les coussinets des rouleaux D et E sont également mobiles dans des rainures dont l’axe converge vers celui du rouleau B, et sont pressés dans cette direction par un système de leviers et de poids;

Détail 24

  les coussinets du rouleau D sont portés par des tiges cylindriques, qui
     passent dans les fourreaux fixés au châssis A,A, et dont l’extrémité est
      armée de montants qui s’appuient sur les petits bras de leviers g mobiles
     autour des points h, et chargés de poids qui à l’autre bout déterminent
     la pression;

Détail 27

  les coussinets du rouleau E portent sur les bras de leviers I, mobiles
     autour des points b, et pressant par des vis m sur les pièces n, qui
     agissent à leur tour sur les petits bras du levier K, mobile autour du point
     o, et chargé à l’autre bout de poids L, qui déterminent la pression.

Détail 23

Indiquons maintenant en quelques mots la manière d’opérer de cette machine. Nous l’avons déjà dit que le rouleau gravé C était porté par des cylindres mobiles dans des glissières ménagées dans les châssis A,A;

 

  ces coussinets sont formés, comme à l’ordinaire, de deux parties: l’une
      en laiton porte les tourillons du rouleau C; l’autre en fer, extérieure,
      mobile dans les glissières, et portant l’auge à couleur;

 

  g et le rouleau fournisseur M;

Détail 28

  le fond et les parois longitudinales de l’auge g sont en cuivre laminé; les
      cotés en bronze coulé forment en même temps les coussinets du
      rouleau fournisseur M;

 

  une vis f sert à la presser, ainsi que le rouleau M, contre le rouleau C;

Détail 29

  s est un racloir pour enlever l’excès de couleur, et t un autre racloir,
      pour enlever les filaments de l’étoffe. La position du premier est
      déterminée par une vis à écrou;

Détail 28

  u, qui fixe son extrémité en un point d’une glissière, et sa pression
      contre le rouleau est réglée par les petits poids w, suspendus aux
      extrémités des leviers x, liés par des chaînes au levier y, qui porte le
      racloir s;

Détail 30

  la pression du racloir t, porté également par un levier, est réglée par la
      vis V, qui vient buter contre l’autre bras de ce levier.

Détail 28

Les coussinets du rouleau D portent des tiges b,b’, qui supportent l’auge à couleur;

 

  d, et le rouleau fournisseur N;

Détail 31

  sur cette partie est fixée le levier e, mobile autour du point f, solidaire
      avec b’, et dont l’autre extrémité f est portée par la vis g, qui permet
      de presser plus ou moins le rouleau N sur le rouleau D;

Détail 32

  h’ et i’ sont les deux racloirs, l’un pour la couleur, l’autre pour les
      filaments, fixés au moyen des vis k’ et l’: la pression du premier est
      déterminée au moyen du poids m’, placé sur le levier n’, qui est lié par la
      tringle o’ avec le levier fixé au racloir;

Détail 33

  la pression du second est réglée au moyen d’un poids suspendu au levier
      p’ qui est lié par la tringle g’ avec le levier fixé au racloir.

 

La disposition de l’auge et du rouleau à couleur O du rouleau E est absolument la même que pour le rouleau D, à cela près que la pression du second racloir s est réglée par la vis t’.

Détail 34

Le rouleau F n’a pas de rouleau de couleur correspondant;

 

  le racloir inférieur y’ porte un appendice d, qui forme l’auge à couleur, et
      est pressé contre le rouleau par l’action du poids a’’, suspendu au levier
      b’’;

Détail 34

  la pression du racloir supérieur x’ est réglée par une vis c’’.

 

e’, e’’, est l’étoffe sans fin qui s’enroule sur le rouleau de pression B, et qui forme l’enveloppe élastique sur laquelle viennent s’appuyer les rouleaux C, D, E, F;

Détail 35

  cette étoffe, primitivement enroulée sur le cylindre R, porté par les bras
      Q, passe sur le rouleau B;

Détail 36

  sur l’une des extrémités du rouleau R se trouve une poulie sur la gorge
      de laquelle passe une courroie sans fin fortement tendue, qui fait naître
      une certaine résistance et maintient l’étoffe à un degré de tension
      convenable;

 

  on s’oppose à ce que l’étoffe se plisse en s’enroulant sur le rouleau R,
      en la faisant d’abord glisser sur une ou plusieurs barres en bois S,
      portant des rainures en spire, les unes dans un sens, les autres dans
      l’autre, comme l’indique la Figure 39:

Fig 39

La Figure 41 représente une coupe transversale à une plus grande échelle de la machine à quatre couleurs, afin de montrer en détail le mode de construction usité aujourd’hui.

Fig 41

On a supprimé les contrepoids, assez gênants, et la pression est donnée au moyen des vis G et des engrenages M, N, O, L, K, qui servent à faire mouvoir des systèmes articulés. On est ainsi bien plus maître d’appliquer les rouleaux gravés sur le cylindre imprimeur, comme les cylindres fournisseurs de couleur sur les cylindres gravés.

Détail 1

L’étoffe à imprimer repose sur un doublier en calicot qui lui-même repose sur un drap sans fin, formant matelas élastique. Elle passe sous une pression assez forte entre le cylindre B et le cylindre gravé, animés de mouvements de rotation inverses. Cette pression force le tissu à pénétrer dans le creux de la gravure et à se charger de la couleur qui y était déposée.

 

Le tissu et le doublier se déroulent d’une manière continue et régulière, et vont après l’impression dans les chambres à dessiccation, dont il sera parlé plus loin.

 

Enfin, la Figure 42 ci-après, donne une simple vue perspective d’une machine analogue, à dix ou douze couleurs.

Figure 42

Il est évident que le cylindre de pression augmente de diamètre à mesure que l’on multiplie les couleurs à imprimer simultanément.

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  Impression par la planche-plate

 

Nous ne donnerons pas la description détaillée de la planche-plate qui ne diffère, d’ailleurs, de la machine à imprimer au rouleau, que par la forme de la planche gravée qui est plate, et par le mode d’étendre la couleur sur cette planche. Du reste, l’impression s’exécute à la manière usitée pour l’impression en taille-douce.


On prend la couleur, à l’aide d’une brosse en poils de sanglier, dans une bassine en cuivre placée un peu au-dessous du chariot sur lequel repose la planche gravée, et on l’étend avec célérité sur la planche gravée. On pousse aussitôt le chariot sous le rouleau de pression; et, dans ce mouvement, la planche est essuyée par une lame d’acier ou docteur, qui enlève toute la couleur, à l’exception de celle qui remplit les creux de la gravure.

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  Presse écossaise pour enlevages

 

La Figure 43 représente une presse pour enlevage hydraulique (de M. Montheith, de Glascow) vue de face, en élévation.

Figure 43

  A est le sommet ou l’entablement;

  B,B, les pilastres ou jumelles;

  C, le chapeau auquel est attachée la planche supérieure;

  D, le plateau mobile; E, le cylindre ou corps de pompe;

  F, le sommier de la presse;

  G, réservoir plein d’eau dans lequel tombe l’étoffe en sortant de la
     presse;

  H, récipient contenant la liqueur décolorante;

  a,a, tuyaux qui conduisent l’eau sur le tissu; b, tuyau à air;

 Détail 37

  c, robinet qui permet à la liqueur de passer du réservoir H sur le tissu;

Détail 38

  d,d, tubes de verre gradués pour indiquer la hauteur de la liqueur dans
      le récipient; e,e, robinets de verre pour admettre la liqueur dans le
      récipient;

Détail 39

  f,f, robinets d’introduction de l’eau;

  g,g, les planches en plomb découpées suivant les contours du dessin
     que l’on veut réserver en blanc;

 Détail 37

  h,h, rouleaux placés en avant de la presse, et entre lesquels l’étoffe est
      pressée, après avoir été soumise à l’action de la liqueur, pour tomber
      ensuite dans le réservoir G;

Détail 40

  i,i, tuyaux de décharge pour l’eau et la liqueur;

 Détail 41

  K, robinet pour remplir d’eau le réservoir G;

  K,l, tuyau qui conduit la liqueur dans le réservoir H;

  m,m, repères adaptés à chaque angle du plateau supérieur, et dans
      lesquels s’engagent des broches fixées les planches inférieures;

  n,n, vis pour régler la parfaite horizontalité des planches de plomb, de
      manière à ce qu’elles correspondent exactement l’une avec l’autre.

 

On réunit habituellement plusieurs presses semblables pour éviter toute perte de temps, et la machine à vapeur qui les fait mouvoir peut agir successivement sur chacune à l’aide de deux pompes différentes.

 

La presse est mue par deux pompes, afin de remplir rapidement le corps de la presse:

 

  le piston du plus gros cylindre, de 22 cm de diamètre, a une course
      de 70 cm; 

  sa tige passe dans une boîte à étoupes, et il est mû par une force
      équivalente à 5.000 kg; 

  le piston du second cylindre n’a que 2,5 cm de diamètre; 

  il est également mû par une force de 5.000 kg, et sa course est
      aussi de 70 cm.

 

Les pistons au bas de leur course, on fait agir, au moyen de la machine à vapeur, de petites pompes foulantes, dont deux servent à élever le grand piston. Aussitôt il s’introduit dans les tuyaux une quantité d’eau assez considérable pour que les pistons arrivent à leur point le plus élevé; alors ils sont disposés pour faire agir la presse hydraulique. La pression hydrostatique se communique par des tuyaux en cuivre d’un petit calibre situés au-dessous du plancher, et d’une épaisseur suffisante pour résister à la pression.

 

Cette presse est munie de robinets: l’un ouvre la communication entre le grand tuyau et le corps de pompe de la presse; l’autre établit la communication avec le petit tuyau. Le premier permet d’élever le plateau mobile et de le mettre en contact avec le plateau supérieur; l’objet du second est d’opérer la pression nécessaire; le troisième robinet, dit de décharge, est destiné à faire écouler l’eau quand on veut desserrer la presse.

 

Douze à quatorze pièces d’étoffe, préalablement teintes en rouge d’Andrinople, sont étendues et pliées l’une sur l’autre, aussi également que possible, à l’aide d’une machine appropriée à cet usage. Les pièces sont ensuite enroulées sur un tambour en bois, placé derrière la presse. On place une certaine portion des pièces enroulées sur la planche inférieure, et on fixe des crochets aux deux lisières:

 

  on ouvre ensuite le robinet communiquant avec le grand tuyau; 

  l’eau, en pénétrant dans le cops de pompe, élève aussitôt le plateau
      mobile du dessous, de manière que l’étoffe dont il est chargé s’applique
      exactement contre la planche supérieure; 

  puis on ferme ce robinet, et on ouvre le second; 

  le poids de 5.000 kg que porte le petit piston du tuyau, étant
      multiplié par le rapport de la section du cylindre de la presse et la surface
      du petit piston, donnerait la mesure de la pression énorme avec laquelle
      l’étoffe est comprimée contre les planches de métal.

 

L’opération suivante consiste à faire arriver sur l’étoffe la liqueur destinée à enlever la couleur. Cette liqueur, composée de chlore liquide, qu’on obtient en ajoutant à une solution de chlorure de chaux d’une pesanteur spécifique de 1,010 un centième de son poids d’acide sulfurique à 1.846 de densité, est tenue dans un grand récipient placé dans une pièce contiguë, d’où elle est amenée dans de petits réservoirs de plomb H.

 

À mesure que la liqueur sort du réservoir en plomb, elle passe, en traversant les figures découpées dans les planches supérieures sur l’étoffe qu’elle pénètre, et dont elle enlève la couleur rouge; de là elle se rend par les trous de la planche inférieure dans le tuyau de décharge.

 

Immédiatement après le passage de la liqueur, on laisse arriver sur l’étoffe de l’eau qui enlève le chlore qui y adhère encore, et empêche en même temps son action corrosive. Si on négligeait cette précaution, il arriverait qu’en desserrant la presse le contour du dessin serait inégal, et que l’étoffe se trouverait altérée.

 

On peut faciliter le passage de la liqueur, ainsi que l’eau à travers l’étoffe, au moyen d’un appareil pneumatique ou d’une machine soufflante composée d’un grand gazomètre, d’où l’air, soumis à une pression modérée, s’échappe et agit dans la direction des liquides entre les planches et l’étoffe. En tournant le robinet à air, l’ouvrier peut aussi s’assurer de l’égalité de la distribution de la liqueur décolorante sur tous les vides de la planche supérieure. Lorsque les commandes sont nombreuses et pressées, on se sert fréquemment de l’appareil à air, parce qu’il permet à l’ouvrier de doubler son travail.

 

Le temps nécessaire pour opérer l’enlevage, dans la première presse, suffit aux ouvriers qui ont aidé à charger pour mettre en jeu d’autres presses. Celui qui est chargé de l’enlevage passe ainsi d’une presse à l’autre; il introduit la liqueur, l’air et l’eau, et il est suivi, à des intervalles réguliers, par les autres ouvriers qui desserrent les presses, déposent sur les planches une nouvelle couche d’étoffe, et opèrent ensuite la pression. Toute l’opération dure dix mn seulement, le temps pendant lequel 224 mouchoirs (16 cm x 24 cm) sont décolorés.

 

La quantité d’étoffe enroulée sur le tambour est successivement déroulée pour être soumise au même traitement.

 

En sortant de la presse, elle passe entre deux rouleaux h,h, placés en avant, et de là elle plonge dans un réservoir d’eau disposé au-dessous; finalement, on la transporte à la blanchisserie, où les blancs réservés acquièrent encore plus d’éclat.

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  Préparation des planches de plomb

 

Les planches de plomb (Figure 44), destinées à produire les dessins réservés en blanc sur l’étoffe, sont préparées de la manière suivante. On fixe solidement dans un châssis de fonte de fer à jour, de 2 cm d’épaisseur, à l’aide vis et d’écrous, une planche de plomb de 15 mm environ d’épaisseur on soude sur les bords de ce châssis une feuille mince de plomb, qui doit recouvrir toute la surface extérieure, afin que le fer ne soit point en contact ni avec l’étoffe ni avec la liqueur.

Fig 44

On forme ainsi une bassine de 2 cm de profondeur, qui sert à retenir la liqueur. On soude ensuite au fond de cette bassine une seconde feuille mince de plomb. Les feuilles de plomb seront parfaitement planes et unies, ce qu’on obtiendra en les battant d’abord à coups de marteau sur une table de pierre bien lisse, et en les finissant ensuite avec un rabot. On décalque sur cette feuille de plomb le dessin qu’on veut produire, et on le remet à l’ouvrier chargé de le découper à jour. Celui-ci procède à cette opération avec les petits outils généralement en usage parmi les graveurs sur bois. Il coupe perpendiculairement à travers la feuille même.

 

Les morceaux de plomb découpés par l’outil tranchant, sont aisément enlevés, et c’est ainsi que se forment les vides qui produisent les figures blanches sur le tissu rouge. On pratique au fond de ces vides, et à travers les planches épaisses de plomb, un nombre suffisant de petits trous, a travers lesquels la liqueur décolorante passe sur l’étoffe. Une des planches étant ainsi préparée, on en tire une épreuve qui est décalquée sur l’autre planche, laquelle est découpée de la même manière.

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  Chambre à sécher

 

Les tissus imprimés au rouleau à une ou plusieurs couleurs passent, avons-nous dit, dans une chambre à dessiccation. La Figure 45 représente les principales dispositions de cette chambre.

Fig 45

Le tissu d’, accompagné du doublier, passe sur une série de roulettes disposées sur deux rangées horizontales;

 

  après un certain parcours, le doublier abandonne le tissu et vient
      s’enrouler en Y;

Détail 43

  tandis que le tissu, continuant son chemin, va s’enrouler en Y’;

Détail 42

  la chambre est portée à une température plus ou moins élevée qui peut
      atteindre jusqu’à 50 °C.

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  Hot-flue

 

On donne le nom de hot-flue à un appareil (Figure 46) destiné à sécher rapidement, à une température élevée, les tissus imprimés.

Fig 46

Cet appareil fonctionne encore dans beaucoup d’imprimeries de tissus.

 

H, fourneau en fonte dont la partie supérieure est entourée d’une enveloppe qui débouche dans le conduit A. Ce conduit est légèrement incliné et se prolonge sur une étendue de 30 à 40 m. Sa largeur doit être supérieure à celle de la pièce; l’épaisseur du conduit est de 40 à 50 cm.

Détail 44

L’air chaud, arrivant par la partie inférieure de ce conduit, s’élève progressivement pour s’écouler par la cheminée D.

 

  une toile sans fin maintenue par des rouleaux circule à l'intérieur et à
      l'extérieur du conduit;

 

  la pièce de tissu est fixée par des crochets à la toile sans fin, elle pénètre
      dans le conduit pénètre par la partie supérieure, lorsqu’elle est arrivée à
      la partie inférieure, elle sort de la chambre à dessiccation pour remonter
      en dehors du conduit jusqu’à l’ouvrier qui la détache.

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  Machine à foularder

 

Cette machine sert surtout à la fixation des couleurs minérales ou oxydes métalliques colorés. Elle a pour but de déterminer l’imprégnation du tissu aussi également que possible avec une solution d’alun ou autre. Comme l’oxyde tenu en dissolution à la faveur d’un acide doit être déplacé en présence de la fibre, ce déplacement peut être réalisé en certains points seulement en imprimant l’agent saturant, ou sur toute la surface du tissu en repassant celui-ci au foulard.

 

La machine à foularder (Figure 47) se compose d’une caisse pour le liquide et de rouleaux:

Fig 47-48

  E, F, cylindres en bois recouverts de tissu qui reposent par leurs
      tourillons et b sur un support placé au-dessus de la caisse A;

Détail 45

  le cylindre F exerce sur le cylindre E une pression en raison de son poids
      et par le levier ef muni du poids p;

Détail 45

  le tissu est enroulé en hn; il est tendu par le contrepoids O; il passe sur
      le rouleau tenseur m, de là dans le réservoir G, passe sur le rouleau C,
      puis sur la règle élargisseuse I pour se rendre entre E et I et s’enrouler
      en H;

 

  le rouleau H repose sur un support mobile M autour de l’arc i’;

Détail 45

  le rouleau E est mis en mouvement; il fait tourner F et celui-ci agit sur H 
      pour déterminer l’attraction et l’enroulement du tissu.

 

L’appareil de la Figure 48 permet de faire passer plusieurs fois le tissu dans le bain.

 

  La pièce, en effet, qui se déroule en A;  puis passe dans le liquide sur le
      rouleau n;

Détail 46

  de là elle se rend entre les rouleaux exprimeurs garnis de toile R et R’;

Détail 47

  repasse dans le bain sur la roulette m et monte entre les rouleaux R' et
      R'' et vient s’enrouler en B.

Détail 48

 

 

  

  Chambre à sécher

 

Après le foulardage, les pièces humides restent quelques h humides sur le rouleau afin de favoriser une complète imprégnation. On les sèche ensuite à une température de 90 à 100 °C. Cette opération est très importante. La Figure 49 donne une idée d’une chambre à sécher les étoffes foulardées.

 

La Figure 49 ci-dessous donne une idée d’une chambre à sécher les étoffes foulardées:

Fig 49.1 Fig 49.2

Elle se compose d’un espace assez étendu qui est voûté (longueur 30 m, largeur 4 m, hauteur 3 m). Une série de petites voûtes partage cet espace en deux parties à peu près égales.

 

  C,C, fourneau allongé formant le plancher de la chambre; il est recouvert
      de plaques de fer juxtaposées et qui s’échauffent au rouge;

Détail 49

  F, entrée. h,h, orifices de ventilation avec registres que l’on peut ouvrir
      plus ou moins au moyen de la tige j;

Détail 50

  K,K, cylindres de cuivre étamé reposant sur les appuis y;

Détail 51

  i, tige mobile servant à régler la position des ventilateurs m. Ces
      ventilateurs se composent de plaques en toiles métalliques animées d’un
      mouvement de rotation de 300 tours/mn.

Détail 52

  Le tissu foulardé dans la chambre de gauche entre dans le séchoir en
      suivant la ligne ponctuée dans le sens des flèches; il se dessèche par
      l’action de la chaleur rayonnée par les plaques et par les voûtes. Cette
      dernière action est moins intense.

Détail 53

 

 

  

  Machine à enrouler

 

Cet appareil (Figure 50) est formé d’un bâti en bois qui supporte, à sa partie supérieure, une série de petites barres en bois parallèles et fixes, séparées à des distances voulues par de petits rouleaux en bois, dont les axes tournent librement dans des coussinets. Ces barres et rouleaux sont destinés à maintenir les pièces au large et à effacer les plis:

Fig 50

La pièce qui est posée sur le plancher à gauche, comme l’indique la ligne en spirale, passe alternativement dessus et dessous les barres et les rouleaux; elle enveloppe la demi-circonférence d’un tambour mû par le moteur de l’établissement. Elle s’enroule ensuite sur la bobine en bois, qui reçoit son mouvement continu par le contact du tambour.

 

L’axe de la bobine est fixe, carré, et mobile à volonté. Il est maintenu et pressé sur ses extrémités arrondies par deux leviers, auxquels sont suspendus des poids très pesants; le point d’appui de ces leviers est sur le bâti de la machine.

 

L’opération de l’enroulage est une des parties les plus essentielles pour imprimer au rouleau, à la Perrotine, et généralement pour tous les genres d’impression à la mécanique; aussi faut-il éviter de laisser passer les plis.

Fig 51

La teinture des étoffes de soie exige une circulation continue de la pièce accompagnée d’une tension convenable. L’appareil de MM. Jandin et Duval réalise ces conditions. Les étoffes de soie soumises au dégommage et à la teinture sont constamment maintenues à un certain degré de tension, aussi bien dans le sens de la longueur que dans celui de la largeur.

 

On évite ainsi la cassure fréquente de la soie, et l’on obtient des produits plus solides, à couleurs plus vives, présentant le même aspect que les étoffes tissées avec de la soie teinte. La tension en longueur et en largeur se donne en faisant passer la pièce d’un tambour sur un autre par l’intermédiaire d’un troisième tambour tenseur en large.

Fig 52

Les Figures 51 et 52 représentent deux coupes verticales d'un appareil à dégommer:

 

  A cuve chauffée à la vapeur; B,B, tambours ou rouleaux sur lesquels le
      tissu s’enroule et se déroule;

Détail 54

  C,C, tambours intermédiaires sur lesquels passe la pièce pour aller de B
      en B, et que l’on peut élever ou abaisser.

 

La Figure 53 donne les détails des dispositions de ce tambour:

Fig 53

  a, segments en laiton portant des entailles en forme de dents de scie à

      leur face externe.

 

Les segments de l’une des moitiés du tambour ont leurs dents dirigées de gauche à droite; ceux de l’autre moitié ont leurs dents dirigées de droite à gauche.

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  Machine à laver

 

Après dégommage, le tissu est lavé dans l’appareil de la Figure 54:

Fig 54

  A, A, coussinets pour les rouleaux;

Détail 55

  B, rouleau extenseur, semblable au rouleau extenseur de la Figure 53;

Détail 56

  C, C, tambours sur lesquels s’enroulent et se déroulent les pièces.

Détail 57

Ces tambours sont mis en mouvement par des manivelles.

 

 F', F, bras du bâtis mobile sur lequel reposent les tambours;

Détail 58

  E, supports pour maintenir les bras F', F, dans une position convenable;

Détail 56

  G, tube percé de trous pour l’arrosage des pièces.

 

Le tissu lavé est teint dans l’appareil de la Figure 55 ci-dessous:

Fig 55

  A, tambour extenseur en bois;

Détail 59

  B, tambours servant à enrouler et à dérouler le tissu, alternativement de
      l’un à l’autre. Puis il passe à travers le bain sur le tambour extenseur C.

 

  E, E, leviers mobiles, supportant les tambours B, maintenus par les pièces
      F  à des distances variables de A.

Détail 60

Voici maintenant comment on procède: six à huit pièces sont enroulées sur un rouleau mobile, que l’on fixe dans l’appareil de la Figure 52 pour faire passer de là les pièces sur les rouleaux B. on introduit de l’eau de savon dans la cuve, de manière à recouvrir les rouleaux. La température étant amenée à 100 °C par injection de vapeur, les pièces passent pendant cinq mn d’un rouleau à l’autre sur le tenseur C.

 

Chaque fois que l’on change le sens du mouvement, on doit retourner le rouleau C, afin que les rainures de droite et de gauche se présentent au tissu dans la même position. Après le passage en savon, les pièces sont de nouveau enroulées sur le rouleau mobile; celui-ci est porté dans l’appareil de la Figure 53 sur les appuis A; on passe le tissu sur le rouleau extérieur et de là sur le tambour B C. Le support E, qui maintient le bras F, est enlevé, de manière à faire immerger ce tambour. On lave d’abord avec de l’eau tiède additionnée d’un peu de carbonate de soude, puis avec de l’eau froide. Le tissu ainsi lavé est prêt à la teinture; on l’enroule une troisième fois sur un rouleau mobile pour le porter dans la cuve de teinture.

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  Impression des foulards

 

Ancienne pratique. Les tables qui servent à l’impression de foulards sont disposées de manière à recevoir l’étoffe dans toute sa largeur. Vers la partie comprise entre le baquet et la table est placée le rouleau, sur lequel est enveloppée la pièce à imprimer AB (Figure 58); elle porte une rainure dans toute sa longueur. Dans cette rainure entre une baguette, qui sert à maintenir le chef de la pièce:

Fig 58

La tête B du rouleau est percée de plusieurs trous, dans lesquels on passe une tige de fer pour l’arrêter d’une manière fixe, comme l’indique B’. À l’autre extrémité de la table, on place un peigne AB (Figure 58), qui est maintenu dans des tasseaux; les dents du peigne sont au niveau du drap. On dispose la pièce pour l’imprimer de la manière suivante: on la déroule, et on l’amène le chef sur les dents du peigne, dans lesquelles on la fait entrer en frappant légèrement dessus avec une brosse. On tend ensuite la pièce, en serrant le rouleau que l’on fixe avec la pointe, et enfin on imprime.

 

On doit faire attention, pendant le travail, à placer les dents du peigne toujours dans l’entre-deux de deux foulards.

 

On fait sécher les foulards pendant 24 h, avant le fixage, que l’on exécute pendant le temps que nous avons déterminé. On les lave à l’eau courante, et on les sèche très rapidement. On apprête les foulards des Indes ou façon des Indes, en les enroulant fermement sur un cylindre, lorsqu’ils sont encore un peu humides. Les foulards légers de Nîmes et d’Avignon sont empesés avec une solution légère de colle de poisson ou de gomme adragante; on les tend par leurs chefs sur deux cylindres parallèles, et l’on promène dessous un fourneau allumé pour sécher rapidement l’encollage que l’on applique avec une brosse de velours laine.

 

Texte de M. Schützenberger.

 

 

 

  

  Musées

 

  

  Lyon, France

  Musée des Beaux-Arts

 

Le musée des Beaux-Arts est l’un des plus grands musées français et européens. Situé au centre de Lyon, entre le Rhône et la Saône, il occupe un magnifique bâtiment du XVIIe siècle.

 

Réparties dans 70 salles, ses collections offrent aux visiteurs un parcours exceptionnel de l’Antiquité à l’Art moderne. Le musée s’enrichit régulièrement grâce à une active politique d’acquisitions qui sollicite notamment les collectionneurs ou descendants d’artistes et donateurs - amateurs.

 

Notre musée est un lieu de vie. Cent trente personnes y travaillent quotidiennement pour vous y accueillir au sein de ses collections et à l’occasion de ses expositions.

 

Adresse : 20, place des Terreaux - 69001 Lyon

Entrée des expositions : 16, rue Édouard Herriot

Tél. : 04 72 10 17 40

Métro : lignes A et C, station "Hôtel de ville – Louis Pradel"

Bus : n° 1, 3, 6, 13, 18, 19 et 44

Parking : Terreaux, Hôtel de ville – Louis Pradel

   Fermeture :

        mardi et jours fériés

   Horaires :

        10h00/18h00, vendredi : 10h30/18h00;

        les 24 et 31 décembre, le musée ferme à 17h00.

 

 ► Site du musée - ici -

 

 

 

  

  Lyon, France

  Musée des Tissus et musée des Arts Décoratifs

 

Documents d'histoire, sources d'inspiration pour la création contemporaine, les collections sont orientées selon deux grands pôles: l'Orient et l'Occident. Tapisseries coptes, tissus de la Perse sassanide, tissus byzantins et musulmans, tapis d'Asie mineure, retracent l'évolution des civilisations orientales.

 

La genèse de l'Occident se fonde sur les productions de Sicile et des républiques italiennes, bientôt relayées par l'essor artistique français. Les productions lyonnaises occupent une place prépondérante avec les dessinateurs ornemanistes Pillement, Philippe de Lasalle ou Dugourc.

 

Le XIXe siècle est illustré par les commandes impériales et royales, qui ont permis une reprise de l'activité textile lyonnaise. Le savoir-faire lyonnais est enfin confirmé jusqu'au XXe siècle avec des talents tels que Raoul Dufy et Sonia Delaunay.

 

Adresse : 34, rue de la Charité - 69002 Lyon

Tél. : 04 78 38 42 00

Métro : Ampère/Victor Hugo

Parc de stationnement : Bellecour, A. Poncet, Perrache

Bus : navette Presqu'île

   Fermeture :

        lundi, jours fériés, dimanches de Pâques et de Pentecôte

   Horaires :

        Musée des Tissus : 10h00/17h30;

        Musée des Arts Décoratifs : 10h00/17h30;

        seul le rez-de-chaussée est ouvert entre 12h00/14h00.

 

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  Paris, France

  Musée Galliera

 

C'est à Paris, dans le palais de la duchesse de Galliera, édifié au XIXe siècle, qu'est installé le musée de la Mode, inauguré en 1977. À l'occasion de prestigieuses expositions temporaires, le public est invité à découvrir l'histoire de la mode, à partir d'un fond riche de 90.000 pièces: les somptueux habits des XVIIIe et XIXe siècles comme les œuvres des grands couturiers et créateurs gardent la mémoire de trois siècles de mode. Bijoux, cannes, chapeaux, chaussures, sacs, éventails, gants, ombrelles et parapluies complètent les collections.

 

Adresse : 10, avenue Pierre-Ier-de-Serbie - 75016 Paris

Tél. : 01 56 52 86 00

Métro : Alma-Marceau / Iéna

RER : Pont de l'Alma

Station Vélib : Alma-Marceau

Bus : 32, 42, 63, 72, 80, 82, 92
 

 ► Site du musée - ici -

 

 

 

  

  Livres

 

  

  Le monde des teintures naturelles

 

De la pourpre impériale extraite de coquillages marins aux étoffes teintes aux écorces et à la boue, les teintures naturelles étaient, jusqu’à la fin du XIXe siècle, les seules sources de couleurs de tous les textiles utilisés quotidiennement par les humains.

 

Elles servaient aussi à teindre la peau et les cheveux, à mettre en couleurs cuirs, poils, plumes, bois, os et ivoires, comme colorants alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques et comme pigments pour la peinture. Supplantées durant plus d’un siècle par les teintures synthétiques, elles redeviennent aujourd’hui un enjeu économique et culturel.

 

Invitation à un tour du monde des savoirs sur la teinture par les colorants naturels, à travers l’histoire de l’art, l’artisanat traditionnel, les recherches scientifiques interdisciplinaires de pointe et leurs applications industrielles, cet ouvrage offre une synthèse des connaissances sur les matières colorantes présentes dans plus de quatre cents plantes, lichens et champignons et dans une quarantaine d’animaux du monde entier.

 

Un appendice chimique regroupe toutes les structures des colorants naturels étudiés. L’ouvrage est illustré de quelque 600 photos sur les plantes et les animaux tinctoriaux, les textiles et les objets anciens qu’ils colorent, sans oublier les teinturières et teinturiers au travail au fil des siècles.

 

Ce livre est aussi un appel à la préservation et à la mise en valeur d’un patrimoine précieux de l’humanité : les couleurs issues de la Nature, découvertes par les civilisations humaines dans toutes les régions du monde, au long d’une quête commencée à la préhistoire qui prend tout son sens aujourd’hui.

 

Cette nouvelle édition du seul livre de référence sur le sujet a été augmentée d’un grand nombre d’espèces et mise à jour à la lumière des connaissances les plus récentes. Il intéressera un public large, de naturalistes, d’historiens, d’amateurs ou de professionnel de l’art, et toutes les personnes concernées par la couleur et la coloration (scientifiques, industriels du textile, des cosmétiques, de l’alimentation, designers, spécialistes de la mode, etc.).

 

Dominique Cardon, directeur de recherche émérite au CNRS, a reçu la Médaille d’argent du CNRS en 2011. Membre du groupe de recherche international Researchers into Dyes in History and Archaeology, elle est l'auteur de nombreux ouvrages et articles sur l'histoire des teintures naturelles et l’identification des colorants dans les textiles archéologiques qu’elle étudie.

 

Elle collabore régulièrement à l’organisation des International Symposiums and Exhibitions on Natural Dyes (ISEND), congrès interdisciplinaires réunissant des centaines de passionnés des colorants naturels venus des quatre coins du monde. Elle a reçu en 2006 la Médaille de l’UNESCO "Penser et construire la Paix" pour cette action.

Le monde des teintures naturelles - Dominique Cardon - Belin

 

Le monde des teintures naturelles

Auteur : Dominique Cardon

Éditeur : Belin

Date de parution : 22 mai 2014

ISBN : 978-2-7011-6143-3

Format : 18 cm x 28 cm, 784 pages, broché

Prix : 59 € (2014)

 

 

 

  

  Mémoires de teinture

  Voyage dans le temps chez un maître des couleurs

 

Bleu, Écarlate, Cramoisi, Pourpre, Prune, Noisette, Tabac, Café... Les noms de couleurs des anciennes étoffes semblent parler d’eux-mêmes. Et pourtant, que d’efforts, d’imagination et de raffinement dans le métier de teinturier!

 

Ce manuscrit du XVIIIe siècle, pieusement conservé par une ancienne famille de drapiers du Languedoc, nous introduit dans cet univers où la maîtrise des couleurs décide du succès. Un trésor réunissant quatre précieux mémoires consacrés aux recettes de teinture des draps destinés aux "Échelles du Levant". Pour chacune des teintes, les échantillons correspondants: cent soixante-dix-sept pétales veloutés d’un fin drap de laine, à la fraîcheur éclatante.

 

Ce carnet de teinturier ne comporte aucune signature, aucune date, aucune mention de lieu. Autant d’énigmes que Dominique Cardon s’efforce de résoudre. Commentant et précisant le texte, l’éminente historienne des techniques nous guide sur les lieux de la manufacture royale de Bize, dans le Minervois, entreprise florissante au milieu du XVIIIe siècle, sur les traces d’un virtuose des couleurs, amoureux de ses étoffes et de son métier…

 

Le premier traité publié sur la teinture des draps de laine écrit par un maître en activité.

 

 

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*      *

 

 

L’historienne des techniques et de l’industrie déploie page à page tout un univers de pigments et de produits, qu’on appelait les drogues de teinture: les aluns pour fixer la couleur, les bois, le santal, la cendre gravelée, qui n’est autre que la lie du vin calcinée, la cochenille pour obtenir le rouge, l’indigo extrait du pastel des teinturiers.

 

Grâce à l’imposant appareil de notes elle éclaire aussi tout un contexte social, celui de la Manufacture Royale dont l’auteur du mémoire est l’entrepreneur avisé, formé sur le tas et travaillant pour le compte d’une puissante famille de négociants et fabricants de Carcassonne, ses relations avec l’Intendant du roi, voire avec le ministre de tendance libérale Trudaine, sur la question des quotas, de production comme d’utilisation de certains produits, car la question de la qualité des teintures est à la fois technique, économique et politique.

 

En amont apparaît en filigrane l’univers exotique des ingrédients, comme la cochenille, cet insecte qui donne le carmin et provient du Mexique, porté par "galions ou vaisseaux de registre" jusqu’à Cadix et de là vers l’Angleterre, la Hollande ou Marseille.

 

En aval surgissent les personnages bariolés des négociants orientaux, les Turcs, les Arméniens ou les Perses, réputés "très difficiles pour les couleurs", avec les fluctuations de leurs goûts et les modes de leurs sociétés respectives.

 

Au cœur du dispositif, la manufacture est l’instrument qui va permettre à l’auteur de ce manuel d’abord technique – je cite Dominique Cardon "la création de symphonies colorées, milliers de pièces de drap de toutes couleurs, en différentes gammes de finesses, et c’est en chef d’orchestre inspiré qu’il la dirige pendant plus de trente ans".

 

La métaphore est ajustée. C’est vrai, chacune de ces couleurs chante un poème iridescent dans le genre calibré, prosaïque de la recette.

 

Voici celle du Bouillon de couleur de feu, une nuance très vive et orangée d’écarlate, particulièrement prisée au Moyen-Orient et que les teinturiers languedociens réussissaient à merveille en donnant du bois de fustet lors du mordançage, bénéficiant d’une tolérance pour son usage alors qu’il était classé comme colorant de faux teint.

 

Dans un énorme chaudron de cuivre, le "bouillon" porté à ébullition va fixer la teinture en deux temps: le "mordant" des sels métalliques multiplie les sites de liaisons chimiques entre fibres et colorants et le deuxième bain, le bain de teinture parachève l’opération avec une proportion de cochenille suffisante pour obtenir la saturation et l’éclat de l’écarlate, cette "couleur mythique".

 

Jacques Munier, journaliste à France Culture - Chronique des Matins

Mémoires de teinture - Dominique Cardon -

 

Mémoires de teinture

Auteur : Dominique Cardon

Éditeur : CNRS

Date de parution : 2013

ISBN : 978-2-271-07964-0

Format : 14 cm x 22 cm, 416 pages, broché

Prix : 27,55 € (2014)

 

 

 

Armoiries du Comtat Venaissin Coat of arms of the Carmelite order

 

 

Tourisme en Vaucluse Provence - ADDRT 84 Vaucluse en Provence - ADDRT 84